Y a-t-il une société sans État?
Publié le 16/06/2022
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ECS11
Culture générale
La modernité politique
: II-Existe-t-il une société sans Etat ?
A- L’inutilité de l’Etat
1-Les Sociétés primitives : Après avoir étudié différentes tribus au cours d’un
long séjour en Amérique du Sud, Pierre Clastres affirme dans La société contre
l’État que l’État n’est en réalité qu’une forme spécifique de pouvoir.
Les sociétés
primitives « sans État » le révèlent dès lors qu’elles sont observées sans
ethnocentrisme.
a- La société contre l’État refuse l’État.
Alors que les Occidentaux voient
communément dans l’expression « société sans État » un manque qui s’ajoute à
d’autres – les communautés primitives seraient sans écriture, sans histoire, sans
marché, sans technologie, etc.
– Pierre Clastres y voit, lui, une volonté explicite
d’empêcher la naissance d’une certaine institution de pouvoir.
Ainsi, dans sa
perspective, c’est l’émergence de l’État qui a fait disparaître le modèle de la
société primitive et institué une coupure politique entre “sauvages” et “civilisés” :
« L’histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l’histoire de la lutte des
classes.
L’histoire des peuples sans histoire, c’est, dira-t-on avec autant de vérité
au moins, l’histoire de leur lutte contre l’État » La société contre l’État.
Pierre
Clastres identifie plus précisément deux moyens utilisés par ces sociétés pour
empêcher l’émergence de l’État.
Il est tout d’abord nécessaire d’organiser les flux
démographiques, car une population trop importante entraînerait probablement
l’unification des unités élémentaires sous une autorité centralisatrice – la nature
du pouvoir dépend donc en partie de la taille du groupement.
Ensuite, il faut que la société prévienne l’apparition de « chefs » qui
commenceraient à exercer le pouvoir.
Pierre Clastres évoque à ce propos le cas
des Tupi-Guaranis (Est de l’Amérique du Sud), où des prédicateurs ont joué le
rôle de garde-fou contre l’installation d’un pouvoir politique centralisé.
b- La société contre l’État fonctionne avec un pouvoir non coercitif.
Pierre
Clastres oppose les sociétés avec État à celles sans État, et non pas les sociétés
avec pouvoir à celles sans pouvoir.
En effet, la coercition ne serait qu’une
caractéristique propre au pouvoir politique occidental.
Les peuples « sans État »,
eux, conçoivent le pouvoir à partir de l’impérieuse nécessité de le limiter.
« La
propriété essentielle (c’est-à-dire qui touche à l’essence) de la société primitive,
écrit Clastres, c’est d’exercer un pouvoir absolu et complet sur tout ce qui la
compose, c’est d’interdire l’autonomie de l’un quelconque des sous-ensembles
qui la constituent, c’est de maintenir tous les mouvements internes, conscients
et inconscients, qui nourrissent la vie sociale, dans les limites et dans la direction
voulues par la société.
La tribu manifeste entre autres (et par la violence s’il le
faut) sa volonté de préserver cet ordre social primitif en interdisant l’émergence
d’un pouvoir politique individuel, central et séparé » La société contre l’État.
Dans les sociétés amérindiennes, par exemple, le chef est un « faiseur de paix »,
une instance modératrice du groupe, obligatoirement généreux de ses biens et
ne pouvant repousser les demandes des « administrés ».
En somme, le chef n’a
pas de pouvoir de coercition ; il est sous la dépendance du groupe et il jouit
1.
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