Foule et totalitarisme
Publié le 28/09/2022
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TER – NOTE DE RECHERCHE
Foule et totalitarisme: En quoi l'émergence de la foule est-elle intimement
liée à celle des régimes totalitaires?
Frikh Inès …………………………………………………………………...11408205
Sommaire:
Introduction………………………………….………….p2
1) Evolution du concept de foule……...………………p3
a) Evolution du concept………………………………………..p3
b) Contexte politique…………………………………………...p4
2) Totalitarisme………………………………………….P6
a) Concept………………………………………………………….P6
b) Origine du totalitarisme………………………………………….P6
3) Théories liées à la foule……………………………...P7
Conclusion……………………………………………...p10
1
Introduction :
Avant la révolution Française, la foule est vue comme un simple agrégat d’individus,
capable de grands désordres.
Ce n’est qu’après celle-ci, qu’elle cesse d’être une multitude
mais devient une.
Le peuple, une fois devenu foule dans la rue, dégage une énergie
monstrueuse.
C’est l’entrée fracassante des foules dans la vie politique et l'avènement de la
démocratie et du suffrage universel qui amène la question de la nature de la foule.
Le concept
psychologique de la foule est étroitement lié à sa dimension politique, c’est pourquoi celle-ci
est fortement imprégnée d’idéologies et qu’il est important de situer ses conceptualisations
dans leurs contextes historiques et politiques.
Certains auteurs comme Le Bon ou Tarde,
pensent alors la foule comme irrationnelle, débouchant assurément sur une dictature.
Ortega y
grasset dira à ce propos : “Je crois que l’innovation politique récente ne signifie rien de plus
que la domination politique des masses”1.
D’autres comme Sighele, Rossi ou encore Marx,
verront au contraire, la foule comme une classe sociale autonome, loins des fantasmes
criminels qui lui sont attribués.
Depuis les années 1980, la notion de foules réapparaît
progressivement en science sociale, notamment avec L'âge des foules écrit par Moscovici.
Celui-ci explique que l’idée d’écrire sur la psychologie des masses lui est venue le jour où il
s’est résigné à accepter l’évidence: “Au début du siècle on était certain de la victoire des
masses, à sa fin on se retrouve entièrement captif des meneurs”2.
Dans cette revue de
littérature, nous allons nous demander en quoi l'émergence de la foule est-elle intimement liée
à celle des régimes totalitaires.
Dans le dictionnaire des notions philosophiques de Sylvain
Arnoux, la foule est définie comme un “Ensemble d’individus réunis en nombre important en
un même lieu et susceptibles d’actions de groupes (par exemple le lynchage) que la plupart
du temps ils n’accompliraient pas s’ils étaient seuls.”3 Arendt définit le totalitarisme comme
Ortega_y_Gasset_Jose_La_revolte_des_masses.pdf.
(s.
d.), p.8.
Consulté à l’adresse
1
https://monoskop.org/images/4/45/Ortega_y_Gasset_Jose_La_revolte_des_masses.pdf
2
Moscovici, S.
(s.
d.).
L’ÂGE DES FOULES.
Un traité historique de psychologie des masses.506.
Moscovici—L’ÂGE DES FOULES.
Un traité historique de psycholo.pdf.
(s.
d.), p.12.
Consulté
l’adressehttp://classiques.uqac.ca/contemporains/moscovici_serge/age_des_foules/age_des_foules.pdf
3
Sylvain Arnoux, s.v “Foule”,in Dictionnaire des notions philosophiques, PARIS, PUF,
1998.
2
une “mécanique irrésistible d’extermination de masse au nom de la logique d’une idée.”4
Dans un premier temps nous verrons l’évolution du concept de foule, puis nous nous
intéresserons succinctement au totalitarisme avant de détailler les différentes théories liées à
la foule.
1) Evolution du concept de foule:
a) Evolution du concept:
Selon E.Bovo dans La foule, la révolution française marque un tournant dans la
conception de la foule.
Avant celle-ci, la foule était perçue uniquement comme un problème.
Hobbes par exemple, pensait que l’humanité livrée à elle-même, sans ordre social coercitif,
était vouée à disparaître.
Selon lui, “aussi grande que soit jamais une multitude, (...) ils ne
peuvent attendre de cela aucune défense (...) Car ayant des opinions divergentes sur le
meilleur usage et la meilleure application de leur force, ils (...) se font obstacle les uns aux
autres, et par une opposition mutuelle, ils réduisent leur force à néant” 5.
Après la Révolution
Française, le concept de foule évolue.
Dans Histoire de la Révolution française de Michelet,
ce dernier décrit dans un premier temps la foule comme étant héroïque, puis au vu des
massacres de septembre, il la qualifiera de criminelle avant d’avancer l’idée d’une foule
révolutionnaire indéterminée6.
Il faudra toutefois attendre les travaux de Taine dans Les
origines de la france contemporaine, où il dépeint les foules révolutionnaires comme des
hordes de barbares que l’effondrement de l'ordre social a libéré7.
C’est ce que dira également
Park bien plus tard, dans La foule et le public. Selon lui la foule n’apparaît pas là où les
Caillé, A.
(2005).
Démocratie, totalitarisme et parcellitarisme.
Revue du MAUSS, no 25(1),
4
95-126, p.40.
doi:10.3917/rdm.025.0095.
Hobbes, T.
(2004).
Leviathan : Traite De la matiere, de la forme et du pouvoir de la
5
republique ecclesiastique et civile, https://doi.org/10.1522/cla.hot.levHobbes—2004—
Leviathan traite de la matiere, de la forme et.pdf.
(s.
d.), p.6.
Consulté l’adresse
http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/leviathan/leviathan_partie_2/leviathan_2e
_partie.pdf
6
Bovo,
E., & Joyeux, A.
(Éd.).
(2015).
La foule. Besançon: Presses Universitaires de
Franche-Comté, p.11.
7
Ibid, p.11
3
situations sociales sont stables mais plutôt lorsque les liens sociaux sont rompus et les
institutions ébranlées.
La foule a alors un double rôle: détruire définitivement les institutions
et en préparer l’émergence de nouvelles.
Dans De l’intelligence publié en 1870, Taine décèle
dans la foule révolutionnaire le symptôme de l’aliénation mentale et parle déjà
d'évanouissement de la personnalité8.
Il dira de la foule qu’elle est toujours actrice et son
action, toujours destructrice.
Plus encore, elle est le produit de la destruction, symptôme
d’une désagrégation sociale9.
Les constats de Taine seront par la suite repris par Lombroso en
Italie qui publie L’homme criminel en 1876.
Pour ce médecin, l’homme criminel est
dépourvu biologiquement de sens moral qu’il considère comme une caractéristique élevée de
l’évolution10.
Sa thèse fascinera alors Sighele, jeune juriste qui, dans La foule criminelle,
soutiendra qu’un individu dans une foule ne peut être tenu responsable de ses actes, car sous
l’effet d’une foule et d’un meneur, son sens moral est aboli, laissant émerger des
composantes plus archaïques de sa personnalité11.
b) Contexte politique :
Parallèlement en France, la démocratie et le socialisme prennent place.
Les temps
modernes remettent alors en cause le rôle des élites.
C’est dans ce contexte que Le Bon,
profondément hostile à la démocratie, publie Psychologie des foules e n 1895.
Donnant
l’image que “L’individu en foule est un grain de sable au milieu d’autres grains de sable que
le vent soulève à son gré”12.
Il explique alors que, pris dans une foule, l’individu développe
un sentiment de toute puissance et est très suggestible.
La personnalité consciente s’évanouit.
Le Bon n’est pas le premier à développer l’idée d’une foule indomptable.
Rivarol13, homme
des lumières d’orientation voltairienne, dont le postulat premier est que le peuple est par
8
Ibid, p.105.
9
Ibid, p.101.
10
Ibid, p.11.
11
Ibid,
p.12.
Le Bon, G.
(1895).psychologie des foules: (Félix Alcan, 9e édition de 1905).192
12
pp.Lebon2.pdf. (s.
d.), p.22.
Consulté à l’adresse
https://www.infoamerica.org/documentos_pdf/lebon2.pdf
Bovo, E., & Joyeux, A.
(Éd.).
(2015).
La foule. Besançon: Presses Universitaires de
Franche-Comté, p.45.
13
4
nature inéducable, exprime l’essence que sera la pensée de Le Bon un siècle plus tard.
Il dit
alors, dans le journal politique national du 2 août 1789 “la populace est (...) toujours
cannibale, toujours anthropophage.”14 Selon lui, le peuple n’obeira jamais à la raison.
Il dit
alors, dans le journal politique national du 9 août 1789 que les “philosophes actuels (...) ont
un monde idéal dans leur tête qu’ils veulent toujours mettre à la place du monde qui existe
(...) ils verront qu’en déliant les hommes on les déchaîne, qu’on ne peut leur donner une arme
défensive qu’elle ne devienne bientôt offensive, et ils pleureront sur le malheur de l'espèce
humaine”15.
La psychologie des foules de Le Bon, s’inscrit donc dans un mouvement
anti-rationaliste et anti-marxiste16.
En effet, dans la terminologie Marxiste, la foule n’est
perçue que comme “La somme des individus aux intérêts divergents auquel la bourgeoisie nie
la capacité et le droit de se constituer en classe organisée”17.
Si Marx, dans La question juive,
considèrent la déclaration des droits de l’homme et du citoyen comme l’expression d’une
liberté aliénée, il reconnaît que chaque avancée démocratique est une étape de plus vers
l’émancipation18.
Contrairement à Le Bon, Sighele salut la démocratie dans La foule
criminelle, car selon lui, la majorité suit inconsciemment les idées des plus intelligents, des
plus instruits.
Il défend alors la démocratie par des principes anti-démocratiques19.
Olivier
Bosc, sociologue et historien, Dans De la folla delinquente à la follacultura, qualifira
d’ailleurs Sighele et Rossi de prophètes italiens de la modernité.
Sighele ne pense pas la foule
capable d’une véritable autonomie, ce qui n’est pas le cas de Rossi.
Authentiquement de
gauche il cherche à travers sa psychologie des foules, des moyens de les libérer des meneurs.
Ils voyaient dans l’education de la foule un moyen de les libérer et nommera cette mission
follacultura dont il décrit les étapes.
Journal politique-national [Issue].
(1789a, août 2), p.6.
Consulté 31 décembre 2019, à
14
l’adresse Gallica website: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1054188g
Journal politique-national [Issue].
(1789b, août 9), p.3.
Consulté 31 décembre 2019, à
15
l’adresse Gallica website: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10541946
Bovo,
16
E., & Aramini, A.
(Éd.).
(2015).
La foule.
Besançon: Presses Universitaires de
Franche-Comté, p.74-76.
Ibid, p.87.
17
18
Ibid, p.85.
19
Ibid, p.130-131.
5
2) Totalitarisme :
a) Concept:
Ainsi nous nous retrouvons à la fin du XIXe siècle avec une conception floue,
ambiguë et parfois contradictoire de la foule.
Celle-ci aura un fort et bref succès, laissant
davantage la place à la notion de public développée par Tarde20 dans l’opinion et la foule. Le
concept de foule ne sera réactualisé qu’après la seconde guerre mondiale notamment avec
l’âge des foules de Moscovici, où ce dernier tentera d’en moderniser les conclusions.
Le but
étant alors de comprendre l'émergence du totalitarisme du XXe siècle.
Nous
allons maintenant
présenter succinctement
les auteurs
clés de la
conceptualisation des régimes totalitaires.
Une des premières conceptualisations du
totalitarisme provient d'Arendt qui souligne notamment l’importance dans les régimes
totalitaires de savoir mobiliser les masses.
Dans Les origines du totalitarisme, elle affirme
d’ailleurs que ce régime diffère par essence des autres types de régimes autoritaires.
Le
régime totalitaire, ne se borne pas à un territoire précis, ou adopte une hiérarchie, mais
recherche la domination totale.
Dans Démocratie et totalitarisme de Raymond Aron, il
identifie cinq éléments principaux au phénomène totalitaire: un parti unique avec une
idéologie garante de la vérité, l’existence des moyens de forces et de persuasion, les activités
économiques au moins en partie sous la tutelle de l’état, et enfin le développement d’une
situation de terreur résultant de la transformation de chaque faute en une faute idéologique.
Hermann Broch dans La théorie de L
a folie des masses, e stime que dès que les individus ne
se distinguent plus de la population dans laquelle ils sont immergés, ils favorisent alors
l'émergence d’un dictateur.
b) Origine du totalitarisme:
L’historien J.Talmon dans Les Origines de la démocratie totalitaire, voit dans la
Révolution française et l’héritage rationaliste des lumières, les racines du totalitarisme.
Arthur joyeux, notera quant à lui que “La critique des totalitarismes entretient avec le “règne
20
Bovo, E., & Joyeux, A.
(Éd.).
(2015).
La foule. Besançon: Presses Universitaires de
Franche-Comté, p.99.
6
des foules “une certaine communauté de pensée”21 mais rappelle qu’à l’inverse, les masses
ont été les premières à subir les conséquences de ces dictatures.
“De manière paradoxale, les
penseurs des lumières ont été totalement aveugles aux effets de leurs principes.
Ils n’ont pas
vu que leur application engendrerait la régression vers la barbarie plutôt que le progrès,
qu’elle renforcerait la servitude de l’homme vis à vis de sa propre nature au lieu de le
libérer”.22 Dans le même sens, Moscovici s’est décidé à écrire L'âge des foules lorsqu’il s’est
“résigné à accepter l’évidence (...) au début du siècle on était certain de la victoire des
masses, à sa fin on se retrouve entièrement captif des meneurs”23.
Selon lui, la foule devait
sonner l’aire de la liberté or le résultat fut tout l’inverse.
3) Les différentes théories de la foule
Nous allons maintenant nous intéresser aux différentes théories de la foule selon les
auteurs.
Sighele dans la foule criminelle, considère la foule comme différente de la somme
des individus qui la composent et pense que sa nature est à chercher dans l'âme collective.
Il
inclut dans la foule une série de manifestations secondaires comme les sectes, les castes, les
classes, car selon lui, la foule est en réalité la forme la plus ancienne de groupes humains.
Le
Bon dans La psychologie des foules a une conception très proche de celle de Sighele.
Pour de
nombreux auteurs24 la foule ne semble pas être déterminée par les circonstances spatiales
mais par l’environnement psychologique.
Un agrégat d’individus ne constitue pas forcément
une foule.
Dans psychologie des foules, Le Bon explique que tout peuple a un inconscient,
dont la base est le caractère de la « race ».
Dans la foule, l’individu régresse alors vers un
Ibid, p.91.
21
22
Bovo, E., & Aramini, A.
(Éd.).
(2015).
La foule.
Besançon: Presses Universitaires de
Franche-Comté, p.103.
23
Moscovici,
S.
(s.
d.).
L’ÂGE DES FOULES.
Un traité historique de psychologie des
masses.506.
Moscovici—L’ÂGE DES FOULES.
Un traité historique de psycholo.pdf. (s.
d.), p.12.
Consulté
l’adressehttp://classiques.uqac.ca/contemporains/moscovici_serge/age_des_foules/age_des_f
oules.pdf
24
Le Bon.Psychologie des foules, Sighele.Psychologie des sectes, Tarde.L’opinion et la foule
7
stade primaire , est soumis à un inconscient et se sent invulnérable.
On passe à un individu
collectif.
La foule ne comprend alors que les idées images, les raisonnements par analogie et
est facilement impressionnable et suggestible.
Le Bon dira alors «Qui connaît l'art
d'impressionner l'imagination des foules connaît aussi l'art de les gouverner.»25.
Il dressera
différents portraits de meneurs.
L’historienne S.Barrows dira à propos de son livre que « tous
les rudiments de La psychologie des foules sont dans les Origines de la France
contemporaine, à l’exception de l’hypnotisme »26.
G.Tarde quant à lui,
a une conception
plus restreinte de la foule.
Il différencie dans l’opinion et la foule, la foule du public et de
l’opinion.
Dans les lois de l’imitation, Tarde situe la source première de tout comportement
social essentiellement dans l’individu.
Un individu lance une idée; elle est recueillie par un
autre individu, qui s'en inspire pour sa pensée et sa conduite.
Des réseaux d'imitations ainsi se
créent.
Les trois formes des conditions sociales sont alors l’imitation dans un premier temps,
accompagné par la suite de l’opposition et enfin de l’adaptation; c’est à dire une position
équilibrée entre les deux.
Tarde appui également sur la suggestibilité de la foule et la
présence d’un meneur.
Cependant il critique très sévèrement les thèses de Le Bon dans
L'Opinion et la Foule.
Il y pointe les incohérences et explique par exemple que la foule n’est
pas nécessairement active.
Après avoir étudié ces pionniers, Freud publie en 1921
Psychologie collective et analyse du moi.
En s’appuyant sur La psychologie des foules de Le
Bon, il conceptualise une théorie de la foule basée sur la libido.
Freud parle d’identification et
d’idéal....
»
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