Y a-t-il de faux désirs ?
Extrait du document
«
[Les désirs sont vrais s'ils visent des objets qui sont réellement susceptibles de nous satisfaire.
Or,
l'imagination peut nous tromper et nous faire croire que nous désirons certaines choses alors qu'en fait
nous ne les désirons pas.]
Le vrai désir vise le Beau
Prenant la parole, Socrate, dans "Le Banquet", introduit ce qui manquait à tous, la
vérité.
L'examen dialectique établit que tout amour est relatif à un objet dont il
est ou risque d'être dépourvu.
Amour, désir de beauté, n'est donc pas beau.
Il
n'est pas laid pour autant : c'est un intermédiaire, ni ignorant, ni savant, nimortel, ni immortel, un démon.
Fils de Pauvreté et d'Expédient, sa naissance lui
confère une nature instable ; en ce qu'il peut faire croire à l'unicité de ce qui n'est
pas unique, il est sophiste ; comme aucune multiplicité ne peut le combler, il la
ramène à l'unité, il est philosophe.
Mais il faut lever une ambiguïté sémantique
:tous ceux qui aiment une chose ne sont pas amoureux ; et dissiper une dernière
illusion : ce n'est pas la beauté, c'est la « poiêsis », l'invention, la fécondité du
corps et de l'esprit, l'immortalité qui est à la fois l'objet, le terme et l'effet de
l'amour.
Diotime révèle alors les étapes d'une ascension qui va, toujours accompagnée du
logos, de l'unité du beau corps à l'unicité de la science, en passant par les belles
âmes et les belles occupations, puis par les connaissances.
La continuité s'achève
par une rupture soudaine : la science du Beau.
Mais l'amour qui ne manque plus alors de son objet reste
amour, et enfante dans la surabondance.
C'est la raison pour laquelle le désir n'est jamais satisfait par des objets concrets.
Le désir des choses
sensibles n'est qu'une étape dans la voie qui nous mène progressivement à désirer le Beau, le Bien en soi.
Le sentiment nous trompe
Comment les hommes choisissent-ils l'objet de leur désir ou de leur passion? Par le sentiment.
Or, le sentiment
peut nous illusionner.
Le vrai désir est celui qui est fondé sur la connaissance et non sur le sentiment.
Ainsi le
poète dit à la femme aimée : « J'entends vibrer ta voix dans tous les bruits du monde » (Eluard).
Stendhal a
très bien décrit ce processus psychologique sous le nom de cristallisation.
Une branche banale, jetée dans les
salines de Salzbourg, est retirée toute couverte de cristaux, étincelante comme un bijou.
C'est une image
exacte de ce qui se passe dans l'état de passion.
Une femme médiocre paraîtra divine à celui qui en est
passionnément amoureux, parce que tous ses rêves, tous ses souvenirs viennent « cristalliser » sur l'objet de
sa passion.
C'est sans doute pour cela que les amours des autres nous sont généralement incompréhensibles.
L'objet de la passion apparaît le plus souvent dérisoire pour celui qui en juge de l'extérieur, objectivement.
C'est le passionné qui l'enrichit de tout ce qu'il projette sur lui.
On a dit que l'amour était comme les auberges
espagnoles.
Dépouiller les êtres de tout ce que nos passions leur prêtent, c'est les réduire à eux-mêmes, cad
souvent à peu de chose.
Le héros de Proust note avec lucidité qu' « Albertine n'était, comme une pierre
autour de laquelle il a neigé, que le centre générateur d'une immense construction qui passait par le plan de
mon c$!11;9ur.
» Proust a montré en des analyses admirables, que l'objet d'une passion était son prétexte
plutôt que sa source.
Ce sont les femmes à peine connues et restées mystérieuses qui suscitent les passions
les plus intenses, précisément parce que rien ne fait alors obstacle au processus de cristallisation Tout ce qui
est susceptible d'accroître le mystère de l'objet aimé (par exemple lorsque celui-ci se dérobe à notre
approche) intensifie la passion, précisément parque le phénomène de la cristallisation, de la projection
psychologique est favorisé par l'éloignement, l'évanescence de l'être aimé.
On le constate dans la vie
amoureuse: l'on s'éprend parfois de personnes que l'on aurait évitées si on les avait mieux connues..
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