Vérité et utilité ?
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«
Introduction :
Le vrai ou le faux se disent d'abord des jugements ou des idées plutôt que des choses ou des événements.
Il ne
faut pas confondre la vérité et la réalité.
Dire par exemple que j'ai éprouvé une «vraie joie», c'est dire simplement
que j'ai éprouvé une joie authentique et non une simple satisfaction passagère.
Mais les choses ne sont en ellesmêmes ni vraies ni fausses.
Ce sont les représentations que nous en avons qui peuvent l'être.
Ainsi un faux Gauguin
est aussi bien une vraie imitation, faite par quelqu'un d'autre.
Les choses sont ce qu'elles semblent être ou alors
elles sont autre chose : du faux or peut être du vrai cuivre !
De là, la définition traditionnelle de la vérité comme correspondance de l'idée et de l'objet qu'elle représente.
Est
vrai, en somme, un jugement conforme à ce qui est.
Toute la difficulté est alors, bien entendu, de parvenir à saisir
les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, et non pas simplement telles qu'elles nous apparaissent.
C'est le
problème de la connaissance.
Nous savons déjà que nos sens peuvent nous induire en erreur : par exemple la vue
nous fait bien voir un soleil qui se «lève» et qui se «couche», quand nous savons qu'il n'en est rien, puisque c'est
nous (la terre) qui tournons autour de lui.
Parvenir à la connaissance implique ainsi souvent que nous dépassions ce
que nous donnent nos sens et que nous en appelions à notre rais o n.
1.
Vérité et cohérence :
l'idéal scientifique.
On définit la science comme une connaissance objective, c'est à dire une connaissance qui porte
sur des objets dont l'existence est clairement établie et qui en énonce les lois et les propriétés, indépendamment de
ce que nous en percevons immédiatement.
Une telle connaissance doit alors répondre à la fois à des critères de
validité (= de cohérence) et de vérité (= conformité entre l'énoncé et les faits), ce qui n'est possible que si elle
utilise des concepts (= des idées générales), clairs et distincts.
La validité est un critère essentiellement logique qui nous interdit simplement de soutenir des énoncés
contradictoires.
Mais ce critère de validité est en lui-même insuffisant pour produire une connaissance vraie.
La
cohérence ne définit en effet que l'accord de la pensée avec elle-même mais pas encore avec son objet.
Il faut
donc lui adjoindre un critère de vérité proprement dite.
Il n'y a de science que lorsque nos représentations ne se
règlent pas seulement sur elles-mêmes, mais aussi sur leur objet.
Mais comment juger de l'accord de la connaissance avec son objet ? Si on ne peut pas savoir ce que le réel est en
soi (indépendamment de la représentation qu'on en a), il ne reste plus qu'à établir la conformité de nos idées avec la
façon dont le réel se montre à nous dans l'espace et dans le temps.
Ce qui se montre à nous c'est ce qu'on appelle
justement les phénomènes (= les choses, en tant qu'elles nous apparaissent).
Dans les sciences, on fait alors appel aux preuves et aux démonstrations.
Est vrai ce qui est prouvé ou démontré.
Mais peut-on tout démontrer ? Même dans les sciences les plus rigoureuses (logique, mathématiques, physique), il
est impossible de tout démontrer.
En mathématiques, par exemple, on est obligé de recourir à des propositions
premières ou initiales qu'on admet comme vraies, sans qu'on puisse les démontrer : ce sont les axiomes.
Ainsi, dans
la géométrie d'Euclide, l'affirmation qui pose que : par un point extérieur à une droite, on ne peut faire passer qu'une
seule parallèle à cette droite, est un axiome.
On la tient pour évidente et pourtant on n'a jamais pu la démontrer !
Plus généralement, on ne peut démontrer les principes fondamentaux auxquels fait appel toute démonstration, quelle
qu'elle soit.
En logique, par exemple, le principe de non-contradiction ne peut pas être démontré, bien qu'il soit
requis et présupposé dans tout raisonnement.
On trouve même, dans certains systèmes logiques, des propositions
qui n'obéissent pas au principe du tiers exclu, c'est à dire qui ne sont ni vraies, ni fausses, ni absurdes et qu'on
nomme pour cela indécidables.
(par exemple : Épiménide le Crétois déclare : «tous les Crétois sont des menteurs»,
ment-il ou dit-il la vérité ?).
Enfin, plus radicalement, s'il fallait tout démontrer, on tomberait dans une régression à
l'infini : il faudrait démontrer la démonstration, puis la démonstration de cette démonstration etc.
De même, en physique, une théorie n'est jamais entièrement et définitivement prouvée par l'expérience.
Une
expérience est toujours particulière et une théorie est toujours universelle (du moins pour une classe donnée de
phénomènes).
Or, même répétée dans des conditions identiques – ce qui, même en laboratoire, est déjà difficile –
une expérience ne suffit pas à rendre vraie une théorie : elle peut tout au plus la réfuter ou ne pas la contredire.
C'est pourquoi une théorie est déclarée vraie, non parce qu'elle est prouvée, mais parce qu'aucune contreexpérience ne parvient à la réfuter et qu'il n'en existe pas de meilleure et de plus féconde pour expliquer les
phénomènes étudiés (c'est la thèse de K.
Popper).
Ainsi, la théorie de la sélection naturelle des espèces de Darwin,
n'a jamais été prouvée par l'expérience, puisqu'elle n'opère qu'à l'échelle de millions d'années.
On ne peut donc
monter aucune expérience capable de la confirmer, ni d'ailleurs de la réfuter.
Pourtant, elle reste largement admise
par les biologistes parce qu'elle est la seule à pouvoir expliquer de façon cohérente la formation et l'évolution des
espèces vivantes (par exemple, pour comprendre les relations qui existent entre certaines espèces actuelles et des
fossiles).
Il n'y a donc pas de critère universel et absolu de la vérité par rapport à sa «matière» (c'est à dire à la particularité
concrète de ses objets), mais seulement en ce qui touche à sa forme, c'est à dire à sa cohérence interne.
Or, on l'a
vu, cette condition est insuffisante : un raisonnement peut être vrai dans sa forme (par exemple, noncontradictoire) tout en étant matériellement faux.
La cohérence logique est donc un critère nécessaire mais non
suffisant de la vérité.
Comme dit Kant, elle est au mieux la condition négative de la vérité : elle est ce sans quoi il
n'y aurait pas de vérité, mais pas davantage.
En d'autres ternies, «La»Vérité n'existe pas, sinon comme catégorie
générale de la pensée : il n'y a que des vérités toujours relatives et provisoires, y compris dans les sciences.
Si les
vérités scientifiques étaient absolues, donc définitives, les sciences ne progresseraient plus qu'en ajoutant de.
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