Y a-t-il une morale de l'histoire ?
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«
Introduction
L'histoire s'engendre, c'est un constat, au rythme des conflits et des guerres, au rythme d'une volonté de domination de l'homme sur
l'homme.
La violence est de part en part de l'histoire l'élément moteur de l'évolution des peuples et des idéologies des individus.
Ouvrir
un livre d'histoire n'apporte rien concernant le bonheur des hommes.
Et Hegel a bien dit que ce sont les pages blanches qui reflètent les
époques de bonheur dans l'histoire.
Certains verront aussi dans l'histoire humaine le plan de la providence, dans lequel l'homme serait le
vecteur de plus de perfection et de morale.
Peut-on cependant voir dans l'histoire un progrès effectif où s'organiserait plus de justice et de
liberté au sein des gouvernements, ou faut-il plutôt voir dans la modernité l'apparition de cellules individuelles toujours plus égoïstes,
sans plus d'attache à quelque morale supérieure ?
I.
La violence caractérise l'histoire
a.
Avec Hegel, le face à face entre hommes est toujours une lutte pour la reconnaissance qui implique la vie et la mort.
Les deux
consciences se mettent en péril, en mettant la vie de l'autre en péril.
Il y a toujours en sortant de ce conflit une conscience qui préférera
conserver sa vie, ainsi renoncer à sa liberté.
L'autre est ainsi reconnu comme étant le seul libre.
Ce rapport constitue génétiquement le
rapport de maîtrise et de servitude.
Ainsi une conscience se soumet à un maître.
Il y a toujours dans l'histoire, telle est la conviction de K.
Marx, une lutte des classes.
Mais la victoire appartient-elle vraiment au plus fort (physiquement, économiquement, politiquement) ?
b.
Il est difficile d'éradiquer la violence entre les hommes quand chacun a la possibilité de se rendre propriétaire d'un site naturel.
C'est
Rousseau qui dénonce cette imposture originelle qu'est le droit à la propriété privée : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de
dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile » (Discours sur l'origine de
l'inégalité).
Et celui qui s'avise d'aller à l'encontre de ce désir de propriété se voit devenir un ennemi, et attire sur lui les guerres, les crimes
etc.
L'Etat lui-même est ainsi fondé sur la violence.
c.
Et cet Etat est le seul à être l'image d'une violence légitime.
C'est ce qu'affirmera le sociologue M.
Weber, que l'Etat a un droit à la
violence : l'Etat est la seule communauté humaine qui « revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence
légitime » (Le savant et le politique).
Mais il s'avère que si l'Etat bafoue excessivement les institutions qu'il pose, les citoyens ont un devoir
de résistance à l'oppression, afin de conserver leur liberté.
C'est l'idée de Rousseau que reconquérir sa liberté, quand on est sous le
régime d'un despote, est un droit et un devoir (cf.
Du contrat social, L.
I, ch.
IV).
II.
La violence des gouvernements dans l'histoire
a.
La tyrannie caractérise quelqu'un ou un groupe qui détourne la hiérarchie étatique à leur service.
Chez les Grecs c'est le pouvoir
politique exercé non pas en vertu d'une légitimité politique (héréditaire ou élective) mais par la violence ou une éloquence qui séduit le
peuple (cf.
la République de Platon, ou La Politique d'Aristote).
Le tyran est un despote, l'homme du pouvoir arbitraire et oppressif, « sans
égard à la justice et aux lois » selon Rousseau.
De plus, l'Etat tyrannique peut subsister en posant des complices dans toute sa hiérarchie.
Et La Boétie présentera la mécanique infernale de cet Etat : « plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus on
leur fournit, plus on les gorge » (Discours de la servitude volontaire, 1553).
Mais ce n'est pas seulement la force pour La Boétie qui désigne
la tyrannie.
En effet « le tyran asservit les sujets les uns par le moyen des autres » (ibid).
Le peuple, en même temps opprimé et
oppresseur, est lui-même complice ; ainsi, seul le peuple a le pouvoir d'instaurer la liberté.
L'Etat totalitaire se différencie de la tyrannie
en ceci que le dictateur défend une idéologie, alors que le tyran n'a en vu que ses intérêts.
Le dictateur veut imposer son comportement
idéologique à toute la société.
Le tyran, lui, se contente d'exploiter la société à son service.
Le mot « totalitaire » renvoie à une conception
totale et englobante de la société.
Pour un tel système, l'individu n'existe qu'au service de toute la société et surtout de l'idéologie.
Donc
on peut le sacrifier à tout moment.
Le tyran élimine les complices qui le menacent, le dictateur élimine tous ceux qui ne sont plus utiles à
ses projets.
b.
Ainsi la question d'une providence divine semble de suite éradiquer devant tant d'événements qui marqueront à jamais l'histoire de
l'humanité.
Toutefois, il est possible de voir dans le déploiement mondial de démocraties libérales la marque d'une histoire qui tend à la
moralité, à la justice et au maintien de droits inaliénables.
C'est un constat que de voir, depuis l'Indépendance des Etats-Unis et la
Révolution française, une nécessité mondiale d'un mode de vie basé sur le libéralisme.
Bon nombre de dictature par exemple se sont
écroulée sous la pression d'un peuple qui réclamait plus de justice et de liberté (Espagne, Portugal, etc.).
De fait, les hommes semblent
plus à même, quelque soit leur culture, leur religion, de voter pour un gouvernement favorisant les libertés individuelles, que pour une
dictature terrifiante.
Francis Fukuyama, dans La fin de l'histoire et le dernier homme, présente clairement la thèse selon laquelle la
démocratie libérale reste le meilleur régime politique et économique, en tant qu'elle se maintient plus longtemps qu'une dictature, et que
les principes qui la constituent séduisent la majorité des peuples.
III.
L'histoire ou l'instrumentalisation de la morale
Selon certains, la morale doit être appréhendée de manière historique, c'est-à-dire être mise en rapport avec la société dans laquelle
elle émerge.
De fait la morale est toujours celle d'une société donnée, d'une certaine époque et d'un certain monde.
Mac Intyre ainsi,
dans Après la vertu, montre que la morale ne saurait plus être traditionnelle et autoritaire, mais individualiste.
Il y a un déclin de la
morale dans ce sens, et l'auteur entend rouvrir une morale aristotélicienne de la vertu.
Du fait de cette individualisme, la société n'a plus
de conception morale suffisamment forte pour offrir au groupe une cohésion véritable, et une réponse aux problèmes moraux donnés.
La
modernité, qui a une conception instrumentale et manipulatrice de l'action, prône les intérêts subjectifs et efface le respect interpersonnel.
Chacun y va de son émotion pour donner valeur à telle ou telle attitude.
Devant un tel déclin de la conception moderne de la morale, Mac
Intyre impose de choisir entre Aristote et Nietzsche : Nietzsche opposait deux types de morale, celle des « maîtres », capable de dominer
les volontés faibles, d'imposer leur conception, et celle des « esclaves », ou celle des faibles qui se soumettent incessamment à leurs bas
penchants (tendance moderne à la surémotivité).
Conclusion
L'histoire justifie bien à travers ce qui la constitue (les peuples, les Etats, les individus etc.) une violence permanente.
Hegel parlait
d'une violence nécessaire au déploiement de la raison, au devenir éthique de l'Etat.
Mais la constitution de l'homme semble à jamais
ambivalente (Freud), ce qui indique qu'il y aura toujours un régime meurtrier constitutif de l'histoire, même si la violence s'opère aussi
aujourd'hui de manière plus insidieuse (OGM, désirs des ultralibéraux etc.).
Ainsi la violence historique devient non plus simplement une
menace pour l'homme, mais aussi et surtout une menace pour la vie dans toutes ses formes (animales, végétales etc.).
L'homme, au
lieu de favoriser de nos jours un progrès historique, en instituant tel ou tel de ses désirs, devrait bien plutôt penser à la conservation de
cette histoire silencieuse, mais vitale, celle de tous les êtres vivants..
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