Une société peut-elle être juste ?
Extrait du document
«
Au sens large, la société désigne tout ensemble d'individus dans lequel on constate des rapports réglés et des
services réciproques.
Au sens plus strict, la société correspond à un ensemble d'êtres humains dont les relations
sont organisées par des institutions et éventuellement garanties des sanctions qui font ressentir à chaque membre
le poids du collectif.
Cette organisation juridique des individus constitue la société civile.
La notion de justice désigne, d'une part le principe moral qui exige le respect de la norme du droit, et d'autre part, la
vertu qui consiste à respecter les droits d'autrui.
Ici, ce sont les notions de la justice politique qu'il faut interroger.
Se poser la question de savoir, une société peutelle être juste ? Revient en un sens à se poser la question de savoir à qui le pouvoir doit revenir ? Et revient à se
poser la question : Qu'est ce qui en droit définit l'exercice du pouvoir politique ?
La logique sécuritaire :
Si l'existence même de la société suppose un conflit entre ses membres, il semble légitime qu'il y ait un pouvoir
souverain qui exerce une position d'arbitre des conflits.
Pour être réellement efficace, il ne doit pas tolérer un
autre pouvoir au-dessus de lui.
Le pouvoir politique doit être Souverain, sans quoi il ne répondrait pas à son
essence.
Mais cette force du pouvoir souverain risque toujours d'être abusive.
Est-il possible de la limiter dans
le cadre d'un exercice juste ? La force du pouvoir ne fait pas pour autant un droit.
Comment peut-elle être
pensée pour que soit réalisé un ordre politique juste ? La difficulté est posée par Kant dans l'opuscule Idée
d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique sous cette forme : L'homme est un animal qui a
besoin d'un maître, mais où peut-il aller le chercher ? Qui va-t-il choisir et comment ? Pour répondre à ces
questions, nous devons pour cela considérer de près la relation entre le citoyen et l'Etat.
Cette relation a été
envisagée dans la philosophie politique au XVIII ème siècle, sous la forme d'un contrat.
Parce que la société
humaine n'est pas naturelle, on suppose que les hommes dans l'état de nature se rassemblent et décident
collectivement de s'unir pour former un Etat.
Les hommes qui vivent dans l'Etat ne sont des citoyens que parce
qu'ils acceptent les règles qui régissent leur vie commune.
Le contrat qui constitue l'association des citoyens
dans l'Etat, est celui par lequel les hommes remettent un pouvoir à celui qui doit les gouverner tous.
L'instauration du contrat social pose la légitimité de l'Etat en droit.
Mais tout dépend de la manière d'interpréter ce contrat.
Voir, Hume, Traité de la nature humaine, p.
94,95 et
103.
Tout dépend de la fin que l'on se propose en l'établissant.
Or, ce à quoi nous pensons le plus souvent,
pour justifier l'existence du pouvoir, c'est qu'il est là pour garantir la "sécurité".
Suivant exactement cette
optique, Hobbes distingue deux contrats fondamentaux : les hommes en entrant dans l'Etat ont implicitement
conçu un contrat par lequel il souhaitent devenir membres de la société.
Ce premier contrat signifie que la
pluralité des volontés est englobée dans un tout qui est plus que la somme des parties, le tout de la société.
D'un point de vue de droit, la société n'est pas seulement la conscience collective qui existe toujours de fait,
elle est une société civile par laquelle chacun se sent lié en droit avec tous.
Ce premier contrat est le pacte
d'association.
Ayant passé accord entre eux pour fondé une société, les hommes décident aussi de se
soumettre à une autorité politique, à cette condition que tous les autres en fasse autant.
Celui qui est
désigné, le Souverain, reçoit donc le pouvoir.
Pour que le pouvoir soit puissant, on suppose que le Souverain,
lui, n'a pas passé de contrat avec ses sujets.
Ce sont les sujets qui ont ensemble passé un contrat pour lui
remettre leur pouvoir afin qu'il les protège tous ensemble.
C'est le pacte de gouvernement.
Pour constituer en
droit le pouvoir absolu, il faut donc interpréter le contrat social comme un pacte d'association et de soumission
au pouvoir.
Pour éviter la guerre de tous contre tous.
Voir, Hobbes, Le Léviathan, p.124, 125.
Hobbes suppose
que les hommes décident de constituer un pouvoir absolu qui saura tenir en respect ceux qui menaceraient
l'ordre public.
Le Souverain détient le pouvoir suprême, pour que la paix publique soit assurée et que la société
civile soit vivable.
Tous les citoyens cèdent leur droit au profit du souverain.
C'est donc en aliénant tous leurs
droits les hommes obtiennent protection et c'est de cette manière que le pouvoir est absolu, car il reçu sans
condition.
Il tire sa légitimité du contrat qui rend le souverain capable d'instaurer une sécurité publique.
Voir,
Hobbes, Le citoyen, Chap.
X §1, p.312.
Cependant, le souverain peut se donner toutes sortes de raisons pour opprimer son peuple et satisfaire sa
convoitise personnelle, se bâtir des palais sur le dos des citoyens, exploiter l'argent public.
Ce serait, du point
de vue de Hobbes, une sorte de mal nécessaire, pour obtenir un pouvoir efficace, capable de garantir la
sécurité publique.
Le problème est difficile, puisque les inclinations égoïstes de l'homme font qu'il tend à abuser
de sa liberté naturelle.
Pour que la vie sociale soit possible, il faut que l'homme puisse y être libre, mais aussi
qu'il discipline ses inclinations animales et se plie à la loi.
Le citoyen doit avoir un sens élevé de la
responsabilité.
Pour mettre fin au désordre, les hommes sont poussés à accepter des règles de vie commune
qui limitent leur liberté.
Ils se doivent d'abandonner une liberté naturelle, pour accepter une liberté civile.
Voir,
Hobbes, Le Citoyen, Chap.
X, §1, p.312.
Ils y sont forcés pour leur intérêt, et c'est pourquoi ils bâtissent cette
énorme machine qu'est l'Etat.
Mais cela ne veut pas dire que les hommes soient entièrement déraisonnables au
point de placer, sous le dictat de la peur, sous la conduite d'un tyran.
C'est en tant qu'ils sont raisonnables
qu'ils acceptent la loi..
»
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