Y a-t-il de l'intolérable pour un esprit tolérant ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
TOLÉRANCE (n.
f.) 1.
— Fait, pour un individu, d'accepter des atteintes légères à ses droits, ou, pour une autorité, de
légers écarts par rapport à la loi.
2.— Écart maximum par rapport à l'application d'un règlement, permis par la loi ou établi
par l'usage.
3.
— Attitude consistant à admettre chez les autres des opinions qu'on ne partage pas.
4.
— Règle de
conduite ou principe de philosophie pol.
consistant à admettre la liberté d'opinion et d'expression, notamment en ce qui
concerne les pratiques religieuses.
5.
— Principe de tolérance : principe dû à CARNAP, exprimant un conventionalisme
radical et consistant à admettre qu'en logique chacun est libre de choisir son langage.
ESPRIT: Du latin spiritus, «souffle» (qui anime la matière).
* Dans la langue religieuse (le Saint-Esprit), le souffle ou le principe divin.
* Par opposition au corps : principe individuel de la pensée,
conscience.
* Par opposition à la matière : le monde de la pensée, la réalité spirituelle.
* Chez Hegel, l'Esprit (avec une majuscule) est le principe rationnel qui gouverne le monde.
[Introduction]
L'esprit tolérant (cf.
le langage courant) est unanimement admis comme vertueux.
Mais en venir, par principe, à tout
tolérer, n'est-ce pas renoncer à distinguer le mal du bien, et donc adopter une posture amorale La tolérance sans limite ne
serait-elle pas synonyme d'indifférence passive ?
[I.
Les fondements de la tolérance]
- La tolérance n'est sans doute pas spontanée.
Les impulsions premières poussent plutôt à se méfier de ce qui est autre,
et, si l'on admet l'existence d'une agressivité fondamentale (cf.
Freud), la réaction première de l'être humain serait de
défense (d'un territoire, d'une opinion) ou de lutte contre ce qui, dans l'autre, apparaît comme menaçant l'intégrité.
- On confirmera par des exemples historiques d'intolérance (religieuse, politique, artistique).
La philosophie elle-même,
dans l'Antiquité (cf.
le traitement réservé au « barbare »), n'est pas un modèle d'ouverture aux pensées et aux individus
autres.
- L'idée de tolérance est donc tardive.
L'égalité de tous les hommes affirmée par le christianisme est très longtemps
demeurée strictement théorique (ou « abstraite »).
Rappeler Montaigne (« Des Cannibales ») et les luttes pour la
tolérance au XVIII siècle.
[Il.
Les difficultés du relativisme intégral]
- Dans la pensée moderne, la tolérance se définit comme devoir de respect envers l'autre (ce qui est plus que la simple
faculté de supporter ses différences partielles).
Et cet autre est bien, radicalement, un non-moi.
D'où l'affirmation, après sa
revendication, d'un « droit à la différence », et la redéfinition de l'humanité comme constituée d'écarts.
- Question : cela oblige-t-il désormais à tout (attitude, institution, opinion) tolérer ? Exemple : dans le domaine politique,
une mentalité tolérante (= démocratique) ne risque-t-elle pas de se condamner à disparaître, si elle tolère les opinions et
les actes qui la contestent au point de vouloir la détruire ?
- L'intolérance ne peut en effet que se fortifier quand elle ne connaît pas d'obstacle.
D'où la nécessité de n'en admettre
que des formes « faibles », capables de s'insérer dans un débat, compatibles avec un principe de libre expression
régissant l'ensemble du social.
- Rappeler que le contrat social prévoit l'expulsion de celui qui, sous prétexte d'imposer sa volonté aux autres, rompt le
pacte fondamental.
CITATIONS:
« Le fanatisme n'est pas une erreur, mais une fureur aveugle et stupide que la raison ne retient jamais.
» Rousseau,
Lettre à d'Alembert, 1758.
« Je suppose que l'ordre fanatique, par sa perfection même, s'est trouvé la source des plus grands maux.
[...] La seule
idée qu'il y a des dissidents quelque part, la seule idée que le monde entier des hommes n'est pas encore converti, jette
aussitôt le fanatisme en la plus folle des entreprises, la guerre.
» Alain, Propos du 1er octobre 1934.
« Combien de fois n'ai-je pas observé avec étonnement des hommes, qui se vantent de professer la religion chrétienne,
c'est-à-dire l'amour, la joie, la paix [...], se combattre avec la plus incroyable malveillance et se témoigner quotidiennement
la haine la plus vive; si bien que leur foi se faisait connaître plus à la fureur de leur attitude, qu'à leur pratique des vertus.
» Spinoza, Traité théologico-politique, 1670.
« Je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères.
Quoi ! mon frère le Turc ? mon frère le Chinois? le
Juif? le Siamois? Oui, sans doute; ne sommes-nous pas tous enfants du même père, et créatures du même Dieu ? »
Voltaire, Traité sur la tolérance, 1763..
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