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Y a-t-il contradiction entre l'état de nature et l'état de société ?

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« Y a-t-il contradiction entre l'état de nature et l'état de société ? L'affirmative a été soutenue par plusieurs philosophes, notamment Hobbes et J.-J.

Rousseau, partisans tous deux, quoique pour des raisons très différentes, de la doctrine du contrat social. Les deux philosophes s'accordent en ceci : les hommes ont d'abord vécu longtemps dans un état dit de nature où ils ne formaient aucun groupement et demeuraient isolés les uns des autres.

Ils sont passés de cet état à l'état social volontairement, par une entente, un contrat.

L'état social n'est donc pas naturel ; Rousseau va même plus loin et affirme qu'il est contre nature, et, à ce titre, cause de tous les maux et de tous les vices.

Il est indispensable, pour bien apprécier cette paradoxale théorie, d'en lire en entier l'exposé dans le Discours sur l'origine de l'inégalité, de ROUSSEAU. La critique est donnée dans tous les cours.

On l'appuie d'ordinaire sur deux arguments, l'un a priori : existence dans l'âme humaine de l'instinct social (l'homme est un animal sociable, dit Aristote) ; l'autre a posteriori : nulle part on n'a rencontré l'homme isolé, dans cet état sporadique que Hobbes et Rousseau prétendent être naturel. LA NECESSITÉ DES CONVENTIONS. C'est contre la philosophie naturaliste d'Aristote, quelle qu'ait été l'autorité qu'elle a longtemps exercée dans l'histoire de la pensée, que s'est développée la théorie conventionnaliste du politique. Selon le Stagirite, la politique s'inscrit naturellement dans le grand Tout du monde: l'homme, étant « par nature » un « animal politique », vit naturellement dans des communautés plus ou moins vastes et complexes que sont la famille, le village et la Cité.

Ainsi la politique appartient-elle à la «nature des choses» et trouve-t-elle place immédiatement dans l'ordre immanent du cosmos.

Autrement dit, Aristote considère, à raison de son naturalisme, que l'homme n'a ni à inventer ni à construire son existence politique.

Comme celle-ci est un donné naturel et immédiat, l'homme a tout simplement à l'organiser.

Encore les Constitutions qui ont vocation à donner une forme à la naturalité politique ne sont-elles «droites», c'est-à-dire bonnes, que si elles reflètent l'ordre et la nature des choses; dans le cas contraire, elles sont «déviées» et, contre nature, elles sont mauvaises. Or, au XVII siècle, Hobbes n'a jamais caché son hostilité à la philosophie aristotélicienne et il a tout spécialement rejeté l'explication naturaliste de la politique pour lui préférer une théorie contractualiste; puis, au XVIII siècle, Rousseau, repensant la notion de contrat, a formulé le problème politique en des termes dont la résonance philosophique est, dans sa force exemplaire, radicalement nouvelle. L'ARTIFICIALISME POLITIQUE DE HOBBES. L'explication naturaliste de la politique donnée par Aristote ne saurait, estime Hobbes, que participer d'« une vaine philosophie» qui se meut dans les ténèbres de la métaphysique.

Afin de résoudre le problème de la naissance de la «chose politique», Hobbes recourt donc, tout à l'opposé, à une philosophie artificialiste dont il rattache le schème à la science mécaniste de son temps.

Il n'existe de Cité (« Civitas ») ou de République (« Res publica »), explique-t-il, qu'en vertu d'une association, c'est-à-dire d'un artifice (artefact) que, selon les textes, il appelle « covenant » ou « contract », ou, en termes latins, « pactum » ou « foedus ».

Malgré les apparences, cette terminologie ne traduit aucune hésitation du concept en sa pensée.

A supposer qu'après les « Elements of Law » et le « De Cive », quelque équivoque ou quelque imprécision demeure encore, l'introduction du « Léviathan » est d'une exemplaire netteté: «C'est l'art, écrit Hobbes, qui crée ce grand Léviathan qu'on appelle « République » ou « Etat » (« Commonwealth », « Civitas »), lequel n'est qu'un homme artificiel.

».

L'art de l'homme, en l'occurrence, consiste, en imitant l'art par lequel Dieu a créé la nature, à édifier par voie contractuelle le «pouvoir souverain» en quoi réside «l'essence de la République». En recourant au contrat pour expliquer la génération de la République (Lév.

XVII), Hobbes use d'un concept qui n'était inconnu ni des juristes de Rome ni de la pensée médiévale.

Mais les premiers ne 1'utilisaient pas pour rendre compte de l'avènement de l'expérience politique; et même si certains juristes du Moyen Age avaient soutenu que la vie politique requérait, pour sa naissance, deux pactes successifs un pacte d'association (« pactum associationis ») par lequel les individus s'assemblent pour former un groupement social, et un pacte de soumission (« pactum subjectionis ») par lequel, dans ce groupe, les plus nombreux, qui sont aussi les plus faibles, promettent obéissance à un seigneur qui a charge, en retour, de les protéger -, ces deux pactes. »

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