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Une théorie scientifique peut-elle être confirmée ou infirmée par les faits ?

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« Introduction L'opinion n'aime pas la théorie, vue de l'esprit plus ou moins gratuite : « C'est beau en théorie, mais en fait il en va tout autrement.

» Les sciences, toutefois, opposent un démenti à l'opinion : elles supposent nécessairement et une théorie et des faits établis.

Mais comment théorie et faits sont-ils alors articulés? Doit-on dire qu'une théorie scientifique peut être confirmée ou infirmée par les faits ? Théorie et pratique. La théorie. Le mot théorie, en sciences, n'a évidemment pas le sens péjoratif que l'opinion lui prête souvent.

Qu'elle soit scientifique ou non, toute théorie est d'abord un point de vue intellectuel (théôrein en grec signifie contempler).

Elle est, d'autre part, un ensemble d'idées coordonnées logiquement (cf.

la théorie freudienne de l'inconscient, la théorie évolutionniste de Darwin), ou même systématisées mathématiquement (cf.

la théorie de la gravitation universelle de Newton : la loi de pesanteur, les lois de Kepler sur les mouvements de planètes, etc., y sont déductibles mathématiquement). La théorie scientifique. Pour être scientifique, il ne suffit cependant pas qu'une théorie soit constituée de propositions, hypothèses ou lois articulées de façon rigoureusement logique.

Elle doit l'être en effet, mais si elle n'était que cohérente la théorie scientifique se confondrait avec les mathématiques.

C elles-ci procèdent par « construction de concepts » (Kant), elles se donnent leurs objets, elles ne posent donc pas nécessairement la question de leur rapport au réel.

Au contraire, une théorie n'est considérée comme scientifique que si elle est confrontée au domaine de la réalité dont elle prétend apporter une certaine connaissance (la lumière, le vivant, tel comportement, etc.).

Elle a nécessairement rapport à des faits. Une théorie scientifique vise donc une certaine vérité formelle.

On dit qu'elle est plus ou moins vérifiée.

Mais il ne faudrait pas s'imaginer qu'il y a d'un côté une théorie, puis de l'autre des expériences, des faits qui, ensuite, viendraient éventuellement « dire » si la théorie est, ou non, vraie.

La démarche est plus complexe. Les faits scientifiques. C'est un fait ! L'opinion commune a souvent recours à un «fait » pour clore une discussion : « C'est un fait ! », dit-on ; comprenons : inclinez-vous.

Mais le fait qui « saute aux yeux » n'a de sens, il n'instruit, que si je regarde dans sa direction et parce que je l'introduis dan: une pensée où il signifie quelque chose.

Il n'est jamais pure donnée dont le constat instruirait miraculeusement la pensée.

Dans la mesure où il a un sens, le fait dont je fais l'expérience appartient à une théorie interprétative implicite.

Même un exemple très simple le montre.

C'est un fait que « la Terre est ronde » ; mais c'est un fait aussi qu'elle « est » plate, comme on le crut.

On ne le crut que parce que ce « fait » s'imposait, non en soi, mais dans un monde où les significations sont portées par les perspectives que suggère, à une certaine époque, l'existence quotidienne.

Et, en ce sens, h Terre m'apparaît toujours plate, bien que je la sache ronde, mais d'une « rotondité qui permet justement de comprendre le « fait » qu'elle est plate d'un certain point de vue.

Une certaine forme de théorie est déjà présente, qu'il est possible d'expliciter. Le fait scientifique est inséparable d'une théorie. Sans énumérer tous les caractères du fait scientifique, il est nécessaire de mettre l'accent sur l'un d'entre eux, qui éclaire la réflexion.

Le fait scientifique, G.

Bachelard l'a fortement souligné, est toujours explicitement et consciemment (à la différence du fait préscientifique) élaboré, construit et pas seulement constaté ; il est saisi à l'aide d'instruments et mesuré.

Le réel scientifique est réalisé, a-t-on dit, ou encore : les faits scientifiques sont faits.

Ces procédures ne sont pas accessoires, mais bien constitutives de la démarche scientifique.

« Déjà l'observation, fait remarquer Bachelard, a besoin d'un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision, de sorte que ce n'est jamais la première observation qui est bonne.

L'observation scientifique est toujours une observation polémique : elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l'immédiat; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas.

Naturellement, dès qu'on passe de l'observation à l'expérimentation, la caractère polémique de la connaissance devient plus net encore.

A lors, il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments.

Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.

Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique.

» A insi que l'écrit G. Canguilhem, « bien loin qu'un fait perçu ou observé soit, du seul fait qu'il est perçu et observé, un argument pour ou contre une hypothèse, il doit d'abord être critiqué et reconstruit de façon que sa traduction conceptuelle le rende logiquement comparable à l'hypothèse en question [...] Seuls les faits réformés apportent des informations » (« Leçons sur la méthode », dans : Bourdieu et al, Le Métier de sociologue, Mouton de Gruyter, 1973, p.

269).

Seuls de tels faits peuvent éventuellement confirmer ou infirmer une théorie.

C'est ce qu'il faut préciser. «Les instruments ne sont que des théories matérialisées.

» Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique (1938). • Pour donner leur place à la théorie et à l'expérience dans la constitution de la connaissance, il faut relever que la connaissance du monde passe aussi par la connaissance du sujet connaissant lui-même.

C'est ce que dit Kant, qui vise notamment à sortir de l'antithèse entre Locke et Descartes. • Dans l'épistémologie moderne de Bachelard, les «données» de l'expérience ne sont jamais «données» spontanément, mais sont construites grâce à certains instruments (par exemple, le calcul de la trajectoire d'une comète dépend de la précision du télescope qu'on utilise). • Les instruments eux-mêmes ne sont pas «donnés»: le scientifique les construit lui-même pour tester une théorie qu'il a élaborée avant même que les «faits» qu'il décrit n'aient été rendus sensibles.

D'où l'idée que l'instrument «matérialise» une théorie: pour l'inventer, il fallait que la théorie ait déjà prévu la possibilité des données qu'elle voulait tester. « Déjà l'observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas.

Naturellement, dès qu'on passe de l'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore.

A lors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments.

Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.

Il en sort des phénomènes qui portent de toutes part la marque théorique.

» BACHELARD.. »

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