Une oeuvre d'art est-elle nécessairement inutile?
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«
PLAN
A.
L'oeuvre d'art est utile
- art et technique
- fonction pratique de l'art
- le beau est ce qui est utile
B.
L'oeuvre d'art est inutile
- l'art doit être désintéressé
- l'oeuvre d'art doit satisfaire le goût
C.
L'oeuvre d'art contribue au bonheur de l'homme par son caractère désintéressé
- désintéressement et bonheur
- le beau, le bien et l'utile
Problématique : Une oeuvre d'art, à savoir un ensemble organisé de signes et de matériaux mis en forme par un
esprit créateur, ensemble dont la beauté nous procure une satisfaction généralement désintéressée, constitue-telle un moyen pour atteindre une fin, une réalité dont l'emploi est avantageux ? Si l'art vise à l'utilité, s'il procure
l'utile, n'est-ce pas parce qu'il répond à une fonction précise ? L'oeuvre d'art ne se distingue-t-elle pas de la
technique ? Vise-t-elle donc essentiellement l'adapté et le fonctionnel ? Comment une satisfaction désintéressée
peut-elle être en liaison avec l'utile ? Le problème essentiel est le suivant : faut-il rapprocher l'oeuvre d'art et les
produits de la technique, dont l'essence est utilitaire, puisqu'elle désigne une application de connaissances à la
production de biens matériels ?
PISTES POUR LA DISSERTATION
• Utilité de l'oeuvre d'art: pourquoi 1 ' oeuvre d'art ne serait-elle pas d'abord utile ? Pourquoi ne viserait-elle pas
l'avantageux ? Le beau, après tout, n'est-ce pas ce qui est utile ? L'oeuvre d'art, pendant longtemps, se rapproche
de la technique.
N'oublions pas que, par exemple, les Grecs unifiaient souvent l'art, l'utile et l'agréable.
Qu'est-ce
qu'une oeuvre d'art ? Ce qui répond bien à sa fonction.
Par conséquent, la notion d'une oeuvre d'art conçue comme
apportant un plaisir désintéressé, l'idée d'une oeuvre d'art inutile représentent des thèmes spécifiquement modernes.
Originellement, le beau, c'est ce qui est utile, l'oeuvre d'art, c'est ce qui est avantageux, ce qui remplit bien sa
fonction.
L'oeuvre d'art répond à la satisfaction d'un besoin.
C'est un moyen pour atteindre une fin.
En somme, elle
correspond à un emploi efficace.
Une belle statue ? Elle est avantageuse pour nous, elle permet à nos sens de
s'épanouir.
Elle est bienfaisante.
Elle berce nos sens et nous permet d'atteindre un certain bien-être.
L'oeuvre d'art
est donc efficace.
Telle semble apparaître la conception antique de l'art.
Dès lors, l'art vise une pure satisfaction
pratique.
Il satisfait directement ou indirectement nos besoins.
Devant une oeuvre d'art, il faut donc se poser la
question : à quoi sert-elle ? Dans le dialogue de Platon, Hippias majeur, Socrate propose une définition de la beauté
(définition qu'il détruira ultérieurement), et où il rapproche beauté et utilité : « Examine bien et écoute-moi
attentivement [...].
Le beau donc, par rapport à nous, c'est ce qui nous est utile.
Voici sur quoi je fonde cette
définition.
Nous appelons beaux yeux, non ceux qui ne peuvent rien voir, mais ceux qui le peuvent, et qui sont utiles
pour cette fin [...].
Ne disons-nous pas de même du corps entier, qu'il est beau, soit pour la course, soit pour la
lutte ? Et pareillement de tous les animaux [...] de tous les ustensiles ; de tous les moyens de locomotion [...].
Nous donnons ordinairement à toutes les choses la qualité de belles, envisageant chacune d'elles sous le même
point de vue, c'est-à-dire par rapport aux propriétés qu'elle tient de la nature, ou de l'art, ou de sa position,
appelant beau ce qui est utile, en tant qu'il est utile, en tant qu'il sert à une certaine fin, et autant de temps qu'il
est utile.
» (Platon, Hippias majeur, 295 ce.)
Le laid, c'est donc ce qui est inutile et le beau ce qui remplit bien sa fonction.
Tel est le point de vue d'une partie
de l'Antiquité grecque.
Remarquons, par ailleurs, que l'esthétique contemporaine peut également aller dans ce sens.
La chaise ou le fauteuil modernes ne se donnent-ils pas comme des prolongements de la technique ? Ainsi, le design
tend vers le fonctionnel, l'utile, l'adapté.
Dès lors, l'esthétique industrielle, appliquée à la recherche de formes
nouvelles et adaptées à leur fonction, retrouve l'esprit de l'Antiquité grecque.
L'esthétique moderne et fonctionnelle
renoue avec l'idée que l'utile définit l'oeuvre d'art.
Toutefois, n'est-il pas difficile de rapprocher l'oeuvre d'art et les produits de la technique ou de l'artisanat, l'art et
ce qui est utile ? Devant un tableau, l'amateur d'art sait bien que la question « à quoi ça sert ? » est dépourvue de
sens.
La conception fonctionnelle de l'oeuvre d'art ne connaît-elle pas de limites ?
• Inutilité de l'oeuvre d'art : toute oeuvre d'art peut apparaître comme complètement inutile.
C'est, qu'en effet,
sous un certain angle, l'utile ne vaut guère, l'utile est toujours laid, comme le disait Théophile Gautier et aussi, dans
Intentions, Oscar Wilde.
Loin des trivialités de l'existence quotidienne, l'art engendre une activité tout aussi
précieuse que désintéressée.
L'oeuvre d'art, loin de toute tendance pratique ou utilitaire, m'arrache à mon propre
univers et me ravit.
Elle m'introduit dans un monde autre et m'entraîne à mille lieues des conditions concrètes de
l'existence.
Loin de procurer l'utile ou l'agréable, l'oeuvre d'art nous arrache à eux.
Comme le dit Platon, dans
l'Hippias majeur, qui osera affirmer qu'une belle marmite, une belle cuiller de bois pour tourner la soupe donnent à
voir le beau ? Bien au contraire, l'oeuvre d'art est a-fonctionnelle : elle ne sert à rien ; elle est étrangère à l'idée de
fonction ou d'utilité..
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