Y a-t-il une logique de l'insensé ?

« Problématique: La folie s'oppose à la raison par le caractère incohérent de ses délires.

Pourtant, on peut y déceler une cohérence, dans la mesure où la maladie est souvent une réponse à un environnement humain hostile, comme l'ont montré les psychologues. La logique est la science des inférences valides.

L'objet de la logique est donc de dégager des lois qui autorisent des procédures, et de les expliciter et formuler.

A ristote fut le premier à en tenter une explicitation.

Le terme dérive directement du grec logos qui signifie à la fois discours, raison et calcul.

La réflexion d'A ristote est un prolongement sur les interrogations et les recherches sur l'argumentation dans le discours.

Sa logique a donc but de prime abord d'apprendre à bien raisonner.

Plus généralement, on appelle logique toute pensée ou discours qui est cohérent.

Or l'insensé est ce qui est privé( in) de sens, de signification.

De prime abord, on peut dire que ce qui n'a pas de sens n'en a pas en vertu du fait qu'il ne répond à aucune logique.

Mais cependant l'insensé n'est-il pas insensé juste parce que sa logique est différente de la notre ? Ne s'agit-il pas d'accueillir ce qui nous semble illogique et sans sens pour essayer de le comprendre ? Le sens provient d'une construction logique On peut dire que les choses n'ont pas de sens en elles-mêmes.

C'est la conscience et la subjectivité qui leur donne.

Le sens provient de la façon d'organiser nos représentations et d'attribuer à chacune une place dans un système.

Il est donc une construction logique comprise par tous puisque sans cela nous ne pourrions communiquer.

La phrase fait preuve d'un ordre et si celui n'est pas respecté, nous ne pouvons pas comprendre ce qui est dit. Dès lors, l'insensé est ce qui ne répond d'aucune construction, d'aucune signification.

Ainsi, par exemple, un discours insensé est un discours dans lequel rien n'est organisé, où l'on ne comprend ni le développement, ni les conclusions.

L'insensé correspond à ce qui est illogique, c'est même sa principale définition. L'insensé possède une autre logique Pourtant il est réducteur de dire que tout ce qui n'a pas de sens pour nous n'a pas de logique.

Il faut reconnaître avec humilité que ce que nous considérons comme insensé fait juste preuve d'une autre logique, que nous ne comprenons pas. A insi, par exemple, la psychanalyse postule que certains actes ou idées qui n'ont aucun sens par rapport à la conscience, entre dans une logique de fonctionnement et se découvre en sens quand on se réfère à l'inconscient. A ussi Freud voit dans le délire de paranoïa une autre façon de voire les choses que nous ne comprenons mais qui répond quand même d'une logique.

« Le paranoïaque a donc, dans une certaine mesure, raison : il voit quelque chose qui échappe à l'homme normal, sa vision est plus pénétrante que celle de la pensée normale.

» Psychopathologie de la vie quotidienne Toute chose peut avoir un sens, l'illogisme aussi Pour pouvoir essayer de comprendre l'insensé, il faut tenter de prendre du recul sur notre logique et sur la logique communément admise.

Il s'agit d'ouvrir notre esprit et notre raison. C 'est pour cela que certains ont prêché pour l'illogisme et l'insensé.

Il est vrai que dans un monde où tout se doit d'être rationnel, la liberté semblait pouvoir se trouver dans la destruction de la logique. C 'est pour cela que les surréalismes ont inventé nombre de techniques telles que l'écriture automatique ou le « cadavre exquis ».

Il s'agissait de laisser aller son esprit sans y réfléchir et en évitant toute intervention de la raison et de la logique.

C ependant, cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de sens. Il faut bien voir que le sens est subjectif.

C hacun peut voir du sens où l'autre n'y verra rien.

L'art en est l'exemple le plus flagrant. De plus, pour Nietzsche, c'est de l'illogisme que naît la logique, mais aussi le sens.

« D'où la logique est-elle née dans la tête des hommes ? C ertainement de l'illogisme dont le domaine a dû être immense à l'origine.

» ( Le gai savoir) Nietzsche reprend ici une idée de son « éducateur » Schopenhauer, même s'il en tire des conséquences bien différentes. Il reconnaît en effet que l'intellect et la logique ne sont absolument pas premiers en l'homme et que ce dernier est mû et dirigé par autre chose que la raison.

L'homme est un composé de multiples penchants, de multiples pulsions et la connaissance et la logique sont composées aussi bien que tous les autres actions de l'homme de cette lutte de pulsions. Il faut donc reconnaître que le monde qui donne naissance à l'homme et à la logique n'est pas logique, il peut même être contradictoire.

Les choses sont en lutte et la logique naît dans un océan d'illogisme.

Nietzsche est un philosophe qui prône les bienfaits de la lutte et de la contradiction.

A l'instar de Lucrèce, c'est bien le combat des choses, des penchants qui fait naître la vie et le monde.

Si l'homme est composé de penchants et de pulsions, c'est que sa vie a besoin pour s'épanouir de ne pas se contenter de la logique.

Il a besoin de l'art, du langage, d'émotions qui donnent de la valeur à la vie.

La nature est donc illogique et l'homme a besoin de retourner à cette relation primordiale avec les choses qui n'ont rien à voir avec le raisonnement.

Nous pouvons tous nous apercevoir que notre rapport au monde est tissé d'émotions et d'affectivité et pour une petite part de rationalité. Le penseur généralement, chez Nietzsche, essaie d'aller plus loin que ce que la majorité ou la société lui donne à penser. Il regarde l'homme sans hypocrisie et aperçoit autant sa laideur et que sa beauté.

C elui qui regarde donc l'homme sans manière verra que sa conduite ne tient pas du tout à la logique et à une conduite rationnelle.

Or le penseur, traditionnellement, est celui qui trouvait un ordre dans le monde, qui essaie d'en rendre compte rationnellement.

Il sera donc souvent désorienté voire désespéré nous dit Nietzsche, parce qu'il sera obligé d'admettre que la raison ne peut rendre raison de tout et que le domaine de la pensée rationnelle est limitée. Bien plus nous dit Nietzsche, il doit admettre que l'illogique permet à l'homme de vivre et que la raison n'est pas la seule chose bonne.

Il y a donc chez Nietzsche une opposition entre la vie et la raison et cette appréhension par le penseur peut être difficile à accepter. A insi, une chose n'a pas de sens quand elle ne répond pas d'une construction valide, qu'elle ne s'intègre pas dans un système de signification.

C 'est qu'elle ne rentre dans aucune logique.

Pourtant, il faut bien voir que ce qui nous paraît insensé, l'est en vertu de notre propre logique et mode de fonctionnement. A insi, un fou peut très bien avoir une suite dans ses idées mais nous ne sommes pas capables de la comprendre puisque différente de notre façon de voir, de notre logique.

Il faut dès lors essayer d'ouvrir son esprit pour tenter de comprendre sans condamner, ni rejeter.

Le sens est toujours à trouver et c'est à nous de le construire.

La plongée dans l'illogisme permet de nous ouvrir l'esprit et de voir plus loin.. »