Une oeuvre d'art nous permet-elle de nous évader du monde ou de mieux le regarder ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
MONDE: ensemble des réalités matérielles qui constitue l'univers, mais aussi le monde humain, les relations entre
les hommes.
Art: 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).
2)
Au sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire à
susciter par leur aspect, une appréciation esthétique positive.
Oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté.
AIDE FOURNIE PAR L'ELEVE: Le sujet se présente ici sous la forme d'une alternative quant aux fins de l'œuvre
d'art : nous évader ou mieux regarder le monde ? Il s'agit donc de se demander quels rapports au monde l'œuvre
d'art nous conduit à avoir.
En effet, les deux attitudes ici semblent radicalement s'opposer.
S'évader du monde c'est
s'en détourner, se transporter vers un ailleurs, mieux regarder le monde c'est y porter toute son attention.
Or,
généralement, nous considérons que l'œuvre d'art renvoie à une activité de l'imagination.
En ce sens, elle nous
donne à rêver, à imaginer et ne semble pas être une simple copie du réel.
Une anecdote racontée par un metteur en
scène du début du 20ème siècle peut ici vous servir de point de départ.
Le jour de la première, alors qu'il ne reste
que quelques heures avant d'entrer en scène, la comédienne qui jouait le petit rôle de la bonne tombe malade.
Elle
ne devait avoir qu'une réplique simple.
Le metteur en scène demande alors à sa propre bonne si elle peut la
remplacer puisqu'il s'agit simplement de dire sur scène ce qu'elle fait tous les jours.
Or, cette dernière aurait refusé
répondant que cela n'était pas possible car ce ne serait pas du théâtre.
« Qu'est-ce alors que le théâtre ? » aurait
demandé le metteur en scène.
Et elle aurait répondu : « le théâtre, c'est une reine qui a du chagrin ».
La référence
à Phèdre est implicite ici, mais surtout, cette réponse de la bonne tend à nous montrer que l'art n'est pas là pour
reproduire simplement la réalité quotidienne mais pour nous faire nous échapper du monde.
Pensez à Madame Bovary
qui s'évade sans cesse à la lecture de romans.
Montrez aussi simplement pourquoi l'art n'est peut-être pas une
simple imitation.
Pourtant, que l'œuvre d'art mette en jeu notre imagination, qu'elle nous sorte apparemment du
quotidien revient-il à dire qu'elle nous transporte dans un autre monde ? En d'autres termes, l'œuvre d'art ne
pourrait-elle pas être ce qui nous fait voir le monde autrement, ce qui nous donne un autre accès au monde ? Ici,
vous pouvez vous reporter aux analyses de la formule de Klee qui dit que l'œuvre d'art « rend visible ».
Vous pouvez
également analyser des exemples.
Dans un dossier présenté sous la rubrique « Dossiers » vous trouverez, par
exemple, une analyse du roman de Perec W ou souvenirs d'enfance qui est l'autobiographie de l'auteur concernant
son enfance alors que ses parents furent tués pendant la seconde guerre mondiale.
Le roman est construit à la fois
sur un récit de sa petite enfance, période dont il n'a pas de souvenirs, et sur une fiction, W, racontant la disparition
d'un enfant qui se retrouve après un naufrage sur un île qui fait fortement penser aux camps.
Par le détour de la
fiction, Perec s'attache à dire, raconter une horreur, celle des camps qui semble innommable.
Vous pouvez
également vous reporter à l'analyse que fait Heidegger d'un tableau de Van Gogh, les Souliers.
Il nous montre alors
en quoi l'œuvre d'art révèle, dévoile ce que nous ne saisissons pas dans notre rapport quotidien au monde qui est un
rapport d'utilité.
Dès lors, c'est la notion de monde qu'il faut interroger ici.
Que l'art nous conduise à nous évader de
la quotidienneté n'implique peut-être pas nécessairement qu'il ne nous conduise pas à mieux regarder le monde.
Éclaircissements :
A.
Que l'art et les oeuvres d'art ne présentent pas d'utilité directe conduit aisément à considérer qu'ils ne doivent
leur existence qu'à un besoin de distraction, d'évasion, qu'ils apportent un plaisir qui compense les difficultés de la
vie « réelle ».
Il s'agit là d'un point de vue superficiel.
En effet, l'art ne remplit que très imparfaitement cette
fonction de distraction : peut-on sérieusement dire qu'un tableau comme La Guerre du Douanier Rousseau nous
distrait? Faut-il alors rejeter l'art qui interroge, qui provoque une pensée désagréable ? Ceci nous invite à nous
demander si la fonction de l'art est bien l'évasion, et quel rapport il entretient avec le réel.
D'une certaine manière, Platon considérait bien que l'art détournait du réel et lui en faisait d'ailleurs le reproche.
Il
est vrai qu'il considérait que le réel était d'abord le monde découvert par la pensée rationnelle, loin des apparences
sensibles où l'art se complaît en cherchant à produire des imitations de la réalité sensible.
Thèse - Dévalorisation de l'art au nom de la vérité.
Cette dévalorisation a pour
fondement la dévalorisation du monde sensible an nom de cette même vérité.
Et
valorisation ontologique du Beau, Idée ou Essence.
La critique platonicienne vise surtout les arts suivants : la poésie, la sculpture, la
peinture.
Dans la « République » (II), Platon n'est pas loin d'exiler de la Cité idéale les poètes
s'ils ne se soumettent pas à la vérité.
Il conteste donc l'autonomie de l'art et la liberté
de l'artiste.
Dans le « Phèdre » (248 d-c) Platon établit une hiérarchie des existences
humaines en fonction de leur degré de perfection c'est à dire de connaissance.
Il
distingue neuf degrés qui vont de la vie philosophique (premier degré) à la vie tyrannique
(dernier degré).
L'artiste imitateur occupe la 6e place, l'artisan et le laboureur la 7c, le
sophiste la 8e.
Pourquoi ? Pourquoi un tel voisinage du sophiste et de l'artiste ? Une telle condamnation.
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