Y-a-t-il un sens à vouloir échapper au temps ?
Extrait du document
«
Y-a-t-il un sens à vouloir échapper au temps?
Le temps, intiment lié à notre existence, échappe presque à la définition.
Pascal le prend d'ailleurs pour exemple de
ces termes premiers "qu'il est impossible et inutile de définir." Pour lui tous les hommes conçoivent ce que veut dire
le terme temps.
Toute tentative de définition comporte un terle qui signifie le temps lui-même : "ordre du devenir
selon l'avant et l'après", "durée marqué par la succession des événements",...
Mais on peut néanmoins chercher ses
caractéristiques essentielles et la plus importante est bien sûr l'irréversibilité qui empêche de corriger le passé et
nous pousse toujours plus vers l'avenir, donc vers la mort.
Vouloir échapper au temps, c'est vouloir vivre dans une
sorte d'éternité qui garde notre individualité et les choses dans un état sembable à jamais.
Pourtant, la temporalité
n'est-elle pas la marque de l'humain? Vouloir l'éternité, c'est vouloir échapper à la condition humaine.
Cela peut-il
avoir des avantages? Si le temps est plus de l'ordre de la durée subjective, n'est-ce pas à nous de donner au temps
une positivité?
1.
Le temps est la condition de toute expérience
Kant a interprété le temps comme une forme a priori de la sensibilité.
Pour lui
le temps n'est pas une substance ou une chose, mais un ordre, un système
de relations qui s'impose à toute expérience.
Le temps est ainsi pensé comme
forme de toute expérience, même intérieure, même imaginaire, car il est forme
de notre vie intime.
Le temps est aussi la forme des phénomènes extérieurs en tant qu'ils doivent
prendre dans notre expérience.
Pour qu'un objet, quel qu'il soit puisse être
donné à notre conscience, il faut qu'il se produise en un instant déterminé du
temps, avant, pendant ou après de tels autres.
De plus, il n'est pas sûr que l'homme puisse avoir une idée de ce que peut
être l'éternité, l'absence de temps.
L'homme ne pense qu'à partir de son
expérience et il voit encore l'éternité comme une durée dans laquelle il se
produit encore des événements.
Or échapper au temps, c'est aussi échapper
à l'événement, à l'action...
2.
Vouloir échapper au temps, c'est s'élever au-delà des souffrances de
l'existence
Pour Nietzsche, la condition du
bonheur, c'est de savoir oublier,
s'extraire de l'histoire pour savourer
l'instant, sans penser aux événements
antérieurs, ni au devenir.
"il y a toujours quelque chose qui fait que le
bonheur est un bonheur : la possibilité d'oublier ou pour le dire en termes plus
savants, la faculté de se sentir pour un temps en dehors de l'histoire." (
considérations inactuelles et intempestives II)
En effet, l'homme en pensant soit au futur, soit à l'avenir, s'empêche de
profiter du présent, des choses présentes et préfère des objets absents.
Si l'animal jouit d'un bonheur que l'homme jalouse, c'est parce qu'il n'a pas de
mémoire supérieure.
Seul l'homme dit « je me souviens » et pour cela il lui est
impossible de vivre heureux et pleinement.
En effet :
1) C'est par la mémoire, conscience du passé, que l'homme acquiert la
conscience du temps et donc celle de la fugitivité et de l'inconsistance de
toutes choses, y compris de son être propre.
Il sait que ce qui a été n'est
plus, et que ce qui est est destiné à avoir été, à n'être plus.
Cette présence
du passé l'empêche de goûter l'instant pur, et par conséquent le vrai
bonheur.
2) Le passé apparaît à l'homme comme l'irréversible et l'irrémédiable.
Il marque
la limite de sa volonté de puissance.
L'instant présent, ouvert sur l'avenir, est le lieu du possible où peut s'exercer
sa volonté de puissance.
Le passé, au contraire, change et fige la contingence du présent en la nécessité du « cela
a été ».
Dès lors la volonté ne peut que se briser sur cette pétrification du passé qui se donne comme le contrevouloir de cette volonté.
C'est pourquoi « l'homme s'arc-boute contre le poids de plus en plus lourd du passé qui
l'écrase ou le dévie, qui alourdit sa démarche comme un invisible fardeau de ténèbres ».
3) Sans l'oubli l'homme ne peut pleinement vouloir ni agir : il est un être malade, il est l'homme du ressentiment.
La «
santé » psychique dépend de la faculté de l'oubli, faculté active et positive dont le rôle est d'empêcher
l'envahissement de la conscience par les traces mnésiques (les souvenirs).
Car alors l'homme réagit à ces traces et
cette réaction entrave l'action.
Par elles l'homme re-sent, et tant qu'elles sont présentes à la conscience, l'homme
n'en finit pas de ressentir, « il n'en finit avec rien ».
Englué dans sa mémoire, l'homme s'en prend à l'objet de ces
traces dont il subit l'effet avec un retard infini et veut en tirer vengeance: « On n'arrive à se débarrasser de rien, on
n'arrive à rien rejeter.
Tout blesse.
Les hommes et les choses s'approchent indiscrètement de trop près, tous les
événements laissent des traces; le souvenir est une plaie purulente.
».
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Est-il sensé de vouloir échapper à l'emprise du temps ?
- Peut-on échapper au temps ?
- Saint-Augustin: Peut-on échapper au temps ?
- Dans quelle mesure la conscience intime du temps nous permet-elle d'assigner un sens à notre existence ?
- Vouloir retourner a une vie naturelle a-t-il un sens pour l'homme ?