Y a-t-il un savoir politique?
Extrait du document
«
La question de savoir s'il y a un savoir politique est loin d'être anodine.
Si on affirme qu'il y a un savoir politique, alors la politique ne peut pas être l'affaire
de tous, elle doit être réservée strictement à ceux qui possèdent ce savoir, à ceux qui l'ont appris.
Pourtant l'opinion commune accorde que la politique est
l'affaire de tous, et qu'elle n'exige aucun savoir spécifique.
Mais, si l'on affirme qu'il n'y a pas de savoir politique comment prendre celle-ci au sérieux ? La
politique prétendrait régir tous les savoirs sans être elle-même un savoir, dès lors comment peut-on justifier sa suprématie ? Faire de la politique un savoir
pose problème quant au droit de chacun à faire de la politique, et nier que celle-ci est un savoir c'est mettre en péril son statut face à des disciplines qui
elles sont des savoirs.
I.
SOCRATE et PROTAGORAS la science politique
Au début du Protagoras, de Platon, Socrate et Protagoras discutent de l'art politique, la question de Socrate est la suivante : La
politique est-elle un art (c'est-à-dire un savoir susceptible d'être enseigné) ? Socrate met en doute le fait que la politique soit un
savoir, en effet lors d'une assemblée quand il s'agit de politique quiconque est autorisé à prendre la parole, alors que si c'est une
question qui touche un autre savoir on consultera un expert.
Dans tous les autres domaines qui sont des savoirs le nombre de
personne auprès de qui on peut prendre conseille est limité, pas en politique ce qui permet de douter que dans ce cas on ait
affaire à un savoir.
De plus les hommes doués en politique n'ont pas transmis ce savoir à leurs enfants ce qui permet de douter
qu'il s'agisse d'un savoir.
(Note : Socrate ne pense pas que la politique ne soit pas un savoir, il veut amener Protagoras à l'idée
qu'il s'agit d'une science et donc que son enseignement implique des précautions).
Protagoras qui maintient que la politique est un savoir et qu'elle peut s'enseigner répond par un mythe.
Epiméthée et Prométhée
sont chargés par les dieux de répartir les différentes qualités entre les différentes créatures de la terre.
L'homme est oublié dans
la répartition par Epiméthée, c'est pourquoi pour l'homme Prométhée vole le feu et les arts.
Cependant cette dotation est
insuffisante, car cela ne permet pas aux hommes de vivre ensemble.
Afin de rendre possible cette vie ensemble Zeus fait don à
tous les hommes de la pudeur et de la justice (fondements de la politique).
Tous les hommes n'ont pas besoin de l'art médical,
mais si on veut qu'ils vivent ensembles ils doivent tous posséder l'art politique.
Conclusion du mythe : si tous les hommes
peuvent traiter de politique ce n'est pas parce qu'il ne s'agit pas là d'un savoir c'est plutôt parce que chacun possède en soi le
fondement de ce savoir.
Dernier argument : Quelqu'un qui agit injustement (la justice est un fondement de la politique) se voit reprocher son action.
Or ce reproche n'a de sens
seulement si la justice peut être apprise, si le manque de justice est blâmé c'est qu'on doit pouvoir l'apprendre.
Justice et politique s'enseignent et donc
sont des savoirs.
TRANSITION
Si on ne peut nier qu'il y ait dans la politique une part de savoir, n'y a-t-il quelque chose d'idéaliste dans la conception de la politique comme pur savoir, la
politique n'est-ce pas aussi un ensemble de pratique qui donne une illusion de savoir plutôt qu'un savoir véritable.
II.
MACHIAVEL La Politique comme pratique
Le Prince de Machiavel constitue un ensemble de préceptes qui visent à asseoir l'autorité du gouvernant.
Plus qu'un
savoir la politique semble dès lors constituer une pratique, Machiavel expose diverses méthodes qu'il faut savoir
employer à tel ou tel moment, selon les situations, mais également selon les peuples.
C'est la virilité qui est
essentielle au politique, la force et surtout la capacité à anticiper.
Le prince doit être en alerte et habile dans ses
manœuvres, ne jamais être surpris par les évènements.
On voit donc qu'il ne s'agit pas de nier la part de savoir
contenu dans la politique, mais il s'agit de dire que la politique est plutôt quelque chose où c'est l'intuition et l'habileté
qui prévalent.
Le politique est moins un savant qu'un homme ayant le flaire nécessaire pour aborder chaque situation
dans sa spécificité.
C'est la ruse qui à présent constitue le cœur de la politique plutôt qu'un savoir.
Machiavel nous
permet donc de mettre en avant l'aspect technique de la politique, s'il y a un savoir politique pour autant on ne doit pas
réduire celle-ci à un tel savoir.
TRANSITION
En insistant sur la dimension pragmatique de la politique plutôt qu'intellectuelle Machiavel ne nous conduit-il pas à
nuancer l'idée commune d'après laquelle tous seraient susceptibles de prendre part à la politique.
La politique
n'exigent-elles pas certaines capacités qui ne s'enseignent pas ? De telles qualités si elles ne s'enseignent pas ne
mettent-elles pas en péril le statut de la politique en tant que savoir ?
III.
ROUSSEAU : des hommes d'exception
On sait que chez Rousseau chaque citoyen en tant que membre de l'Etat est
habilité à prendre la parole et à participer à la vie politique, cependant il y a des
situations exceptionnelles où l'on fait appelle à des dictateurs pour prendre la
situation en main.
Ces dictateurs sont des hommes à qui ont confie l'Etat par
peur d'un immense danger.
On voit ici que Rousseau suggère le recours à des hommes dont les capacités dépassent
les capacités communes, ainsi s'il y a bien un savoir politique susceptible d'être partagé par l'ensemble des citoyens,
il existe également des compétences qui sont le privilèges de certains hommes et que l'ensemble des citoyens ne
possède pas.
Or si la politique était simplement un savoir on voit difficilement comment on pourrait justifié
l'intervention de tels hommes d'exception qui ont la capacité de diriger en temps de crise.
Rousseau permet donc
d'envisager deux aspects de la politique.
Dans un premier cas la politique constituerait un savoir partagé par
l'ensemble des citoyens du fait qu'ils sont citoyens.
Mais dans un second cas la politique serait plutôt une affaire
d'intuition et dans ce cas elle serait loin d'être un savoir, mais plutôt l'apanage de quelques hommes.
CONCLUSION
Loin d'accorder à Machiavel que la politique est seulement un ensemble de technique, il faut cependant reconnaître
que le savoir politique n'est pas toute la politique.
Il y a un savoir politique, que tout homme est susceptible de
posséder, cependant la politique ne s'y résume pas.
Certaines capacités spécifiques sont l'apanage de certains
hommes, qualités qui ne peuvent s'enseigner et donc ne font pas l'objet d'un savoir, mais font pourtant parti de la
politique..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La politique n'est-elle qu'un simple savoir-faire ?
- Dissertation: Toute politique n'est-elle qu'une lutte pour le pouvoir ?
- La politique en chine
- Correction de l’explication d’un texte de Hobbes Extrait tiré de l’ouvrage Le Citoyen ou Les Fondements de la politique, 1642
- Toutes les propositions de logique disent la même chose. A savoir rien. Wittgenstein