Vous développerez, autant que possible à l'aide de souvenirs personnels et précis, ces lignes de George Sand : « Oh ! Quel est celui de nous qui ne se rappelle avec amour les premiers ouvrages qu'il a dévorés ou savourés ? La couverture d'un bouquin poud
Extrait du document
La vie cultive, façonne les dispositions innées de l'enfant pour en faire un homme dans le coeur duquel subsisteront néanmoins les premiers sentiments, les premières impressions. Aussi est-ce avec ferveur que vous revoyez, devenu grand, les témoins et les confidents de votre enfance, jouets, livres, livres surtout. Leur consultation vous rappelle de chers souvenirs: citer comme exemple des livres évocateurs de votre passé. « La forme d'une ville change plus vite, hélas! que le coeur d'un mortel », a dit Baudelaire. En effet, si tout se transforme et se modifie autour de nous, notre coeur, lui, ne change guère, car nos sentiments et nos émotions d'enfant procédaient de la même sensibilité, de la même tournure d'esprit, des mêmes dispositions affectives que nos convictions et nos tendances de l'âge mûr. L'âme de l'homme n'est donc que le développement de l'âme du petit garçon, et si la société lui a apporté des lumières, une certaine expérience, souvent même de nombreux désenchantements, elle n'a pas transformé le fond de son coeur, et il s'en aperçoit bien quand une chanson connue, tin paysage, un parfum, un décor sous une certaine lumière, font surgir tout le passé du plus profond de son être.
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La vie cultive, façonne les dispositions innées de l'enfant pour en faire un homme dans le coeur duquel subsisteront
néanmoins les premiers sentiments, les premières impressions.
Aussi est-ce avec ferveur que vous revoyez, devenu
grand, les témoins et les confidents de votre enfance, jouets, livres, livres surtout.
Leur consultation vous rappelle
de chers souvenirs: citer comme exemple des livres évocateurs de votre passé.
« La forme d'une ville change plus vite, hélas! que le coeur d'un mortel », a dit Baudelaire.
En effet, si tout se
transforme et se modifie autour de nous, notre coeur, lui, ne change guère, car nos sentiments et nos émotions
d'enfant procédaient de la même sensibilité, de la même tournure d'esprit, des mêmes dispositions affectives que
nos convictions et nos tendances de l'âge mûr.
L'âme de l'homme n'est donc que le développement de l'âme du petit garçon, et si la société lui a apporté des
lumières, une certaine expérience, souvent même de nombreux désenchantements, elle n'a pas transformé le fond
de son coeur, et il s'en aperçoit bien quand une chanson connue, tin paysage, un parfum, un décor sous une
certaine lumière, font surgir tout le passé du plus profond de son être.
Rien n'est aussi évocateur de cet autrefois qui sommeille en nous-même que les premiers livres, les chers livres que
nos petits doigts ont feuilletés, que notre jeune esprit tout neuf, naïf et curieux, a absorbés avec enthousiasme.
Dans une vieille et calme demeure de campagne, nous avons pu réfugier les meubles et les souvenirs de mes
grands-parents.
Chaque année, au cours des vacances, j'échappe quelques heures à la compagnie des amis et je
monte dans la chambre bleue où se trouve le placard aux vieux livres.
Le temps les a revêtus d'une couche de
poussière ; il s'agit donc de faire leur toilette, et surtout de les caresser des doigts et des yeux.
Voici mon premier livre de lecture et, en le regardant, -- comme un cliché photographique sous l'action du
révélateur, - - une image apparaît à mon esprit.
Je revois dans un décor algérien, sous une allée d'eucalyptus, une
bonne grand'mère apprenant ses lettres à une toute petite fille assise à ses pieds sur un tabouret bas.
Puis voici les contes de fées, les récits merveilleux de Perrault aux brillantes images, ceux d'Andersen dans leurs
décors de neige, et chacun de ces livres est évocateur d'une époque et de visages aimés que je ne reverrai plus,
jamais plus.
Maintenant, je déplace les volumes dorés de l'aimable bibliothèque rose : combien j'aime à retrouver l'inoubliable
Cadichon, les Petites Filles modèles, le laborieux Gaspard, et surtout François le Bossu, qui m'a fait comprendre et
aimer la bonté!
Voici sous ma main une belle vieille édition de « l'Ami des Enfants », de Berquin, et voici également de frais romans
pour le jeune âge : le Ménétrier des Hautes-Chaumes, Angelette, les Petits travers de Philippe.
Je me retrouve
assise dans une verdoyante campagne du Nivernais, sous les ombrages d'une forêt de chênes ou au bord du canal,
réfléchissant aux graves leçons qui se dégagent de ces histoires, en apparence naïves, niais pleines d'une aimable
morale et d'une fraîche philosophie.
Les années ont passé et, maintenant, c'est une jeune Mlle aux longues nattes blondes qui lit avec enthousiasme les
prouesses des Trois Mousquetaires, la conversion de Jean Valjean ou les Lettres de mon moulin.
Et pendant que je feuillette avec amour les chers vieux livres, tous mes souvenirs défilent pour me laisser émue et
très attristée; car, si la vie est belle, noble même parfois, elle est souvent douloureuse, puisqu'elle nous prend, par
la séparation ou la mort, ceux que nous aimons, ceux-là qui étaient tout notre bonheur et notre raison de vivre.
Mais dans ces moments de tristesse ou de découragement, je me réconforte toujours par le souvenir d'un des livres
que je nommais plus haut : les Petits travers de Philippe.
Il racontait l'histoire d'un enfant, naturellement intelligent et bon, mais si gâté que ses qualités spontanées s'étaient
transformées en travers pénibles pour son entourage et plus tard pour lui-même.
Un oncle bienfaisant vient prendre sur le garçonnet toute l'influence que donnent la bonté, la droiture et la fermeté
d'un beau caractère.
Il éclaire ce jeune esprit, forme son coeur et discipline enfin si bien l'âme de l'enfant qu'il la
rend bonne et généreuse.
Puis, obligé de repartir, il quitte Philippe avec ces paroles qui seront le viatique de son
existence et de la nôtre : « Le secret du bonheur, c'est de penser très peu à soi et beaucoup aux autres.
».
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