Y a-t-il contradiction entre être libre et être soumis aux lois ?
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Introduction
Lorsqu'on se demande s'il y a contradiction entre être libre et être soumis aux lois, « être soumis aux lois » peut
s'entendre de deux façons : 1) être soumis aux lois de la nature, aux lois scientifiques; 2) être soumis aux lois
politico-juridiques et morales.
Comme le mot loi n'a pas le même sens dans les deux cas, il faudra distinguer les deux
problématiques.
Par ailleurs, il y a contradiction lorsque la même thèse est à la fois affirmée et niée.
Si être libre
c'était, comme on le dit parfois.
n'être soumis à aucune loi, on comprend qu'un être soumis à des lois ne pourrait
jamais être dit libre sans contradiction.
On ne peut, cependant, accepter sans examen une telle approche de la
liberté.
Et puisque l'homme revendique une certaine liberté, alors même qu'on le dit soumis aux lois, il faut
effectivement se demander s'il y a contradiction entre être libre et être soumis aux lois.
Liberté et lois scientifiques
La liberté d'un sujet indépendant des déterminismes naturels
Dans la tradition philosophique de l'idéalisme classique, l'homme se pose comme sujet, c'est-à-dire être libre de ses
volontés et de ses actes, pouvant s'arracher aux déterminismes de la nature.
Dès lors apparaît un dualisme
fondamental, celui de la liberté et de la nécessité, du sujet et de l'objet.
En tant qu'il est sujet, l'homme n'appartient
pas aux déterminismes de la nature ; en tant qu'il est liberté, il n'est pas soumis à des lois naturelles.
pour la philosophie cartésienne, en particulier, l'homme, en tant qu'il a un corps, appartient à la nature et est soumis
à ses lois ; mais en tant qu'âme, il leur échappe, il est sujet et donc libre.
Cette liberté prend conscience d'ellemême dans le doute qui l'arrache aux déterminations qu'elle n'a pas choisies.
Si l'âme se soumet aux lois du corps,
c'est, en dernière analyse, qu'elle l'a choisi - elle accepte de se soumettre parce qu'elle a le pouvoir, la liberté, de
refuser cette soumission.
La critique contemporaine du sujet idéaliste.
Cette conception classique de l'homme comme sujet s'est vue remise en cause par le développement des sciences
humaines.
Celles-ci ont en effet promu une réflexion qui dénonce l'illusion idéaliste d'un sujet autonome, libre de
volonté et de conscience, capable de se soustraire aux lois du monde.
Ainsi pour la sociologie, les comportements
humains sont déterminés par des processus socio-économiques; pour la psychanalyse, le « sujet conscient » est
déterminé par les lois de l'inconscient ; pour la linguistique, la langue fait sens avant même que le locuteur veuille
dire quelque chose.
Le sujet défini par sa liberté est donc imaginaire.
L'individu n'est pas maître de ses actes et de
sa conscience au moment même où il croit l'être.
Le « Je » est tramé par un dessous du « Je ».
Les idéologies structuralistes sont l'expression philosophique de ces conclusions des sciences humaines : le sujet ne
peut plus être compris comme origine de tous les sens et de tous les actes, comme liberté, mais comme assujetti au
signifiant, à la structure.
La structure signifiante précède toujours le sujet et le produit.
En fait, l'homme n'apparaît
plus comme sujet, au sens où l'avait défini la philosophie idéaliste: «La réalité est un "procès objectif sans sujet" »
(Althusser).
L'homme est étudié comme objet dans les déterminismes du monde au lieu d'être affirmé comme sujet.
«
L'objet des sciences de l'homme n'est pas de constituer l'homme, mais de le dissoudre » (Lévi-Strauss, La Pensée
sauvage).
Dans ces conditions, il y a bien contradiction entre être libre et être soumis aux lois, contradiction symétrique de
celle qu'énonce la philosophie idéaliste
- Pour la philosophie idéaliste, la liberté de l'homme exclut sa soumission à des lois.
- Pour le structuralisme, la détermination de l'homme par des lois structurales exclut sa liberté.
Certes l'apport du structuralisme permet certes de dénoncer comme largement illusoire la conception idéaliste
faisant de l'homme un sujet abstrait désincarné, cette conception apparaissant comme le produit d'une idolâtrie,
celle d'une raison ignorant son unité avec le monde.
Cependant, en se bornant à faire régner à la place du sujet des
« structures », le structuralisme ne retombe-t-il pas dans l'idéalisme qu'il récuse ? Ne serait-il pas, comme
l'observait P.
Ricoeur, « un kantisme sans sujet transcendantal » ? Peut-on refuser de reconnaître en l'homme tout
espace d'intervention subjective, en ignorant son intériorité, en laquelle il s'apparaît à lui-même comme sujet doué
de comportement volontaire?.
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