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Y a-t-il des devoirs facultatifs ?

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« La distinction des devoirs stricts et des devoirs larges est assez communément admise en morale; mais faut-il traduire devoirs larges par devoirs facultatifs ? Remarquons que le langage lui-même proteste contre cet étrange accouplement de termes.

Qu'est-ce qu'un devoir facultatif ? c'est-à-dire qu'est-ce qu'un devoir qui termes. ne serait pas obligatoire ? Obligation et devoir sont des termes synonymes.

Le principe de non contradiction nous permet, semble-t-il, d'opposer une fin de non recevoir à cette conception d'un devoir qui ne serait pas dû, d'une obligation qui ne serait pas obligatoire. Pourtant, objectera-t-on, le sens commun l'admet, et le sens commun, il faut l'avouer, est fin et compétent en morale.

héroïques. Ne reconnaît-on pas généralement qu'il y a certaines actions belles, nobles, héroïques, qui sont plus méritoires qu'obligatoires ? Ad.

Frank a dit (Morale pour tous) : « Ce n'était pas un devoir à saint Vincent de Paul d'ouvrir un asile pour les orphelins abandonnés.

Ce n'était pas un devoir pour lord Byron de voler au secours de la Grèce opprimée et de sacrifier sa vie à la délivrance d'un pays qui n'était pas le sien ». La morale chrétienne elle-même ne distingue-t-elle pas ce qui est de précepte et ce qui est de conseil ? L'épisode du jeune Monime riche de l'Évangile est, à ce point de vue, significatif.

Le jeune riche répond à Jésus qu'il a observé tous les commandements de la Loi.

Alors Jésus lui dit : « Il te manque encore une chose, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres; puis viens et suis-moi ».

Ce conseil, le jeune homme ne le suivra pas ; mais plusieurs siècles plus tard, saint François d'Assise croira devoir le suivre à la lettre. Il semble donc qu'il Sait, dans la morale philosophique comme dans la morale religieuse, le domaine du strict nécessaire pour le commun des hommes, et le domaine de la perfection facultative pour les héros et les saints. C'est ce qu'on exprime en disant que le domaine du bien est plus étendu que le domaine du devoir.

Le bien et le devoir, a dit Frank, ont le même centre, mais ils n'ont pas la même circonférence.

Au-dessus du devoir, il y a la perfection qui est méritoire, mais qui ne semble pas, à proprement parler, obligatoire. Cette doctrine n'est pas entièrement satisfaisante.

Il ne faut pas considérer le dévouement, la charité, le sacrifice, l'héroïsme et la sainteté même comme une sorte de luxe moral, dont on puisse se dispenser ou se désintéresser. Il suffit, pour résoudre cette difficulté, de substituer à l'expression impropre : devoirs facultatifs, l'expression plus juste : devoirs larges.

On les appelle devoirs larges parce qu'ils sont indéterminés, mais ils n'en sont pas moins obligatoires ; la charité est obligatoire comme la justice, c'est un devoir de travailler è notre perfection, de tendre au mieux, de viser à la sainteté. Mais chacun le fera suivant ses forces ; la charité est le domaine de l'initiative en morale.

On peut poser comme obligatoire pour tous le principe de la charité ; mais tout le monde ne l'appliquera pas comme saint Vincent de Paul, bien que saint Vincent de Paul se soit cru personnellement obligé de l'appliquer comme il l'a fait. Admettre qu'il y a des devoirs, c'est oublier que les hommes tendent toujours, comme le dit Paul Janet, « à s'accommoder avec la morale au meilleur marche possible ».

Il y a des gens qui disent : e Je suis honnête, puisque je n'ai ni tué ni volé ».

Tout le reste est regardé par eux comme un luxe.

Conception méprisable, qui abaisse le niveau de la moralité, et qui par conséquent est profondément immorale. Kant s'est élevé avec énergie contre cette morale facile qui fait des devoirs supérieurs quelque chose de facultatif. Et il n'est pas bon d'avoir contre soi ce grand théoricien du devoir.. »

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