Une démonstration repose-t-elle sur une certitude ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
DÉMONSTRATION: Opération mentale, raisonnement qui consiste à établir la vérité d'une proposition en la rattachant à d'autres
propositions évidentes ou déjà admises comme vraies.
CERTAIN / CERTITUDE: 1.
— Un jugement est dit certain lorsqu'il est tenu pour vrai et qu'on ne peut songer à le nier.
2.
— En calcul des
probabilités, l'événement certain est celui dont le complémentaire a une probabilité nulle.
3.
— Certitude : état d'esprit de celui qui tient
un jugement pour certain ; par ext., désigne ce jugement (opinion, croyance).
4.
— Certitude morale : au XVIIe siècle, certitude suffisante
pour qu'on ne puisse douter de ce sur quoi elle porte sans qu'on exclue qu'absolument ce puisse être faux (cf.
DESCARTES) ; c'est une
certitude que n'accompagne pas l'évidence de raison.
« 2 + 2 = 4 » représente le modèle d'une vérité certaine.
On admet qu'il s'agit d'un résultat démontré.
Démonstration et certitude sontils des synonymes? D'où vient ce sentiment de la nécessité dans une démonstration ?
1.
L'art de raisonner
• Raisonner, c'est enchaîner plusieurs propositions en respectant certains principes logiques, dont le principe de non-contradiction.
L'intérêt
d'un raisonnement réside dans la possibilité d'établir la vérité d'une proposition d'une manière indirecte ou médiate, par le biais de son
rapport avec d'autres propositions plus simples, déjà connues ou déjà tenues pour vraies.
Plus généralement, une démonstration est une
suite de raisonnements par lesquels on prouve invinciblement quelque vérité.
• En effet, la conclusion d'un raisonnement se déduit logiquement des propositions de départ appelées prémisses.
Admettre les
prémisses, c'est admettre nécessairement la conclusion.
Si j'admets la vérité des prémisses et si je peux en déduire une proposition
nouvelle, cette proposition sera une vérité que je dois aussi admettre comme vraie.
«Une vraie démonstration demande deux choses :
l'une, que dans la matière il n'y ait rien que de certain et indubitable, l'autre, qu'il n'y ait rien de vicieux dans la forme d'argumenter »
(Arnaud et Nicole, La Logique ou l'Art de penser, 4e partie, chapitre VIII).
11.
Des notions communes aux axiomes
• Les mathématiques constituent ainsi un modèle : ses démonstrations - contrairement à des arguments toujours discutables - exigent
une adhésion intellectuelle inconditionnelle.
Nous trouvons pour la première fois chez les Grecs des démonstrations en mathématiques.
Dans les Éléments d'Euclide (IIIe siècle av.
J.-C.), la proposition 20 du livre IX, par exemple, établit définitivement l'existence d'une
infinité de nombres premiers, alors même qu'on ne les connaît pas tous.
• Alors que chez Euclide, les prémisses étaient reçues comme des vérités évidentes, les mathématiques modernes parlent
d'axiomatique, où les prémisses perdent leur évidence.
À partir de postulats qu'il tenait pour les seuls possibles, Euclide avait déduit
qu'une seule parallèle à une droite peut être menée par un point.
Or Lobachevski, puis Riemann, au XIXe siècle, montrèrent que l'on
pouvait construire des géométries non euclidiennes, en changeant les postulats de départ.
Les axiomes, au lieu d'être considérés comme
des « notions communes » ou vérités premières indémontrables, furent considérés comme des conventions, que l'on pouvait choisir
librement.
Est-ce dire que les démonstrations ne sont possibles qu'au sein d'un jeu de l'esprit, qui ne parle pas de la réalité mais de ses
propres constructions? Henri Poincaré montre qu'en plus des conventions, les mathématiques reposent sur l'intuition directe que l'esprit a
de sa propre puissance.
111.
Démonstration ou vérification
• Pour Poincaré, le raisonnement mathématique par excellence est le raisonnement par récurrence.
Il s'agit de montrer que «si le
théorème est vrai de n - 1, il l'est de n».
Il suffit alors d'établir la vérité du théorème pour n = 1, et sa vérité est établie pour l'infini.
Cette
démarche contient, dans une formule unique, une infinité de syllogismes hypothétiques : le théorème est vrai de 1; or s'il est vrai de 1, il
est vrai de 2; donc il est vrai de 2; etc.
D'où vient l'irrésistible nécessité de cette généralisation, appelée aussi induction mathématique?
Elle n'est que « l'affirmation de la puissance de l'esprit, qui se sent capable de concevoir la répétition indéfinie d'un même acte dès que
cet acte est une fois possible ».
• Poincaré oppose démonstration et vérification.
La première est basée sur l'induction mathématique : elle nous apprend quelque chose
de nouveau, car la conclusion est plus générale que les prémisses.
La seconde se réduit à la constatation d'une identité, en rapprochant
des définitions différentes d'un même objet.
Il critique la prétendue «démonstration » que Leibniz propose de « 2 + 2 = 4 » (Nouveaux
Essais sur l'entendement humain, IV, VII).
Pour Poincaré, tout énoncé particulier pourra toujours être ainsi vérifié, mais il ne s'agit pas de
démonstrations : pour que les mathématiques soient une science, il faut qu'elles portent sur le général et non sur le particulier (Sur la
nature du raisonnement mathématique, 1894).
CITATIONS:
« Par intuition j'entends, non pas le témoignage changeant des sens ou le jugement trompeur d'une imagination qui compose mal son
objet, mais la conception d'un esprit pur et attentif, conception si facile et si distincte qu'aucun doute ne reste sur ce que nous
comprenons.
» Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, 1701 (posth.)
Chez Descartes, l'intuition est l'acte par lequel notre esprit atteint directement la réalité, nous procurant par-là même une certitude
absolue.
« Si fort qu'un homme soit supposé adhérer à des idées fausses, jamais pourtant nous ne dirons qu'il tient une certitude.
» Spinoza,
Éthique, 1677 (posth.)
« J'entends concevoir la certitude comme quelque chose qui se situe au-delà de l'opposition justifié/non justifié; donc pour ainsi dire
comme quelque chose d'animal.
» Wittgenstein, De la certitude, 1969 (posth.).
»
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