Y a t-il en chacun de nous un désir d'obéir ?
Extrait du document
«
APPROCHE: « Obéir à ses désirs » est un terme que l'on entend fréquemment et qui trouve son origine dans le
pouvoir qu'on les désirs sur la volonté humaine.
En revanche, l'idée d'éprouver un « désir d'obéir » semble
paradoxale.
Aujourd'hui, on entend souvent parler d'un désir de liberté, d'autonomie ou d'indépendance et non
d'obéissance.
Pourtant, il semblerait que la plupart d'entre nous éprouvions l'étrange désir d'obéir, qu'il s'agisse
d'obéir aux injonctions de la mode, des médias, de groupes divers etc., ce que semble d'ailleurs confirmer Hermann
Hesse lorsqu'il écrit : « Obéir, c'est comme boire et manger : rien ne vaut ça quand on en manque depuis
longtemps.
»[1] Mais qu'est-ce que le désir ? « Le désir est l'appétit de l'agréable », écrit Aristote[2].
Le substantif
désir vient du latin desiderare (lat.
desiderare, regretter l'absence d'un astre sidus) qui signifiait regretter.
Il garde,
entre autres, le sens de regret aujourd'hui, bien qu'il ne s'agisse que l'une des acceptions de ce terme.
En effet,
désir a acquis de nombreux sens avec le temps, il peut certes s'agir de regret, mais aussi de volonté, de souhait ou
encore d'appétit sexuel.
Platon[3] identifie, d'une manière plus générale, l'objet du désir : « Ce qu'on n'a pas, ce
qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir ...
».
Leibniz[4] en donne une définition englobant les
diverses acceptions actuelles du terme : « L'inquiétude ...
qu'un homme ressent en lui-même par l'absence d'une
chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c'est ce qu'on nomme désir.
» Le désir était souvent connoté
péjorativement dans l'antiquité, il n'y a qu'à songer au fait que lorsque Platon distingue trois parties dans l'âme
humain (tripartition de l'âme), il l'oppose au logismos, c'est à dire au raisonnement, et au thumos, au courage.
Pourtant, pour Aristote, « Il n'y a qu'un seul principe moteur : la faculté désirante.
» Cette définition est toujours
d'actualité puisqu'elle est en adéquation avec des définitions contemporaines telles que celle de Paul Ricoeur « Le
désir est l'épreuve présente du besoin comme manque et élan, prolongé par la représentation de la chose absente
et l'anticipation du plaisir.
»[5] Le désir, insatiable, n'apporte jamais de satisfaction à long terme et condamne
l'homme désirant à une insatisfaction quasi permanente.
En ce sens, et conformément à ce que pensaient les
stoïciens, l'apaisement de l'esprit humain ne peut être obtenu que par l'absence de désirs, ce qu'ils nommaient
l' « ataraxie ».
Le désir est une nécessité vitale qui donne un sens à l'activité humaine et qui donne à l'individu le
courage de poursuivre son existence.
Même s'il est vecteur de souffrance, le désir est le véritable moteur de
l'activité humaine.
Sans désir, l'homme serait réduit à un inactivité permanent et à un malheur plus important encore
que celui généré par le désir : l'ennui.
Quant à l'obéissance, il s'agit du fait d'agir en se soumettant aux injonctions
de quelqu'un ou de quelque chose, mais le terme obéissance est également synonyme de respect, d'observance de
règles.
Y a t-il en chacun de nous un désir d'obéir, ce désir n'existe-t-il que chez certains ou bien aucun d'entrenous ne l'éprouve-t-il réellement ? Pourquoi désirerions-nous obéir ?
I.
Tout d'abord, il est possible d'obéir à quelque chose que nous avons choisi, avec lequel nous sommes en
adéquation, en accord.
L'obéissance peut être le choix de la facilité ou du plaisir, comme lorsque nous faisons le
choix d'obéir à nos désirs, à nos penchants plutôt que de lutter contre ces derniers.
C'est en ce sens qu'Henri
Monnier écrit que « pour suivre ses penchants, il lui suffit d'obéir à son caractère.
»
II.
Mais le désir d'obéissance peut être subordonné à un autre désir.
Il peut s'agir par exemple du désir d'acquérir la
discipline nécessaire pour pouvoir commander.
A ce propos, Confucius écrit : « Celui qui sait obéir saura ensuite
commander.
»
III.
Enfin, l'obéissance peut être paradoxalement libératrice si l'on pense que l'inclinaison naturelle et spontanée de
l'homme est une forme d'esclavage.
L'obéissance aux lois édictées par la seule raison est le seul moyen de
combattre la domination des passions, c'est pourquoi on peut désirer obéir à cette loi.
Rousseau écrit à ce sujet :
« On pourrait, sur ce qui précède, ajouter à l'acquis de l'état civil la liberté morale qui seule rend l'homme vraiment
maître de lui; car l'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté.
»
[6]
[1] Le loup des steppes
[2] De l'Âme, de Animus
[3] Le Banquet
[4] Nouveaux Essais sur l'entendement humain
[5] Philosophie de la volonté
[6] Le contrat social
introduction
Dans son Discours de la servitude volontaire, La Boétie se posait la question de savoir pourquoi la plupart des
hommes obéissent à un seul, non seulement lui obéissent, mais le servent sans y être contraints et forcés, mais
veulent le servir.
Doit-on en conclure qu'il y a...
?
Première partie : Position du problème
La relation de pouvoir, tout en prenant des formes diverses selon les époques et les aires culturelles, est universelle.
L'opposition dominant-dominé apparaît comme une constante fondamentale des relations humaines.
Cette constante
est-elle un fait social appelé à disparaître dans une société désaliénée ou répond-t-elle à quelque élémentaire
nécessité de la nature humaine ? Ne comble-t-elle pas un désir profond enfoui en chacun de nous ? L'obéissance
est-elle imposée, naturelle ou désirée ?.
»
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