Un savoir autre que les mathématiques peut-il satisfaire aux exigences de la démonstration ?
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«
Le terme « mathématique » désigne la science qui a pour objet les nombres et les figures de l'espace.
Les objets étudiés par cette science
ne sont pas donnés dans l'expérience sensible, il s'agit d'objets abstraits.
La démonstration est un type de raisonnement qui établit une vérité comme la conséquence nécessaire dérivant de principes posés au
départ.
La première exigence de la démonstration est donc une exigence dans la forme du raisonnement : il s'agit dans la démonstration
de raisonner du principe à la conclusion.
Mais cette exigence formelle est aussi une exigence d'obéissance à des principes logiques
chemin faisant : principe de non contradiction, principe de tiers exclu… Par ailleurs, nous noterons une caractéristique importante de cette
définition de la démonstration, qui touche au statut des principes à partir desquels on procède à la démonstration : la vérité des principes
n'est pas absolument requise.
A la rigueur, nous pouvons démontrer le faux, mais la démonstration elle-même obéit au vrai.
Pour le dire
autrement, la démonstration est le moyen épistémique de tirer des conséquences nécessaires d'un fait, elle est un procédé logique, mais
non le moyen de tirer des conclusions vraies.
Le sujet nous invite à nous demander si seules les mathématiques peuvent satisfaire aux exigences de la démonstration, c'est-à-dire, si
le savoir mathématique est le seul à obéir aux exigences formelles et aux principes logiques qui régissent la méthode démonstrative.
Nous nous demanderons donc si le savoir mathématique est le seul à satisfaire à ces exigences, et si la capacité de savoirs différents à
en faire autant ne tient pas à la prégnance des mathématiques.
I.
a.
Les mathématiques, paradigme des savoirs satisfaisant aux exigences de la démonstration
La méthode mathématique est fondée sur la démonstration rationnelle de propositions abstraites
En quel sens peut-on dire que les mathématiques satisfont aux exigences de la démonstration ? En ceci que la méthode même des
mathématiques est fondée sur la démonstration rationnelle de propositions abstraites.
Car la connaissance démonstrative des objets
mathématiques est une connaissance logiquement ordonnée, dont les théorèmes (c'est-à-dire, les propositions prouvées) sont démontrés
à partir de ces propositions primitives que sont les définitions et les axiomes.
C'est donc intrinsèquement, dans leur méthode même, que
les mathématiques satisfont aux exigences de la démonstration.
b.
Les mathématiques démontrent le nécessaire et le vrai
Mais les mathématiques satisfont aux exigences de la démonstration parce qu'elles permettent de répondre aux fins propres de la
démonstration, c'est-à-dire, à l'obtention de résultats non seulement nécessaires, mais vrais.
En effet, la démonstration n'établit pas
nécessairement le vrai, puisqu'elle peut reposer sur des axiomes faux, tout en établissant des conséquences rigoureusement nécessaires.
Mais les mathématiques, dans la mesure où elles manipulent des objets abstraits aux propriétés invariables, et sont susceptibles d'établir
des axiomes absolument et durablement vrais, sont capables d'établir le nécessaire et le vrai à la fois.
Elles répondent donc aux
exigences de la démonstration et aux exigences que nous avons à propos de la démonstration (à savoir, l'établissement du vrai et non
pas seulement du logiquement rigoureux).
II.
Les savoirs autres que les mathématiques satisfont-ils aux exigences de la démonstration pour autant qu'ils sont
pénétrés de mathématiques ?
a.
L'omniprésence des mathématiques dans les sciences
Si les mathématiques sont par excellence le savoir capable de satisfaire aux exigences de la démonstration, nous pouvons peut être
avancer que les autres sciences sont capables de la même chose à proportion de leur imprégnation par les mathématiques.
En effet, que
ce soit en physique, en biologie ou en économie, les mathématiques sont omniprésentes sous la forme d e statistiques, de calculs
rationnels, de courbes et de moyennes.
Les savoirs autres que mathématiques sont imprégnés de mathématiques, et semblent donc
capable de satisfaire aux exigences de la démonstration pour cette raison même.
b.
Les sciences autres que mathématiques démontrent le nécessaire qui n'est pas nécessairement le vrai
Cependant, une différence demeure : Les sciences autres que mathématiques démontrent le nécessaire qui n'est pas nécessairement le
vrai.
En effet, la vérité des axiomes en physique, par exemple, n'est pas absolument certaine.
Il se peut toujours que nous démontrions à
partir d'une connaissance approximative, biaisée ou tronqué du réel qui nous amène à démontrer le faux.
Néanmoins, même si la
physique démontre le faux, démontre des propositions qui seront réfutées à l'avenir, il ne reste pas moins qu'elle satisfait aux exigences
de la démonstration, puisque la démonstration est le cheminement logique de l'axiome à la proposition démontrée, et ne s'occupe pas de
la vérité des principes (comme le montre Aristote dans les Seconds analytiques).
III.
Les savoirs non pénétrés de mathématiques peuvent ils satisfaire aux exigences de la démonstration
a.
Y-a-t-il une démonstration dans les sciences humaines ?
Nous nous demanderons si des savoirs non pénétrés de mathématiques peuvent satisfaire aux exigences de la démonstration, en
prenant l'exemple du savoir littéraire que l'on a coutume d'opposer aux sciences.
Formellement, le discours littéraire peut se réduire à des
éléments comparables à l'abstraction mathématique : il procède à l'établissement d'observations (stylistiques, langagières, esthétiques)
formule des hypothèses (ce que l'on appelle en commentaire de texte la problématique, ou postulat, qui constitue le point de départ de
la réflexion que le commentaire va viser à prouver, par exemple : comment tel poème de Malherbe renouvelle la forme figée du sonnet ?
) et cherche à les établir par une argumentation serrée.
Cette argumentation est de type démonstratif, dans la mesure où elle cherche à
établir des conclusions sur la base d'observations préalablement faites.
b.
La démonstration : une structure logique présente dans les savoirs non mathématiques
En définitive, nous dirons que la démonstration est une structure logique de cheminement d'un axiome jusqu'à une conclusion, qui peut
se retrouver dans des sciences non mathématiques.
L'exemple que nous venons de prendre, les lettres, aurait pu être remplacé par
beaucoup d'autres, notamment par celui de la science historique, qui elle aussi chemine d'un postulat initial à une conclusion au moyen
d'une argumentation qui peut s'appeler aussi : démonstration.
Conclusion :
Les mathématiques sont intrinsèquement le savoir le mieux à même de satisfaire aux exigences de la démonstration.
Cependant,
d'autres savoirs le sont également, à mesure de leur imprégnation par les mathématiques.
Mais un savoir peut satisfaire à cette méthode
logique qu'est la démonstration sans être imprégné de mathématiques : preuve en est le savoir littéraire, ou, plus largement, celui des
sciences humaines..
»
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