faut-il faire confiance à autrui ?
Publié le 26/09/2022
Extrait du document
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FAUT-IL FAIRE CONFIANCE A AUTRUI ?
Selon bien des sociologues, nous vivons dans une société de défiance.
L'autre est avant tout perçu
comme un danger potentiel, dont il convient de se méfier.
L'autre ici n'est pas seulement l'étranger mais
aussi les proches, soupçonnés de vouloir attenter à ma liberté.
Le résultat est une vie où domine le
sentiment de solitude, dont on se plaint par ailleurs.Selon Aristote, l'homme est fait pour vivre aux cotés
de son semblable : un être seul ne saurait être qu'un dieu ou une brute.
Quel position convient-il alors
d'adopter face à autrui ? Faut-il lui faire confiance ?
Il semble raisonnable ne pas faire d'emblée confiance à autrui.
C'est même une évidence.
Un étranger
désireux d'entrer en relation avec moi peut avoir de mauvaises intentions.
Un échange verbal peut être
suivi d'une agression sitôt que j'aurai baissé ma garde.
S'il est vrai que chacun agit d'abord en fonction de
ses intérêts personnels, la méfiance devrait être la règle puisque mes intérêts et ceux d'autrui, par
définition, ne peuvent tout à fait coïncider.
Cela est-il vrai en ce qui concerne les autres que je connais et plus particulièrement ceux que je considère
comme des proches ? Nous traçons une frontière nette entre eux et les autres.
Une relation qui perdure
dans le temps semble être garante d'une confiance légitime.
Pourtant, toute relation est susceptible de se
terminer un jour et l'on a pu voir à l'amitié succéder l'indifférence, voire l'hostilité, sinon la détestation.
Il
conviendrait alors là encore de rester sur ces gardes, attentif à tout signe de changement dans la qualité
de la relation.
De fait, n'est-il pas illusoire de parler de "proches" ? Si je suis conscient de moi-même et susceptible de
connaissance de moi-même, il n'en est pas de même pour autrui.
Comme le souligne Lévinas, autrui est
bien "l'autre", celui que je ne suis pas, qui me montre un visage indéchiffrable.
Nous pouvons chercher à
connaitre autrui, ses pensées, ses désirs.
Mais cette "conaissance" ne saurait être qu'approximative et
fondée sur une interprétation peut-être erronnée.
Tel geste peut avoir pour moi telle signification.
Mais
a-t-il le même sens pour celui qui l'a commis ? Pour comprendre autrui, je me prends moi-même pour
référence, prenant ainsi le risque de me tromper du tout au tout, et ce d'autant plus que l'autre, conscient
de mon effort pour saisir son intèriorité à travers ce que je peux percevoir de lui, et qui est toute
extèriorité, peut simuler et sciemment me tromper.
Certes, la durée d'une relation et sa constance
pourraient me permettre d'acquérir une relative certitude quand à la sincérité de ses sentiments, mais à
partir de quand ? Il n'est pas de réponse certaine à cette question, pas de règles a priori auxquelles je
puis me fier.
En ce domaine, l'expèrience seule est mon maître, et ce maître est toujours faillible.
Non-seulement l'autre est insondable, mais il peut aussi changer.
Pourtant, nous ne saurions vivre seuls.
L'expérience tentée par Frédéric II de Prusse, au XVIIIème siècle,
pour savoir quelle langue parlerait naturellement l'être humain préservé de tout contact avec ses
semblables, a aboutit à la mort des nourrissons employés comme cobayes.
Le contact avec autrui
apparait comme l'objet d'un besoin vital.
Cette nécessité de la relation à autrui est aussi inscrite dans la formation même de ma personne.
C'est
par l'exemple qu'il me propose que j'apprends.
Le bébé apprend à sourire, à rire, à pleurer...
parce qu'il
répond à autrui.
Cette communication est au fondement même de sa personne.
c'est ce qui explique que
Robinson Crusoé, confronté à la solitude, en vienne à parler aux arbres et aux rochers pour se tromper en
quelque sorte lui-même.
L'enfant délaissé qui s'invente un camarade de jeu n'agit pas autrement.
La
solitude totale est insupportable.
Même les ermites n'en font pas réellement l'expèrience : à leurs côtés se
tient Dieu, qu'il soit réel ou imaginaire.
Pourrait-on alors se contenter d'une relation imaginaire ? Ce serait courir le risque de vivre dans un
monde d'illusion, guère différent de la folie.
Robinson d'ailleurs devient en effet fou dans la solitude.
Tournier nous le montre détruit peu à peu par la solitude, sa personnalité se dissolvant et luiluttant pour
ne pas disparaitre tout à fait, parlant pour ne pas perdre l'usage de la parole.
Peut-on encore penser sans
les mots ? La personnalité peut-elle subsister en l'abscence d'un discours à soi-même ?
Comme le dit Sartre, "l'autre est le médiateur nécessaire entre moi et moi-même".
S'il peut m'aider à me
connaitre en m'apportant un regard extèrieur propre à me permettre de lutter contre mes illusions
(fantasme de la toute-puissance, mauvaise foi, fausses certitudes nées de l'orgueil ou du besoin d'une
bonne image de soi), il est d'abord celui qui me définit.
Il est aussi celui avec lequel je définis la réalité.
Celle-ci en effet, au-delà des sensations qui me sont
propres, est une construction collective à laquelle j'accède par la culture.
Elle est....
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