Vico, La langue, mémoire de l'humanité
Extrait du document
«
Indications générales
Giambattista Vico (1668-1744) est un philosophe italien du xviiie siècle.
Avec sa «science nouvelle» (la Scienza Nuova,
1725), il bâtit une vaste fresque reconstituant l'histoire de l'humanité à partir du principe «verum est factum»: «le vrai,
c'est le fait même»: les actions humaines sont l'avènement historique de la vérité, et le philosophe, comme un
géomètre de l'humanité, doit en retracer les contours.
Dans cette entreprise, l'étymologie joue un rôle primordial, car
les langues sont porteuses de la mémoire des peuples.
Citation
«Tel est l'ordre que suivent les choses humaines: d'abord les forêts, puis les cabanes, puis les villages, ensuite les
cités, ou réunions de citoyens, enfin les académies, ou réunions de savants.
Autre grand principe étymologique,
d'après lequel l'histoire des langues indigènes doit suivre cette série de changements que subissent les choses.
Ainsi
dans la langue latine nous pouvons observer que tous les mots ont des origines sauvages et agrestes: par exemple lex
(legere, cueillir) dut signifier d'abord "récolte de glands", d'où l'arbre qui produit les glands fut appelé illex, ilex; de
même que aquilex est incontestablement "celui qui recueille les eaux".
Ensuite lex désigna la récolte des "légumes"
(legumina) qui en dérivent leur nom.
Plus tard, lorsqu'on n'avait pas de lettres pour écrire les lois, lex désigna
nécessairement la réunion des citoyens ou l'assemblée publique.
La présence du peuple constituait "Cela loi" qui rendait
les testaments authentiques, calatis comitiis.
Enfin l'action de recueillir les lettres, et d'en faire comme un faisceau
pour former chaque parole, fut appelée legere, "lire"».
(Scienza Nuova, I, chap.
2, ax.
65.)
Explication
L'ordre de progression de l'organisation humaine (comparer avec Aristote*) – forêts, cabanes, villages, cités,
académies – peut être retracé terme à terme dans l'histoire du
mot «lex»: «récolte de glands» (forêt et cabane) – «légume» (village) – «loi» (cité) – «lire» (assemblée de savants).
Pour Vico, les langues sont ainsi détentrices de la vérité, et le philosophe / philologue doit venir la décrypter en elles.
Exemple d'utilisation
Le texte de Vico relie de manière originale histoire et langage.
Même si elle a quelque chose de délirant, son étymologie
révèle une profondeur de la langue qui en fait bien autre chose qu'un simple «instrument de communication».
La langue
est chargée des faits et gestes de l'humanité (à comparer avec les «jeux de langage» de Wittgenstein*).
Vico nous dit
l'historicité de la langue, mais il nous dit aussi que l'Histoire est comme une langue: une parole divine, faite des actions
humaines, que la «science nouvelle» cherche à déchiffrer.
SUJETS TYPES : Héritage de mots, héritage d'idées/Parler, est-ce le contraire d'agir?
Contresens à ne pas commettre
Se référer au texte de Vico pour illustrer une certaine conception de l'histoire humaine et une certaine conception des
langues ne doit pas vous faire croire que son étymologie est aussi «scientifique» qu'il le prétend.
Cela ne l'empêche pas
d'être intéressante et «parlante»..
»
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