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Valeur des passions ?

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« VOCABULAIRE: VALEUR: Du latin valor, « mérite », « qualités ». (1) Propriété de ce qui est jugé désirable ou utile (exemple : la valeur de l'expérience).

(2) En morale, norme ou idéal orientant nos choix et nos actions (exemple : le bien, la justice, l'égalité).

(3) En économie politique, on distingue la valeur d'usage d'un objet, qui est relative au degré d'utilité que chacun lui attribue, et sa valeur d'échange (son prix), qui résulte du rapport de l'offre et de la demande. PASSION: * Ce que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.

Chez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à l'âme.

Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire. * Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse). La passion rompt avec la monotonie de la vie quotidienne, donne du prix à l'existence, soulève l'âme, lui inspire de vastes desseins : « Rien de grand ne se fait sans passion.

» Nos passions ne fournissent-elles pas les mobiles les plus puissants de nos actes et de nos oeuvres? Aucune décision volontaire ne serait jamais prise par un être indifférent, incapable de se passionner pour quoi que ce soit.

« Un homme sans passion serait, dit Vauvenargues, un roi sans sujets.

» Stendhal voit dans la passion l'énergie qui alimente nos décisions volontaires.

La passion, c'est « l'effort qu'un homme qui a mis son bonheur dans telle chose est capable de faire pour y parvenir », Et Descartes lui-même, qui voit dans la passion le signe de la dépendance de l'âme, en partie soumise au corps, reconnaît à la fin du « Traité des passions » que si l'âme a aussi ses plaisirs propres indépendants du corps, il n'en reste pas moins que « les hommes que les passions peuvent le plus émouvoir sont capables de goûter le plus de douceur en cette vie ».

Qu'importent la source inconsciente des passions, la médiocrité fréquente de leur objet, l'aveuglement du passionné! L'essentiel n'est-il pas l'enrichissement intime de l'âme passionnée? Proust écrit que « les émotions qu'une jeune fille médiocre nous donne peuvent nous permettre de faire monter à notre conscience des parties plus intimes de nous-mêmes, plus personnelles, plus lointaines, plus essentielles, que ne ferait le plaisir que nous donne la conversation d'un homme supérieur ou même la contemplation admirative de ses oeuvres». Mais beaucoup de moralistes, bien loin de faire l'éloge des passions, tendent à les condamner : non pas qu'en général ils considèrent, à la manière d'Épicure, que l'état qui convient le mieux à l'âme soit une indifférence sereine, mais parce qu'ils jugent que la passion introduit en nous un désordre, un déséquilibre.

Kant voyait dans la passion une véritable « maladie de l'âme ».

La passion développe à l'excès un sentiment et appauvrit tous les autres.

Elle apparaît ainsi comme une valorisation partielle et partiale du monde, un rétrécissement de notre «Umwelt» à la mesure d'une valeur unique.

La passion nous limite à la fois dans l'espace et dans le temps; dans l'espace, puisqu'elle réduit notre champ de conscience et le cercle de nos intérêts, dans le temps, car le passionné est prisonnier de l'instant présent ou du passé, incapable, comme dit Alquié, de « se penser avec vérité dans le futur ».

Le passionné ne sait plus s'adapter aux situations réelles, il refuse de suivre le cours du temps.

Son coeur ne bat plus au rythme du monde.

Proust vieilli ne sait plus chercher dans le monde que les échos de son enfance disparue.

Le fumeur et l'ivrogne ne pensent pas à leur santé, le joueur n'envisage pas sa ruine prochaine, l'amoureux coupable ne songe pas au déshonneur, au scandale qui l'attendent.

Il y a une obnubilation passionnelle qui nous dissimule nos véritables intérêts, nos exigences les plus profondes; c'est pourquoi toute passion nous voue tôt ou tard au malheur.

Tandis que l'homme volontaire agit en fonction de sa personnalité tout entière, sait hiérarchiser avec lucidité ses tendances et tient compte de tous les instants du temps (ce qui lui donne le maximum de chances d'accomplir ses fins et d'être heureux), le passionné est l'homme d'un seul instinct et d'un seul instant, aveuglé par un caprice dont la force momentanée lui masque dangereusement tous ses autres besoins.

Alors que la volonté est caractérisée par la conscience lucide et la maîtrise de soi, le passionné est dépossédé de lui-même.

Il cesse d'agir, il est agi par des complexes inconscients dont il est la victime. D'autre part, on a souvent souligné l'égoïsme foncier qui marque l'état de passion.

Non seulement parce que la passion nous rend indifférents pour tout ce qui n'est pas elle (« On n'aime plus personne, dès qu'on aime », dit Proust) mais parce que la passion révèle, à l'égard de son objet lui-même, un besoin tyrannique de possession. Tandis que le sentiment nous ouvre au monde et aux autres, nous révèle des valeurs, la passion tend à faire du monde et d'autrui les instruments de notre égoïsme.

Le sentiment est « oblatif », la passion est « possessive ».

Ainsi l'amour-passion est voué à la jalousie parce qu'il veut réduire l'être aimé à une chose possédée, à un objet, mais qu'il se heurte à la liberté de l'Autre, à sa Transcendance.

Proust peut enfermer Albertine, la surveiller sans cesse; mais il ne peut posséder que « l'enveloppe close d'un être qui par l'intérieur accédait à l'infini ». Ainsi, tandis que l'amour-sentiment est un amour de bienveillance qui fait, disait Leibnitz, que nous nous réjouissons du bonheur d'autrui, l'amour-passion est un amour de concupiscence égoïste et possessif.

La concupiscence n'est pas nécessairement liée au désir charnel.

M.

Jean Guitton écrit de façon pertinente : « Une mère peut aimer sa fille pour les joies que celle-ci lui procure, pour la compagnie qu'elle lui tient et elle s'opposera à tout établissement. C'est la concupiscence installée dans l'amour maternel et à sa place ».. »

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