Y a-t-il des sciences de l'homme comme il y a des sciences de la nature ?
Extrait du document
«
La science et l'humanité se tournent si résolument le dos que l'on a peine à croire que ces deux termes, ces deux concepts ou ces deux
modes de réalité puissent se réunir dans l'expression de sciences humaines.
L'homme paraît l'apanage des écrivains, des romanciers ou
des poètes ; à la rigueur, il pourrait être l'objet d'étude du Philosophe.
Mais le Savant paraît ici usurper un titre et un droit auxquels il ne
saurait prétendre.
Pourtant, une telle représentation est des plus erronées : les sciences de l'Homme existent, elles sont même nombreuses et seule la
légitimité de leur domaine propre est concrètement débattue.
Elles ont prouvé en fait qu'elles existaient en droit.
Devant les sciences de
l'objectivité, la science de l'homme fait figure de parent pauvre, dernière née d'une longue chaîne qui remonte à vingt-six siècles.
Mais la
science pure est plus naturelle qu'humaine.
Il s'agira donc d'expliquer, de discuter et d'apprécier le rôle scientifique des disciplines humaines.
I.
- LA SCIENCE DE L'HOMME
1.
Dans l'excellent cours de M.
Maurice Merleau-Ponty, paru au C.D.U.
en 1950 sous le titre « Les Sciences de l'Homme et la
Phénoménologie », on relèverait cette idée neuve et féconde, sauf à être contestable, que la Phénoménologie finira par englober toutes
les autres disciplines humaines.
2.
La science de l'homme est une science, c'est une « recherche progressive d'un ordre universel général et nécessaire au moyen de la
mesure ».
Si les instruments sont limités, les lois n'en existent pas moins.
Elle est une connaissance approchée.
3.
La science de l'homme est un ensemble de notions systématisées, mais cet ensemble de connaissances est finalisé vers un
dépassement de l'homme et de la science par un courant métaphysique.
La science de l'homme doit être humaine.
II.
— SCIENCE DE L'HOMME ET SCIENCE DE LA NATURE
1.
Les sciences naturelles sont fondées sur des connaissances palpables, sur des données réelles, sensibles, concrètes : l'expérience
externe est sa principale source d'information.
La science humaine tire au contraire tout ce qu'elle peut savoir de la notion d'expérience
interne.
Les unes sont objectives, les autres subjectives.
2.
La science de la nature comporte une sorte d'unité fondamentale qui réside essentiellement dans l'objet qui la constitue : il s'agit
d'expliquer la structure, la constitution, la formation ou le mécanisme du monde extérieur.
La méthode expérimentale est la seule
méthode valable en l'occurrence.
Au contraire, la science de l'homme ne saurait se réduire à cet objet ondoyant et divers, tantôt ici et
tantôt absent dont on ne peut se représenter exactement ni le présent immédiat, ni le passé qui, dépassé, n'est plus, ni l'avenir incertain,
indéterminé.
La méthode oscille entre deux procédés : celui de la biologie et celui de la statistique ; la « première personne...
la «
troisième » (ou la « seconde »).
3.
Enfin s'il n'est pas de science « que du général », pour parler comme Aristote, il n'est d'homme que particulier et l'on ne peut pas poser
absolument que les sciences humaines satisfassent à cette condition.
Ainsi l'étude scientifique totale de l'homme devrait apparaître
comme impossible : il ne s'agira jamais que d'esquisser des travaux d'approche, des connaissances relatives.
L'anthropologie n'est pas
une science.
III.
- SCIENCE DE L'HOMME ET SCIENCES HUMAINES
1.
L'homme est un tout et la science décompose : l'étude scientifique de l'homme ne peut se faire que sur une base rigoureusement
concrète et complète, synthétique et globale.
En elles-mêmes, les sciences morales n'ont aucune unité.
Elles s'exercent à un certain
nombre de travaux qui les font tendre vers l'unité.
2.
La méthode fondamentale des sciences de l'homme est incontestablement la connaissance par compréhension directe, intuitive et
sympathisante: Cf.
Bachelard (Préface à la Psychanalyse du Feu) : « Quand il s'agit d'examiner des hommes, des égaux, des frères, la
sympathie doit être le fond de la méthode.
»
3.
Si l'histoire forme une science d'un caractère très douteux, car cette étude du singulier, du contingent n'est pas exclusive d'autres
descriptions plus rigoureuses, la sociologie est si proche des mathématiques, la psychologie de la biologie et telles autres sciences comme
la linguistique, l'économie politique ou la géographie, nous écartent de tout élément commun.
Tout ce que l'on pourrait dire d'elles, c'est
que leur caractère scientifique est tout aussi douteux.
Renan disait de l'une d'elles que ce n'était pas une science mais bien « une petite
science conjecturale ».
CONCLUSION.
- Depuis le début de ce siècle et à la suite des travaux de Dilthey, on a pu proclamer qu'il fallait expliquer la nature, mais
que l'on devait comprendre l'homme.
S'il y a bien des manières d'expliquer une machine, il est infiniment plus complexe de comprendre
les délicats ressorts de l'âme.
Psychologie ou histoire, ethnographie ou biographie n'aboutiront jamais au-delà d'une explication
fragmentaire du réel...
Quant à cette science de l'Homme en soi, la phénoménologie et l'anthropologie se la disputent.
Pour lors ces
multiples disciplines humaines ne font pas perdre de vue l'idée de l'unité absolue de la science.
La connaissance, à ce niveau, ne peut
plus se contenter de la simple intelligibilité.
Sciences de la nature
Sciences humaines
langage mathématiques
langage du sens
ensemble de propositions formalisées
ensemble de significations
d'où les conséquences mesurables
d'où les interprétations
explication
compréhension
objectivité scientifique
intelligibilité herméneutique
ordre de l'objectivité des phénomènes
ordre de la subjectivité du sujet humain
chose et objet
conscience et sujet.
»
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