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Y a-t-il un temps pour philosopher ?

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« Problématique: Faut-il philosopher quand on est jeune, pour préparer sa vie, ou au soir de son existence, pour faire le bilan? La sagesse est un apprentissage et demande une capacité de détachement.

Nul ne peut prétendre avoir déjà atteint la sagesse. Une acception vulgaire du terme “ philosophie ” tend a en faire un principe recteur de l'action mais qui en est distinct, comme en retrait, hors du temps de l'agir, prolégomènes à l'acte, sorte de préface s'effaçant une fois l'engagement pratique entamé.

Mais la philosophie toujours déjà est acte.

Acte de pensée, certes, acte distinct d'autres activités parcellaires qui trouve dans l'effectivité de la matière du monde le lieu de leur accomplissement, de leur réalisation et leur finalité.

Mais si le philosopher peut être compris comme une activité extérieure à l'effectivité pratique, si le philosopher semble s'extraire de toute relation de causalité finalisée, étant à lui-même sa propre fin – finalité endogène ou autotélicité, le problème du temps à sa disposition se pose dès ses fondements. N'est pas déjà avec la mort de Socrate, lui qui ingurgite le poison (pharmakon) sachant que le remède (pharmakon) divin du savoir est gage du salut de son âme, que s'offre la possibilité d'un terme à la philosophie, la possibilité d'arrêter de philosopher pour agir, s'exiler de la cité en abdiquant sa foi en la philosophie ? Y a-t-il un temps pour philosopher distinct et comme exclusif de celui de la fuite, de la fuite pour sauver sa chair et vivre dans le monde selon le bon sens de l'homme commun ? Vouloir ainsi déterminer le temps de la philosophie, assigner des limites à la pertinence pragmatique de sa pratique, engage à raisonner sur le lieu du déploiement de l'activité philosophique.

Qu'est-ce alors que philosopher ? I.

Le temps dans la philosophie Selon un témoignage de Pythagore transmis par Diogène Laërce, est philosophe celui qui s'adonne au spectacle du monde en en contemplant (theorein) l'ordre pour en penser le sens.

Avide de savoir (polymathia), le philosophe s'étonne [Platon / Aristote] de ce qui s'offre à sa vue. Dans un passage de la « Métaphysique » (Livre A, chapitre 2), Aristote explique l'origine de la philosophie et le but qu'elle poursuit.

« Ce qui à l'origine poussa les hommes aux premières recherches philosophiques, c'était, comme aujourd'hui, l'étonnement .

» L'admiration et l'incompréhension devant le monde poussent l'homme à chercher à comprendre et à rendre compte de ce qui l'entoure.

Ainsi naît la philosophie, qui n'a d'autre but que de tendre à expliquer le monde. Dans ce passage de la « Métaphysique », Aristote reprend l'enseignement de son maître. En effet, Platon écrit dans le « Théétète » : « il est tout à fait d'un philosophe, ce sentiment : s'étonner.

La philosophie n'a point d'autre origine… » L'étonnement, pour les Grecs, est donc l'origine véritable de la recherche philosophique. L'étonnement consiste en l'arrêt admiratif devant une chose que l'on ne comprend pas.

Le mot n'est pas à comprendre au sens moderne cad la stupéfaction devant quelque chose d'inhabituel. Le sens commun, la plupart des hommes ne s'étonnent que devant un phénomène extraordinaire, qui échappe à la routine, et dont il est clair qu'on ne le comprend pas, qu'on ne peut le classer dans les rubriques habituelles.

Or les phénomènes les plus communs ne sont pas les plus connus, tant sen faut, et le sentiment de connaître ce que l'on voit souvent n'est qu'une illusion. L'étonnement qui frappe le philosophe concerne n'importe quelle chose, aussi banale soit-elle en apparence.

C'est d'abord l'admiration devant la nature, et l'aveu de son incompréhension devant ses mécanismes.

« Or apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance […] ainsi donc ce fut pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie.

» Les exemples que donne Aristote sont éclairants ; les premières recherches se concentrèrent sur les objets à notre portée, puis les phases lunaires, puis le cours du Soleil, puis la formation de l'Univers.

Deux points sont remarquables : Þ D'une part, la philosophie n'est pas ici séparée de la science ; les exemples de recherches philosophiques sont des exemples qu'on qualifierait aujourd'hui d'astronomiques.

En fait la séparation de la science d'avec la philosophie est très tardive.

Elle date du XVIII ème siècle, et tous les grands noms de la philosophie furent aussi, jusqu'à cette époque au moins, des grands noms des sciences. Þ D'autre part, l'étonnement e s'exerce pas sur des choses extraordinaires, mais tout simplement devant ce qui est, et dont la nature nous offre chaque jour le spectacle comme la course du Soleil, les marées, etc.

La philosophie essaie, tente, de rendre compte de ce qui est.

C'est-à-dire de l'expliquer.

Soit simplement en en énonçant les mécanisme, soit en essayant d'en donner le sens.

On en arrivera ainsi à des questions dites métaphysiques : « Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » (Leibniz). Enfin, si la philosophie, selon Platon, commence par l'aveu de l'ignorance, son but est de faire cesser celle-ci.

Son but est la connaissance. Aristote insiste sur ce point essentiel, sur l'image que la science et la philosophie se font d'elles-mêmes : « Il est évident qu'ils poursuivaient la science pour savoir, et non en vue de quelque autre utilité.

». »

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