Y a-t-il une vérité de l'amour ?

« L'amour est un sentiment que nous éprouvons à l'égard d'une personne quand celle-ci semble incarner un idéal fabriqué par nos désirs.

On est amoureux quand on désire s'unir avec la personne pour former un tout, c'est-à-dire ce que nous appelons un couple.

Etre amoureux, c'est aussi vouloir du bien à la personne que l'on aime, c'est ce qu'on appelle être bienveillant.

Mais l'amour c'est aussi vouloir posséder celle que l'on aime puisque l'amour est motivé par le désir, et comme le désir est relatif au manque, on cherche à tout prix à combler ce manque qui sera source de plaisir.

L'état amoureux semble donc revêtir plusieurs aspects qui montrent qu'il existent des façons différentes d'aimer.

Mais face à cette diversité empirique de l'amour ne peut-on pas postuler l'idée d'un Amour qui engloberait toutes ces différentes espèces ? Ainsi y at-il une vérité de l'amour ? Certes l'amour est un sentiment qui nous pousse à vouloir le bien de celui qu'on aime mais il peut aussi parfois se transformer en haine quand celui où celle que nous aimions nous trompe.

C'est ce qui fait dire à l'amant(e) déçu(e) qu'il où elle s'est trompé(e) sur celui ou celle qu'il ou elle aimait.

L'amour peut donc parfois nous tromper, « l'amour rend aveugle » dit-on communément.

Par conséquent quel sens y a-t-il à parler d'un amour vrai ? Une chose est vraie quand elle est en adéquation avec ce qu'elle est .

Ainsi un amour vrai serait un amour qui serait en adéquation avec ce qu'est l'Amour en son essence .Il faut donc rechercher l'Amour comme essence ce qui pourra permettre de distinguer l'amour vrai du faux amour. I L'amour comme essence ? A : L'amour peut être tout d'abord analysé comme relevant d'un désir d'union : celui qui aime veut former un tout avec son aimé(e).

C'est cette idée qui est exprimée par Platon à travers le personnage d'Aristophane dans le Banquet : les amoureux cherchent à reconstituer le tout qu'ils formaient avant que la colère de Zeus ne les sépare.

La psychanalyse s'est emparée de ce mythe et lui en a donné une toute autre signification : l'amour comme union a pour but de reconstituer l'unité primitive avec la mère par-delà la castration et les mécanismes du complexe d'Œdipe. B : L'amour est aussi attirance vers le Bien.

L'amant est attiré par l'aimé car il incarne le Bien.

C'est ce que rappelle Platon dans le Lysis : l'amour est quête d'un bien absolu qui incarne une fin.

Désirer n'est pas ici être mû par un manque, mais c'est être aimanté par l'attraction d'un bien. C : L'Amour en son essence s'apparente donc au désir du Bien qui est de l'ordre de l'attirance.

Platon fait de l'Amour le moteur même de la philosophie.

Le philosophe est celui qui aspire au savoir, au Bien.

L'amour est ce qui permet à l'âme de s'élever vers l'intelligible.

Mais l'amour est aussi désir de conserver le bien qui est assimilé au désir d'éternité.

Or c'est dans l'amour de la génération et de l'enfantement dans le beau que l'éternité se réalise. II L'amour et la question du choix A : Etre amoureux c'est être amoureux d'une personne dont la beauté provoque en moi le ravissement qui engendre l'amour.

Mais quelle est la nature de cette beauté ? Stendhal déclare que aimer c'est doter de perfections, c'est ce qu'il appelle le phénomène de cristallisation.

Cristalliser, c'est projeter sur un être insignifiant des perfections, des qualités qu'il ne possède pas intrinsèquement.

La cristallisation est un jeu de l'imagination.

Par conséquent pour Stendhal l'amour est une illusion, un phénomène créé de toute part par l'imagination. B : L'amour passion semble donc relever d'une illusion où l'amant se dupe lui-même, car il est victime de ses propres désirs qu'il plaque sur l'aimé.

Il faudrait donc comme le recommande Lucrèce s'adonner à la vénus vagabonde, c'est-à-dire n'attendre de l'amour que la satisfaction du plaisir sexuel.

Mais dans ce cas quelle différence y a-t-il entre faire l'amour avec une femme belle et celle qui ne l'est pas ? III L'amour vrai comme illusion A : Etre amoureux semble s'apparenter à être victime d'une illusion.

Illusion qui consiste à projeter en la personne de l'aimé, mes désirs et mes fantasmes.

Par conséquent je n'aime pas un être pour ce qu'il est, mais plutôt pour ce qu'il représente, c'est-à-dire un miroir qui reflète mon image.

L'amour dont il est question ici est un amour de concupiscence, amour dans lequel l'autre n'est qu'un moyen au service de la satisfaction de mes désirs.

Il s'oppose à l'amour de bienveillance où l'aimé est aimé pour ce qu'il est .

L'amour de bienveillance se retrouve dans l'amour de dévotion. B : Dans l'amour de dévotion, il s'agit de vouloir le bien de l'autre sans se préoccuper de ses désirs.

Dans cet amour l'aimé est aimé pour ce qu'il est et non pour ce qu'il représente.

Un tel amour implique que je me détourne complètement de moimême pour me préoccuper de l'aimé.

Si je me détourne de moi-même c'est que je considère l'aimé comme plus parfait que moi.

Mais de quelle perfection semble revêtir l'aimé pour que je l'estime plus que moi ? N'est-il pas dangereux de s'oublier complètement au profit de l'aimé ? L'amour de dévotion n'est-il pas illusoire dans la mesure où il s'agit de porter au pinacle un être fini censé incarner un Absolu ? Conclusion : A la question y a-t-il une vérité de l'amour on peut affirmer ceci : que l'amour soit de l'ordre de la passion ou de la dévotion, il semble reposer sur une illusion : pour l'amour passion l'illusion consiste à faire de l'aimé un être fantasmé qui incarne mes désirs et qui reflète l'amour que je me porte à moimême.

Pour l'amour de dévotion l'illusion consiste à faire de l'aimé un être incarnant l'Absolu.

Cela signifie que l'amour terrestre est illusoire et que l'amour vrai ne peut être que céleste.

Autrement dit cela signifie qu'il ne peut y avoir que d'amour de Dieu.

Mais Dieu n'est-il pas Lui-même une idole comme le disait Nietzsche.

De plus n'existe-t-il pas des illusions qui seraient profitables pour l'existence et dont l'amour ferait partie ? Ainsi c'est peut être en ce sens qu'il existe une vérité de l'amour à savoir qu'il est illusoire.. »