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Y a-t-il en l'homme des fonctions qu'il ne puisse déléguer à des machines ?

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« Définition des termes du sujet La question « y a-t-il » demande que l'on décide de l'existence ou de la non existence d'une chose.

Cette question porte ici sur un domaine limité : celui de l'homme, c'est-à-dire de l'être humain pris comme espèce, avec toutes les spécificités de cette espèce, et notamment ses capacités techniques.

Et, au sein de l'homme, ce sont ses fonctions qui sont en question : le mot de « fonction » est très important ici – son emploi signifie que l'on laisse de côté tout ce qui en l'homme ne correspond pas à des capacités fonctionnelles, utilitaires. Déléguer une fonction, c'est donner une tâche à effectuer à une instance tierce, en lui laissant éventuellement une certaine autonomie – déléguer une fonction, c'est aussi déléguer du pouvoir et renoncer à une part d'autonomie. L'instance à laquelle il est question ici de déléguer des fonctions, ce sont les machines, terme très large pour désigner toutes les créations techniques de l'homme capables d'exécuter des tâches de manière automatique – robots, appareils divers...

La question est ici celle de l'étendue des capacités de ces machines à remplacer les fonctions humaines – peut-on concevoir un homme entièrement servi par des machines, qui remplaceraient toutes les fonctions qu'il doit naturellement remplir ? (par exemple, des machines qui l'entretiendraient physiquement, qui travailleraient à sa place...) On ne peut que constater les immenses progrès de la technique, qui permettent de déléguer à machines des fonctions normalement assurées par des hommes (systèmes de pilotage automatique, par exemple...).

Les recherches actuelles en matière d'intelligence artificielle semblent pouvoir conférer aux machines quelque chose comme de l'initiative, c'est-à-dire de l'autonomie par rapport aux ordres humains.

Les progrès de la technique semblent permettre de concevoir des machines qui remplacent les facultés intellectuelles fonctionnelles de l'être humain. Pourtant, peut-on réduire les fonctions de l'homme à de la pure technique ? ou peut-on séparer ces fonctions des composantes affectives de l'homme ? Par exemple, peut-on concevoir le progrès comme dépendant uniquement de la technique, et comme n'étant pas lié à des éléments plus aléatoires et proprement humains, qu'il semble plus délicat de robotiser, tels que la passion ou le génie ? La « machinisation » de l'homme entraînerait aussi d'autres risques, par exemple des risques de désocialisation – un homme ainsi servi par les machines, désocialisé, pourrait-il encore être appelé homme ? Il faudrait alors définir ce qui, en l'homme, ne peut être de toute façon être exercé par des machines – c'est l'enjeu final du sujet. Textes à utiliser Descartes Enfin il n'y a aucune de nos actions extérieures qui puisse assurer ceux qui les examinent que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion.

Je dis les paroles, ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en mêmes façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant de la prolation de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes, ne sont que des mouvements de leur crainte de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans aucune pensée.

Or il est, ce me semble, fort remarquable que la parole, étant ainsi définie, ne convient qu'à l'homme seul.

Car, bien que Montaigne et Charron aient dit qu'il y a plus de différence d'homme à homme, que d'homme à bête, il ne s'est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite, qu'elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d'autres animaux quelque chose qui n'eût point de rapport à ses passions ; et il n'y a point d'homme si imparfait, qu'il n'en use ; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées. Ce qui me semble un très fort argument pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, est qu'elles n'ont aucune pensée, et non point que les organes leur manquent.

Et on ne peut dire qu'elles parlent entre elles, mais que nous ne les entendons pas ; car comme les chiens et quelques autres animaux nous expriment leur passion, ils nous exprimeraient aussi bien leurs pensées, s'ils en avaient...

Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas; car cela même sert à prouver qu'elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu'une horloge laquelle montre bien mieux l'heure qu'il est que notre jugement ne nous l'enseigne.

Et sans doute que, lorsque les hirondelles viennent au printemps, elles agissent en cela comme des horloges... Bergson On a rappelé que l'homme avait toujours inventé des machines, que l'Antiquité en avait connu de remarquables, que des dispositifs ingénieux furent imaginés bien avant l'éclosion de la science moderne et ensuite, très souvent, indépendamment d'elle : aujourd'hui encore de simples ouvriers, sans culture scientifique, trouvent des perfectionnements auxquels de savants ingénieurs n'avaient pas pensé.

L'invention mécanique est un don naturel.

Sans doute elle a été limitée dans ses effets tant qu'elle s'est bornée à utiliser des énergies actuelles et, en quelque sorte, visibles : effort musculaire, force du vent ou d'une chute d'eau.

La machine n'a donné tout son rendement que du jour où l'on a su mettre à son service, par un simple déclenchement, des énergies potentielles emmagasinées pendant des millions d'années, empruntées au soleil, disposées dans la houille, le pétrole, etc.

Mais ce jour fut celui de l'invention de la machine à vapeur, et l'on sait qu'elle n'est pas sortie de considérations théoriques'.

Hâtons-nous d'ajouter que le progrès, d'abord lent, s'est effectué à pas de géant lorsque la science se fut mise de la partie.

Il n'en est pas moins vrai que l'esprit d'invention mécanique, qui coule dans un lit étroit tant qu'il est laissé à lui-même, qui s'élargit indéfiniment quand il a rencontré la science, en reste distinct et pourrait à la rigueur s'en séparer.

Tel, le Rhône entre dans le lac de Genève, paraît y mêler ses eaux, et montre à la sortie qu'il avait conservé son indépendance.. »

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