Y a-t-il quelque chose de vrai dans la sensation ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
VRAI:
* Se dit d'une affirmation conforme à la réalité ou qui n'implique pas contradiction et à laquelle l'esprit ne peut que
souscrire : Il n'y a pas grand-chose de vrai dans son récit.
* Qui appartient à la réalité et n'est pas une création de l'esprit : Rechercher les vraies causes d'un phénomène.
* Qui est bien conforme à son apparence : Une vraie rousse.
* Se dit, dans le domaine artistique et littéraire, des êtres et des choses créés qui donnent l'impression de la vie, du
naturel, de la sincérité : Un romancier qui peint des personnages vrais.
* Se dit d'un élément qui, parmi d'autres semblables, apparaît comme le seul important ou le seul déterminant : On
ignore le vrai motif de sa démission.
* Qui convient le mieux à quelqu'un ou à quelque chose, est le plus approprié à une fin, à une destination : Croyezmoi, c'est le vrai moyen de leur venir en aide.
Introduction
Il nous suffit rarement de voir pour savoir.
C'est un fait.
Lorsque nous voyons le soleil se lever puis se coucher, nous
savons que ce n'est là qu'une manière de parler.
C'est pourtant bien ce que nous voyons.
De fait, si l'on s'en tient à
la sensation, nous voyons bien le Soleil agir de telle sorte.
Lorsque nous essayons de nous représenter les
mouvements relatifs de la Terre et du Soleil, c'est d'une certaine manière à l'encontre de la sensation que nous
allons.
Il en va de même lorsque nous disons que la voûte céleste est bleue.
Quel sens cela a-t-il? Nous savons
pourtant bien, ce faisant, que nous manipulons des objets qui n'ont pas vraiment de réalité en dehors de nous: à
proprement parler, l'espace qui se trouve au-dessus de nous n'est pas délimité par une voûte, laquelle n'est pas
bleue de surcroît.
En un mot, la science, si toutefois l'on considère par commodité et provisoirement que celle-ci est
assimilable à une recherche perpétuelle de la vérité, ne peut jamais se satisfaire des seuls sens.
Bien plus, elle
cherche souvent à s'en détacher.
Est-ce à dire qu'il n'y a rien de vrai dans la sensation? La difficulté ici, on le sent
bien, est double.
D'une part, il faut se demander si - et dans quelle mesure - les sens peuvent fournir quelque
élément de vérité.
D'autre part, il s'agit de comprendre ce que signifie «comporter quelque chose de vrai ».
La
formulation de la question elle-même incite à attester l'idée d'une distinction entre «être vrai» et «comporter
quelque chose de vrai ».
1.
Non, la sensation est productrice d'erreur.
A.
La science est hors de portée des sens.
Pour la science, il s'agit d'un acte inaugural: se défier et se séparer de la sensation fonctionne sinon comme un
axiome, en tout cas comme un principe fondamental de méthodologie.
Depuis la plus haute antiquité, scientifiques et
philosophes ont fait l'expérience de la source d'erreur que constitue la sensation dans la recherche de la vérité.
Dans les Seconds Analytiques, Aristote le précise explicitement: « Il n'est pas
possible d'acquérir par la sensation une connaissance scientifique.» La
première tâche de la science dans sa prétention à accéder à la vérité des
choses sera donc de se défaire de la sensation ou, pour le moins, de la traiter
de manière critique.
En posant cela, on n'opère pas pour autant une réduction
de la vérité à la science.
Plus exactement, on ne prétend pas que seule la
science est à la recherche de la vérité.
Néanmoins, par son statut de
recherche de la vérité par excellence, l'attitude de la science à l'égard de la
sensation est très éloquente.
B.
Les multiples erreurs des sens.
Et les erreurs engendrées par les sens sont nombreuses.
L'exemple célèbre,
donné par Descartes, du bâton plongé dans l'eau et qui apparaît rompu est
paradigmatique.
Ce que les sens fournissent n'est qu'apparence.
Autrement
dit, pour qui veut trouver la vérité, il faut la chercher ailleurs.
Et ce n'est que
la correction de l'entendement, nous permettant d'affirmer que le bâton nous
apparaît tel à cause de la réfraction, qui permet de se rapprocher de la
vérité.
Il faut préciser que la fausseté du jugement qui déclare que le bâton
est rompu est immédiate si l'on considère qu'il y a là une contradiction interne
même à la sensation: il suffit en effet de toucher le bâton pour déclarer qu'il
n'est pas rompu.
Tout se passe comme si les différents sens en ce cas étaient inconciliables entre eux.
Bien évidemment, l'exemple ne vaut pas que pour une petite classe de phénomènes.
On peut l'appeler
paradigmatique parce qu'il fonctionne comme une sentence générale à l'encontre des sens.
Ceux-là sont trompeurs,
et ce qu'ils nous donnent est toujours et a priori à remettre en cause.
Mais dire que la sensation est source
d'erreurs, qu'elle est souvent porteuse d'illusions et qu'elle conduit à des assertions fausses, ne suffit pas pour
déclarer qu'il n'y a en elle rien de vrai.
Aussi pour affirmer que la sensation n'a rien à voir avec la vérité faut-il.
»
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