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Un objet peut-il être à la fois utile et beau

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« Un objet peut-il être, à la fois, utile et beau ? LIRE LE SUJET Ce sujet posant évidemment le problème de la compatibilité de l'utilité avec la beauté, on prendra garde aux différentes «compatibilités» possibles.

En effet, si l'on répond qu'un objet peut être à la fois utile et beau, est-ce parce que la beauté est simplement compatible avec l'utilité (= un objet est beau et en plus il est utile) ? ou est-ce parce que la beauté s' identifie avec l' utilité (= un objet est beau parce qu' il est utile) ? Si, en revanche, on répond qu' un objet ne peut pas être à la fois utile et beau, cela implique que l'utilité et la beauté ne sont pas seulement deux qualités distinctes, mais deux qualités contradictoires.

Il convient donc d' examiner les rapports de la beauté et de l'utilité sous ces trots aspects possibles : distinction, identité, contradiction. Introduction • A première vue, les oeuvres d'art, un tableau, une sculpture, un morceau de musique, ne paraissent avoir aucune utilité : ce sont de beaux objets, qui ne nous servent à rien, sinon à nous procurer une émotion esthétique. • Toutefois, un grand nombre d'objets que nous ne considérons plus que comme des «oeuvres d'art» ont primitivement été des objets utiles, ont été conçus pour répondre à des fonctions pratiques : tel temple égyptien, telle peinture médiévale ou tel masque africain avaient chacun une fonction religieuse ; tous étaient d'abord utiles. De même, beaucoup d'objets utiles que nous fabriquons aujourd'hui, cette robe, cette voiture, ce pont, nous semblent également beaux. • La question se pose donc des rapports entre la beauté et l'utilité des objets : un objet peut-il réellement être à la fois utile et beau ? Y a-t-il distinction, complémentarité, identité ou contradiction entre l'utilité et la beauté ? 1.

Un objet serait-il beau parce qu'utile ? • L'idée qu'un objet puisse être dit beau parce qu'il est utile nous parait aujourd'hui assez étrange.

L'appréhension moderne de la beauté et de l'art dissocie en effet nettement la beauté de l'utilité.

Mais une telle conception n'est pas universelle et n'a pas toujours prévalu.

Dans l'Antiquité grecque, par exemple, la beauté d'un objet était souvent associée à son utilité, le beau étant saisi comme kromenon, c'est-à-dire comme «convenable», comme «correspondant à sa destination, et donc comme utile.

C'est une telle vue que l'on retrouve dans des ouvrages de Platon, tels que l'Hippias et le Gorgias, où Socrate explique que les belles choses sont dites belles en raison soit de leur utilité, soit du plaisir qu'elles procurent, soit des deux à la fois.

Écoutons Socrate : • «SOCRATE —Autre question : les choses qui sont belles, qu'il s'agisse de corps, de couleurs, de figures, de sons ou de manières de vivre, est-ce sans motif que tu les appelles belles ? Par exemple, pour commencer par les corps, ceux que tu appelles beaux, ne les désignes-tu pas en considération de leur utilité selon ce qui est propre à chacun, ou bien par rapport au plaisir, si leur vue peut réjouir les regards ? Hors de cela, peux-tu indiquer quelque autre motif qui te fasse dire qu'un corps est beau ? POLOS.

— Aucun. SOCRATE.

— Et de même les autres choses, les figures et les couleurs, n'est-ce pas pour un certain plaisir, ou pour une utilité, ou pour ces deux motifs à la fois, que tu les qualifies de belles ? POLOS.

— Oui. SOCRATE.

— De même encore pour les sons et tout ce qui concerne la musique ? POLOS.

— Oui [...] Voici enfin, Socrate, une bonne définition du beau, maintenant que tu le définis par le plaisir et l'utilité.» (Gorgias, 474 d - 475 a — trad.

A.

Croiset.) 2.

La beauté est en réalité inutile a) Émanciper la beauté de l'utilité • Quand Polos dit que le beau se définit par «le plaisir et l'utilité» il emploie pour désigner cette seconde caractéristique le mot grec agathon, qui signifie au sens large bon et bien.

Chez les Grecs de l'Antiquité, en effet, le «beau» (kalos) est fréquemment identifié avec le bien et a souvent un sens purement éthique (le bien et le beau seront même complètement identifiés par les Stoïciens).

Il désigne alors une haute qualité morale, comme lorsque nous parlons d'une belle action.

Il s'oppose à l'agréable (êdu), source de plaisir, et à l'utile, au profit personnel (ôphélimon, sumpheron): une «belle» action se fait en effet pour elle-même, en principe sans autre considération d'utilité que la satisfaction morale qu'on en retire. • Certes, contrairement aux actes et aux pensées, on ne saurait donner une valeur morale à un objet pris en luimême, sauf dans la mesure où il véhicule une signification qui, elle, peut être jugée d'un point de vue éthique. Néanmoins le caractère gratuit des belles actions, de la beauté éthique, va retentir et pour ainsi dire se déplacer sur les beaux objets, en éliminant graduellement l'utilité de la définition de la beauté matérielle.

Une telle conception culmine au XVIII° siècle avec les analyses de Kant qui distingue avec force et netteté le caractère désintéressé de la satisfaction esthétique. b) Beauté et désintéressement • Dans sa Critique du jugement, Kant observe que le jugement de goût, qui énonce si un objet est ou n'est pas beau, est un jugement «dont le principe déterminant ne peut être que subjectif» : c'est pourquoi le jugement de goût, ou jugement esthétique, n'est pas un jugement de connaissance.

Kant observe encore que l'élément subjectif qui détermine le jugement de goût, c'est une satisfaction.

Mais cette satisfaction est toujours désintéressée.

En effet, lorsqu'on me demande si je trouve tel objet beau, «ce que l'on veut savoir c'est seulement si la seule représentation de l'objet est accompagnée en moi de plaisir quelle que soit mon indifférence pour l'existence de l'objet de cette représentation» (Critique du jugement, § 2).

En d'autres termes, puis juger qu'une chose est belle sans désirer la posséder ni m'en servir, et même en condamnant son existence : je puis dire, par exemple, qu'un. »

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