Vous expliquerez et discuterez ce jugement de Sainte-Beuve sur Madame Bovary : En bien des endroits, et sous des formes diverses, je crois reconnaître des signes littéraires nouveaux : science, esprit d'observation, maturité, force, un peu de dureté. Ce
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Emma, fille d'un riche cultivateur normand, est allée en pension, où son imagination exaltée s'est développée par la lecture de romans. La réalité la déçoit. Mariée à Charles Bovary, médecin d'un petit bourg, elle ne trouve pas dans cette union l'idéal rêvé. Des aventures médiocres la compromettent et la conduisent au suicide. Commencé en 1851, achevé en 1856, le roman parut d'abord dans la Revue de Paris, Flaubert fut accusé d'outrage à la morale et acquitté en 1857. Le scandale causé par le procès attira l'attention sur le livre, qui devint le modèle du roman réaliste. Ce jugement de Sainte-Beuve date du 4 mars 1857 et résume l'article élogieux consacré à Madame Bovary : il rassemble les qualités originales du roman, tout en faisant une réserve sur la dureté de l'œuvre. L'ensemble de l'article permet de saisir exactement la pensée de Sainte-Beuve : la science et l'esprit d'observation sont l'art de reproduire la réalité, une réalité connue jusque dans les détails et de longue date, non pas une vision sommaire comme dans les romans de Balzac. L'auteur de Madame Bovary a vécu en province, dans la campagne3 dans le bourg et la petite ville...
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Emma, fille d'un riche cultivateur normand, est allée en pension, où son imagination exaltée s'est développée par la lecture
de romans.
La réalité la déçoit.
Mariée à Charles Bovary, médecin d'un petit bourg, elle ne trouve pas dans cette union
l'idéal rêvé.
Des aventures médiocres la compromettent et la conduisent au suicide.
Commencé en 1851, achevé en 1856, le roman parut d'abord dans la Revue de Paris, Flaubert fut accusé d'outrage à la
morale et acquitté en 1857.
Le scandale causé par le procès attira l'attention sur le livre, qui devint le modèle du roman
réaliste.
Ce jugement de Sainte-Beuve date du 4 mars 1857 et résume l'article élogieux consacré à Madame Bovary : il rassemble
les qualités originales du roman, tout en faisant une réserve sur la dureté de l'œuvre.
L'ensemble de l'article permet de saisir exactement la pensée de Sainte-Beuve : la science et l'esprit d'observation sont
l'art de reproduire la réalité, une réalité connue jusque dans les détails et de longue date, non pas une vision sommaire
comme dans les romans de Balzac.
L'auteur de Madame Bovary a vécu en province, dans la campagne, dans le bourg et la
petite ville...
Cette peinture de la réalité n'est pas l'incapacité à s'évader par l'imagination, mais le résultat d'une méthode : Madame
Bovary est un livre avant tout, un livre composé, médité, où tout se tient, où rien n'est laissé au hasard de la plume, et
dans lequel l'auteur, ou mieux l'artiste a fait d'un bout à l'autre ce qu'il a voulu...
Le résultat de cette application, c'est une œuvre forte, dure même, où rien ne console.
Est-ce moral? Est-ce consolant?
L'auteur ne semble pas s'être posé cette question; il ne s'est demandé qu'une chose : Est-ce vrai?...
La fin atroce de Mme
Bovary, son châtiment, si on veut l'appeler ainsi, sa mort, sont présentés et exposés dans un détail inexorable.
L'auteur
n'a pas craint d'appuyer sur cette corde d'airain, jusqu'à la faire grincer...
Fils et frère de médecins distingués, M.
Gustave
Flaubert tient la plume comme d'autres le scalpel...
Dans quelle mesure ce jugement est-il justifié?
A.
Le réalisme :
Flaubert, après son voyage en Orient, composa une première version de La Tentation de Saint-Antoine qu'il lut à ses amis
Louis Bouilhet et Maxime du Camp.
Ceux-ci condamnèrent l'ébauche au feu et lui conseillèrent de prendre : un sujet terre à
terre, un de ces incidents dont la vie bourgeoise est pleine.
Ce sujet, c'est l'histoire lamentable de Delamare, officier de santé à Ry et de Delphine Couturier, fille de fermiers aisés, qui
deviennent dans le roman Charles Bovary et Emma.
A Ry, Delphine voulut éblouir les dames de la bourgeoisie en tenant
salon.
Elle eut des aventures comme Emma, et finit comme elle, en s'empoisonnant.
Les autres personnages sont également tirés de la réalité,
soit de Ry même ou des environs : l'abbé Bournisien s'appelait l'abbé Lafortune.
M.
Homais est composé d'après deux
pharmaciens, l'un de Trouville, l'autre de Forges-les-Eaux.
— Le décor, les épisodes, la plupart des détails mêmes sont
aussi réels (le comice agricole, la description de Ry, etc.).
Madame Bovary illustre donc cette confidence de Flaubert au Directeur de la Revue de Paris :
J'ai la vie ordinaire en exécration...
mais esthétiquement, j'ai voulu, cette fois et rien que cette fois, la pratiquer à fond.
B.
Limites du réalisme:
Comment concilier cette volonté de vérité avec cette autre affirmation : Madame Bovary n'a rien de vrai.
C'est une histoire
totalement inventée; je n'y ai rien mis ni de mes sentiments, ni de mon existence ? (à Mlle de Chantepie, Mars 1857).
—
Les contemporains, Sainte-Beuve entre autres, ont été frappés par l'impersonnalité du roman et son objectivité : parmi
tous ces personnages très réels et très vivants, il n'en est pas un seul qui puisse être supposé celui que l'auteur voudrait
être.
De nos jours, on se plaît à noter différents traits révélant le personnalité de Flaubert.
a) LE CARACTERE D'EMMA BOVARY : Il n'est pas exact que la sympathie de l'auteur n'apparaisse pas : malgré ses fautes,
Emma Bovary attire l'intérêt et la pitié par son caractère romanesque, son besoin de rêve, sa distinction.
C'est une héroïne
romantique, à qui Flaubert a prêté quelques-unes de ses exaltations.
Elle désire se marier à minuit, aux flambeaux; elle
préfère les vers à la prose parce qu'ils font bien pleurer.
Flaubert sourit de cette sentimentalité, mais il la préfère à la
médiocrité de Charles Bovary, de l'abbé Bournisien et surtout à U sottise prétentieuse de M.
Homais.
b) LA SATIRE SOCIALE : l'ironie, le sarcasme s'associent souvent au réel, surtout dans les personnages épisodiques.
Flaubert laisse transparaître le mépris qu'il avait pour les bourgeois de Rouen, plus amateurs de bonnes affaires que d'art
et de belles-lettres.
Cette satire reparaîtra dans l'Education sentimentale et surtout dans Bouvard et Pécuchet.
Les
conversations de l'abbé Bournisien et de M.
Homais, les discours officiels au Comice Agricole sont des exemples typiques
de cette verve amère.
c) LE PESSIMISME qui règne dans tout le roman révèle encore le caractère de Flaubert.
Sainte-Beuve remarque avec raison
le parti pris de ne voir que le mal.
La vérité d'ailleurs, à ne chercher qu'elle, n'est pas tout entière et nécessairement du
côté du mal, du côté de la sottise et de la perversité humaine.
d) LE ROMANTISME de Flaubert n'est pas complètement absent.
Il se manifeste par quelques scènes étranges, qui prêtent
à des visions fantastiques.
Les invités de la noce d'Emma se dispersent dans toute la campagne : Et toute la nuit, au clair
de lune, par les routes du pays, il y eut des carrioles emportées, qui couraient au grand galop, bondissant dans les
saignées...
Madame Bovary montre, en effet, un talent arrivé à maturité, dont l'originalité consiste à faire surgir le pathétique de la
réalité, par une peinture aussi précise que possible.
L'auteur lui-même ne commente pas les faits : il les laisse parler, mais
on devine où vont ses sympathies.
Comme les poètes parnassiens, il est impassible, mais non insensible..
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