Y a-t-il une intelligence animale ?
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Y a-t-il une intelligence animale ?
INTRODUCTION.
— Préoccupés, comme DESCARTES, de garantir la transcendance de l'homme par rapport au reste
de la création, les philosophes ont pendant longtemps réservé à l'homme le privilège de l'intelligence, expliquant le
comportement animal par un mystérieux instinct ou se dispensant de l'expliquer.
Le vulgaire, au contraire, n'ayant
pas sur ce point d'idée préconçue, ne se faisait pas faute de parler de l'intelligence des animaux qui, parfois, lui
paraissait très voisine de celle de l'homme.
De nos jours, les psychologues ont étudié méthodiquement le comportement animal.
Non contents d'observer les
animaux domestiques, ils ont expérimenté sur des espèces fort diverses, depuis les vers jusqu'aux singes en passant
par les mollusques et les insectes.
Eclairés par leurs recherches, pouvons-nous admettre l'existence d'une
intelligence animale ?
I.
— LA NOTION D'INTELLIGENCE.
Nous prenons ici le mot « intelligence » au sens strict.
A.
Au sens large.
— En effet, dans le vocabulaire philosophique, sinon dans le vocabulaire courant, on entend
parfois par intelligence l' « ensemble de toutes les fonctions qui ont pour objet la connaissance » (Vocab.
de
LALANDE, sens A).
L'animal qui a des sensations, qui perçoit et se sou
vient, participe à l'intelligence ainsi comprise.
B.
Au sens strict.
— Mais dans l'usage ordinaire on entend par « intelligence » une faculté de discernement et de
compréhension.
Les mots le disent : intelligere, c'est légère inter, choisir parmi le donné et faire un choix judicieux;
comprehendere consiste à « saisir » une chose « avec » d'autres, dans leur ensemble, et dans leurs rapports, par
exemple dans leur rapport de ressemblance ou de contraste, de causalité ou de finalité.
De l'intelligence ainsi
comprise, on a donné différentes caractéristiques essentielles que nous rappellerons brièvement.
a) TAINE la caractérisait par le pouvoir d'abstraire, c'est-à-dire de ne retenir du donné perçu que des éléments qui,
en réalité, en sont inséparables, et par là de s'élever aux notions générales, condition de la science et du langage.
A ce pouvoir d'abstraire se ramène celui de percevoir des formes, c'est-à-dire de faire abstraction des qualités
matérielles d'un objet concret pour ne considérer que la figure.
b) DESCARTES donne deux signes distinctifs de l'intelligence qu'il refuse de
reconnaître aux animaux : le pouvoir d'adaptation et le langage.
c) Mais on peut, semble-t-il, réduire ces caractéristiques au pouvoir de
percevoir des rapports.
C'est en effet, après avoir reconnu des rapports de
ressemblance et de différence que nous sommes amenés à distinguer dans les
choses les éléments constants des éléments variables et à les abstraire.
De
même, le langage suppose la perception du rapport de signification, et pour
s'adapter à une situation nouvelle il faut discerner ce qui rapproche la
situation nouvelle de la situation antérieure et ce qui l'en différencie.
Pour savoir si on peut parler d'intelligence animale, nous devons donc nous
demander si les animaux sont capables d'abstraction et de perception les
formes, s'ils s'adaptent et s'ils perçoivent des rapports.
II.
— LES COMPORTEMENTS INTELLIGENTS DE L'ANIMAL.
L'observation des animaux qui nous sont familiers nous Je montre déjà, mais
les expériences méthodiques des psychologues ont confirmé l'impression
commune : le comportement animal n'est pas purement mécanique; il
comporte de l'intelligence.
A.
L'abstraction et la perception des formes.
— II y a, dans la conduite des
animaux qui nous sont familiers, une régularité de comportement qui nous
amène à supposer qu'ils sont guidés par des représentations analogues à nos idées générales et qui résultent de
l'abstraction.
Ne voit-on pas le chien porter un intérêt particulier à tous ses congénères, tandis qu'il poursuit tous
les chats ? Instinct, dira-t-on.
Mais on ne peut pas recourir à l'instinct pour expliquer que tel chien se montre
hostile aux loqueteux tandis qu'un autre réserve ses aboiements, ou au contraire ses amabilités, aux porteurs d'un
uniforme.
Cette attitude générale implique une abstraction : l'animal néglige l'identité personnelle, la taille de celui à
qui il a affaire, la couleur de ses habits; il ne tient compte que d'un élément de son aspect extérieur.
Ces observations ont été confirmées par les expériences méthodiques menées par des spécialistes de la psychologie
animale.
De patients expérimentateurs opérant, non pas seulement sur des animaux supérieurs comme le singe ou le
chien, mais même sur des espèces auxquelles on ne reconnaît pas une intelligence particulière, sont parvenus à
obtenir des comportements qui induisent à supposer chez leurs sujets le discernement caractéristique de
l'abstraction : l'abeille ou le rat, par exemple, sont dressés à choisir une couleur indépendamment de la forme et de
la grandeur de l'objet coloré, ou bien une forme triangulaire indépendamment de sa grandeur et de sa couleur, ou
bien enfin l'objet le plus petit indépendamment de ses autres qualités apparentes.
N'y a-t-il pas là abstraction
véritable ?.
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