Une existence sans croyances est-elle possible ?
Extrait du document
«
Le terme « croyance », au sens faible et large, est l'équivalent d'opinion, et désigne un assentiment imparfait.
Au sens étroit du latin credere, croire, c'est faire crédit à un témoin, se fier sans vue directe, à celui qui sait :
la croyance est alors synonyme de foi.
Se demander si l'on peut vivre sans croyance revient à chercher à
savoir si la croyance, soit entendue comme opinion, soit comme foi, est une condition nécessaire de la vie
comprise comme vie humaine.
La question « peut-on vivre sans croyance ? » peut signifier « l'homme n'est-il
pas obligé de parfois se satisfaire d'une opinion parce qu'il n'est pas toujours possible d'être certain de certains
faits? » ou d'autre part « l'homme n'a-t-il pas besoin de se représenter une réalité qui le dépasse pour pouvoir
supporter la vie ? ».
Il va falloir comprendre en quoi ces deux sens de la question sont liés.
Le problème que
pose ce sujet est ainsi celui de savoir pourquoi l'homme, bien qu'étant capable de s'élever à la connaissance
certaine de certains faits, semble contraint de croire, c'est-à-dire soit de donner son assentiment à ce qui
n'est pas certain, soit de se représenter une réalité qui ne lui apparaît pas comme réelle.
En répondant à ce
problème, il faudra comprendre le rapport entre les deux sens du terme de « croyance ».
I-
Pourquoi l'homme ne peut-il pas connaître avec certitude ?
1-
Qu'est-ce que la croyance entendue comme synonyme d'opinion? Quel est le rapport
de la croyance à nos sens ?
Texte de Hume
Il semble évident que les hommes sont portés par un instinct ou par un préjugé naturel à accorder
foi à leurs sens ; et que, sans aucun raisonnement, ou même presque avant d'employer notre
raison, nous admettons toujours un univers extérieur qui ne dépend pas de notre perception, mais
qui existerait même si nous et toute créature sensible étions absents ou annihilés.
Les créatures
animales elles-mêmes sont gouvernées par une opinion semblable et conservent cette croyance aux
objets extérieurs dans toutes leurs pensées, dans tous leurs desseins et dans toutes leurs actions.
Il semble aussi évident que, lorsque les hommes suivent ce puissant et aveugle instinct naturel, ils
admettent toujours que les images mêmes, que présentent les sens, sont les objets extérieurs, et ils
n'entretiennent aucun soupçon que celles-là soient seulement des représentations de ceux-ci.
Cette table même, que nous voyons blanche et que nous sentons dure, nous croyons qu'elle existe
indépendamment de notre perception, nous croyons qu'elle est quelque chose d'extérieur à notre
esprit qui la perçoit.
Notre présence ne lui confère pas l'existence ; notre absence ne l'anéantit pas.
Elle conserve une existence invariable et entière, indépendante de la situation des êtres intelligents
qui la perçoivent ou la contemplent.
Mais cette opinion universelle et primitive de tous les hommes
est bientôt détruite par la plus légère philosophie, qui nous apprend que rien ne peut jamais être
présent à l'esprit qu'une image ou une perception et que les sens sont seulement des guichets à
travers lesquels ces images sont introduites, sans qu'ils soient capables de produire un rapport
immédiat entre l'esprit et l'objet.
La table que nous voyons semble diminuer quand nous nous en
éloignons ; mais la table réelle, qui existe indépendamment de nous, ne souffre pas de modification ;
ce n'était donc que son image qui était présente à l'esprit.
Tels sont les décrets évidents de la
raison ; aucun homme qui réfléchit n'a jamais douté de ce que les existences, que nous considérons
quand nous disons cette maison et cet arbre, ne sont rien que des perceptions dans l'esprit, des
copies flottantes et des représentations d'autres existences qui restent invariables et
indépendantes C'est à ce point, alors, que nous sommes forcés par le raisonnement de contredire
les premiers instincts naturels, à nous en séparer et à embrasser un nouveau système sur l'évidence
de nos sens.
2-
Qu'est-ce que la certitude ? Comment la distinguer de la croyance ? Si la
connaissance se réduisait à l'arithmétique et à la géométrie, l'homme pourrait vivre sans
croyance ?
Texte de Descartes
Par là on voit clairement pourquoi l'arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que
les autres sciences: c'est que seules elles traitent d'un objet assez pur et simple pour n'admettre
absolument rien que l'expérience ait rendu incertain, et qu'elles consistent tout entières en une
suite de conséquences déduites par raisonnement.
Elles sont donc les plus faciles et les plus claires
de toutes, et leur objet est tel que nous le désirons, puisque, sauf par inattention, il semble
impossible à l'homme d'y commettre des erreurs.
Et cependant il ne faut pas s'étonner si
spontanément beaucoup d'esprits s'appliquent plutôt à d'autres études ou à la philosophie : cela
vient, en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment la liberté d'affirmer des choses par
divination dans une question obscure que dans une question évidente, et qu'il est bien plus facile de
faire des conjectures sur une question quelconque que de parvenir à la vérité même sur une
question, si facile qu'elle soit.
De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu'il ne faut
apprendre que l'arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin
de la vérité ne doivent s'occuper d'aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à
celle des démonstrations de l'arithmétique et de la géométrie
Transition : L'homme peut connaître avec certitude dans certains domaines de connaissance (par exemple.
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