LA MONDIALISATION CONTEMPORAINE : acteurs, dynamiques et espaces
Publié le 18/09/2023
Extrait du document
«
PLAN DU MODULE II.
II.1.Depuis les années 1990 la mondialisation économique contemporaine densifie « Le tissage du monde »
(Christian Grataloup, 2020) en mettant bien plus brutalement en concurrence les divers acteurs et
territoires par l’intensification des flux lointains, dans le cadre d’une DIPP qui permet la ré-accélération
d’une croissance mondiale élargie au Sud.
II2.
Toutefois les stratégies antagonistes d’acteurs inégaux ne permettent pas de faire front commun face
aux défis d’une crise socio-environnementale pourtant globalisée-mondialisée dans ses causes et ses
effets, révélant un déficit de mondialisation politique démocratique.
II3.
On comprend alors que les Français, du fait de la douloureuse intensité de leurs efforts d’adaptation
en vue de conserver une insertion privilégiée dans la mondialisation économique et le concert des
puissances n’adhèrent guère à la promesse d’une « mondialisation heureuse » formulée à contrecourant
par l’essayiste Alain Minc en 1998
MODULE II.1.
LA MONDIALISATION CONTEMPORAINE : acteurs, dynamiques et espaces.
Selon le programme officiel d’ECG la mondialisation est « un processus complexe d’interconnexion des
différentes parties du monde ».
Ce processus est ancien : «Le Monde est une somme incommensurable de nœuds et de liens, souvent
filés et noués depuis longtemps».
C.Grataloup, 2020.
Toutefois la mondialisation s’est accélérée à partir de
la connexion des continents par les Européens au XV-XVI siècle.
Une nouvelle accélération de la
mondialisation est observée au XIX siècle.
Une troisième accélération de la mondialisation s’observe au XIX
siècle.
Puis, après un ralentissement de la mondialisation en 1914-1945 s’observe une quatrième et
dernière accélération de la mondialisation, jusqu’à nos jours.
Dans cette phase de 1945 à nos jours on peut
distinguer une première sous-période de 1945 à 1989 marquée par l’internationalisation d’économies
nationales encore largement autonomes, puis une deuxième sous-période depuis 1989, dite
« mondialisation contemporaine », marquée par l’imbrication des industries nationales dans une Division
Internationale du Processus Productif, DIPP facilitée par la numérisation et la financiarisation.
Cette
remondialisation économique, qui prend sa source dans les réformes occidentales des années 1970-1980
et s’étend au reste du monde dans les années 1990 (dite souvent deuxième mondialisation) est plus forte
et surtout plus rapide et ample que celle de 1815-1913 (dite première mondialisation de l’âge industriel).
C’est pourquoi certains auteurs réservent aux années 1990-2000 l’étiquette de mondialisation tout court,
ce que ne fait pas le programme (« mondialisation contemporaine »).
Cette mondialisation contemporaine, qui se met en place dans les années 1990, s’épanouit dans les
années 2000 puis se ralentit sans reculer à partir de la crise de 2008, est marquée par un paradoxe
fondamental : la puissance d’un Etat passe désormais par son interdépendance avec tous les autres Etats,
plus précisément par la conquête d’une place dominante dans certains maillons critiques des chaines de
valeur mondialisées , et non plus par une quête illusoire d’autarcie (objectif utopique des régimes
totalitaires de 1917-1939, discrédité par le désastre militaire de 1945 puis par le naufrage de l’autarcie des
pays de l’Est dans les années 1970-1980).
En ce sens, à l’heure de la mondialisation contemporaine, cette
mise en réseau des territoires , la puissance étatique ne passe plus seulement par la souveraineté juridique
sur des territoires mais par la maîtrise de ses échanges internationaux, dite « souveraineté économique ».
La sécurité, but permanent des Etats, devoir des Etats envers leurs populations, procède toujours de la
dissuasion de l’ennemi éventuel par l’étalage de sa force ; mais cette force n’est plus seulement celle de
l’armée nationale à la frontière, mais bien davantage celle de la puissance économique mondialisée.
C’est
la capacité d’un Etat à se rendre indispensable économiquement aux autres qui lui permet de manier la
carotte de la coopération économique et le bâton de la sanction économique, pour se faire respecter, ne
pas se faire imposer une volonté étrangère.
La souveraineté, à l’heure de la mondialisation, n’est plus tant
pensée comme le pouvoir exclusif de l’Etat sur son territoire que comme la capacité d’une société nationale
à poursuivre ses objectifs (développement, solidarité) dans l’interaction avec d’autres sociétés.
La
souveraineté ce n’est plus se refermer sur son territoire, ce qui serait se condamner à la misère et in fine à
la dépendance de facto envers les autres Etats, c’est rester maître de sa destinée collective, dans l’échange
international, qui combine étroitement coopération et confrontation.
C’est pourquoi les stratégies géoéconomiques, loin de se limiter à la quête illusoire d’une supériorité
technologique mondiale de la part des USA ou de la Chine, dans la perspective mercantiliste très archaïque
de Luttwak, concernent en fait tous les Etats, petits et grands, développés et sous-développés, car elles
visent le maintien de l’indépendance nationale plus que la domination.
Ces stratégies géoéconomiques
s’articulent aux vieilles stratégies géopolitiques (défense territoriale, projections de forces, alliances et
contre-alliances, équilibre des puissances).
D’où le caractère angoissant de la mondialisation économique
pour les nations : menée sur le mode du rapport de force brutal entre concurrents, elle révèle la nature
profondément anarchique des relations internationales, à l’heure où la vie quotidienne des citoyens
dépend plus étroitement de ces épreuves de forces économiques internationales.
Ce retard considérable
de la mondialisation politique (à peine ébauchée depuis les années 1900-1945 par les organisations
diplomatiques internationales) sur la mondialisation économique , qui affronte rudement les nations
comme on a pu le constater lors de la foire d’empoigne au matériel médical lors de la crise de la Covid en
2020 ou des surenchères internationales autour des importations de GNL lors de la crise ukrainienne de
2022, a été pointé de longue date par les observateurs.
Ainsi en 1969 dans Les désillusions du Progrès,
Raymond Aron dénonçait l’association de « la mondialisation » et de « la ploutocratie » qui accouche d’un
monde monstrueux, fait « d’un ordre anarchique de la puissance, d’un ordre inégalitaire du
développement, d’un ordre hétérogène des valeurs », discordances qui entravent le dialogue Nord-Sud en
vue de relever les défis communs de l’humanité.
Ce constat du présent de 1969 aurait été, mutatis
mutandis, pertinent en 1913 ; et l’est plus encore en 2023.
En associant ainsi acteurs, dynamiques et espaces, on échappe à une vision descriptive mécanique,
déterministe : la mondialisation ne refait pas le monde comme un démiurge ; ce sont les hommes qui font
ensemble et dans le désordre cette mondialisation.
On restitue une logique : les interactions des acteurs
publics et privés créent les dynamiques qui modifient les espaces, d’où en retour une mondialisation des
acteurs.
Ainsi par exemple dans le secteur de l’économie numérique, la mondialisation des acteurs
concerne autant un méga-acteur global comme Apple s’élevant au niveau de puissance d’un Etat, que le
consultant international en free-lance qui participe à la transformation numérique des grandes entreprises
dans le monde entier, à partir de son domicile.
Parmi ces dynamiques, c’est-à-dire ces rapports de force produisant du changement, ici la hiérarchisation
concurrentielle des territoires dans une division de plus en plus fine du travail (DIPP), deux facteurs
franchement nouveaux par leur ampleur distinguent la mondialisation contemporaine des phases
antérieurs de mondialisation.
* la constitution d’un réseau des réseaux numériques (inter-net) de 1969 à 1983, à usage
professionnel de 1983 à 1995, ouvert au grand public depuis 1995, qui divise par 100 000 le cout du
transport de l’information.
*qui facilite la deuxième grande nouveauté : la circulation électronique des capitaux : les flux
internationaux de capitaux croissant plusieurs fois plus vite que les flux de produits.
Ces flux électroniques
gérés par ordinateurs étaient déjà massifs le 19 octobre 1987, premier crash financier électronique à
Wall-Street.
Ces deux grands faits nouveaux et simultanés (internet, ronde mondiale des capitaux) qui se rejoignent et
s’épanouissent en 1995 (WWW : liens hyper-textes entre pages publiques ) ont été appelés
« globalization » par les Anglo-Saxons , qui ont donc donné à « mondialisation » (traduction française) un
sens étroitement technique et capitalistique, économique, marchand.
*Les dynamiques d’acteurs remodèlent les espaces .
Il s’agit d’abord des espaces non appropriés (ex :
régions industrielles, façades maritimes, hubs), ensuite des espaces communs en cours d’appropriation
(maritimes, extra-atmosphériques), des nouveaux espaces communs (cyber); mais aussi des espaces déjà
appropriés que sont les territoires d’où la question des frontières étatiques dans la mondialisation.
CHAPITRE 14 : La mondialisation des flux de marchandises
Le taux d’ouverture commerciale des économies nationales (PIB divisé par la moyenne des
importations et exportations) avait stagné à 1/10° dans les années 1950-1960 lorsque la croissance du
commerce international suivait celle de la production mondiale, à 4% l’an.
Comme dans les années
1870-1913, à partir des années 1970 la croissance du commerce international devient deux fois plus
rapide que celle de la production (6-7% pour 3%), d’où un triplement du taux d’ouverture à 3/10 dans les
années 1970-2007, puis un léger repli de quelques % de 2008 à nos jours (croissance du commerce
continue mais plus faible que celle de la production).
Ce taux d’ouverture commercial est ainsi passé de
15% vers 1973 à 25% en 2008 puis redescendu à 21% en 2022.
Cet essor de la mondialisation commerciale, du monde des marchands, signifie-t-elle pour autant
que le monde soit devenu uniforme, offrant un terrain de....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Dynamiques territoriales, coopérations et tensions dans la mondialisation (avec Hatier terminale)
- La philosophie contemporaine (cours)
- La mondialisation
- Mondialisation et puissance en l'an 2000
- Thème 2 - La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970)