Y a-t-il un « autre monde » ?
Extrait du document
«
Y a-t-il un « autre monde » ?
Une telle question pose celle de l'existence d'une transcendance absolue.
— I — L'idée d'un a autre-monde » ou royaume de Dieu a des racines dans la vie primitive (ou peut-être
dans l'inconscient collectif) et dans la vie infantile,...
et cette image se renforce de l'idée de Dieu,
contribuant ainsi à l'affirmation métaphysique d'un monde absolument transcendant.
1 — La mentalité primitive, comme la pensée de l'enfant, chargée d'expériences naïves, construit l'image d'un monde
surnaturel.
Pour les primitifs comme pour les enfants, le mort est absent et non pas anéanti.
Par le rêve, ils communiquent avec
lui ; par la mémoire, ils recueillent ses avertissements.
Identifiant cette croyance spontanée de survie, à la force mystérieuse et diffuse de l'univers, la mentalité prélogique pense que les esprits des morts participent à ce que les primitifs appellent le « Mana », c'est-à-dire à la
Puissance surnaturelle imprécise qui mène le monde.
Nous avons vu en Psychologie comment, selon Bergson, la
fonction fabulatrice crée des dieux (p.
82) et nous avons vu en Logique (p.
232) comment les hasards sont perçus
comme des signes et des intentions de ces esprits.
2 — La vie en société offre à son tour l'image d'une transcendance.
La conscience collective a une existence propre
(cf.
Sociologie) ; elle apparaît dans les manifestations de groupe, elle est symbolisée par des signes (totems,
drapeaux, blasons, devises).
La conscience individuelle, tout en ayant conquis une originalité propre, sent plus ou
moins subconsciemment l'existence de la conscience collective comme une réalité qui la transcende.
D'autre part,
nous sentons la société comme une autorité avec son cortège de lois, de sanctions, d'obligations et de contraintes,
avec ses mystères (raison d'État), avec une intensité de vie qui dépasse infiniment la nôtre et qui fait de notre mort
un événement insignifiant.
3 — Toutes ces expériences aboutissent naturellement à préformer la notion de transcendance ; celle-ci se précise
et s'objective lorsqu'elle rencontre la réflexion philosophique et l'éducation religieuse.
Cette réflexion ou cette
éducation aboutissent en effet à imposer des limites à la raison et posent par conséquent l'existence, hors de nos
prises et hors de notre monde, d'un Être
transcendant.
Prenons pour exemple la philosophie de Platon.
Nous avons vu que les Idées, modèles ou
formes idéales de la réalité sensible, font partie d'un ordre différent et supérieur.
Dans la
pyramide que constituent les plans hiérarchisés de la dialectique platonicienne, un
principe a d'autant plus de valeur explicative qu'il est plus près du sommet.
Le monde
sensible, monde d'apparences et d'illusions, ne commence à prendre un sens que lorsque
la « conversion » du Sage lui a permis de discerner les idées éternelles qui constituent le
monde véritable.
Cet « autre monde » semble perméable à l'intelligence et il l'est en
effet...
jusqu'à un certain point, exactement jusqu'à l'Idée Suprême ou Idée du Bien,
c'est-à-dire Dieu.
Or, nous l'avons vu, ce serait la compréhension de cette Idée dernière
qui pourrait seule donner la clé de l'ensemble, en vertu même de la hiérarchie des Idées.
De mythe en mythe, Platon refuse toujours cette définition, il déclare Dieu indéfinissable
et même ineffable et il avoue que le philosophe doit, à cette étape finale, bénéficier
d'une « vue » mystique, réservée au Sage, mais point garantie par les études
préliminaires.
Ce « saut » est caractéristique des philosophies de la transcendance.
La connaissance
rationnelle est toujours dans l'attente d'un premier principe dont un abîme
infranchissable la sépare au dernier moment.
Le Sage, puis le Saint, prétendent être passés « au-delà », mais lorsqu'ils veulent s'expliquer, on s'aperçoit qu'ils
sont à leur tour enfermés dans le mystère.
4 — Par toutes les forces convergentes de l'expérience préobjective, de la culture et de la religion, se constitue
ainsi la notion d'un autre monde au-dessus de la nature et des hommes.
L'univers de la perception et de la
connaissance n'est pas le dernier mot de ce qui est.
La réalité dont nous avons conscience immédiate, n'est pas
l'être.
De cet au-delà inconnaissable, les hommes doivent attendre leur être et leur salut.
— II — La position d'un autre monde organisé autour d'un Dieu absolument transcendant aboutit à une
série de difficultés.
1 — On « charge » ce monde de tout ce qui n'appartient pas au nôtre, ce qui aboutit à des attributs contradictoires
et à un anthropocentrisme antinomique.
En effet, cet « autre monde » se trouve absorber, pour ainsi dire, tous les
attributs anti
thétiques de notre monde et de notre condition humaine : mortels, dépendants, limités, imparfaits, méprisables,
malheureux, impitoyables dans la lutte pour la vie, nous « renvoyons » à l'Autre tout ce qui nous manque et Dieu
sera éternel, libre, infini, parfait, adorable, bienheureux, infiniment bon.
Quant à nos minces qualités, nous les lui attribuons aussi, agrandies à son échelle : il sera Créateur, OmniScient,.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Pour Camus, l’absurde est le sentiment qui « naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde.»
- « Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n’en lisent qu’une page » AUGUSTIN D’HIPPONE
- Connaître le monde viking
- Ian Stewart: 17 équations qui ont changé le monde
- Les pratiques artistiques transforment-elles le monde?