« Un livre est une fenêtre par laquelle on s'évade », observe Julien Green dans son Journal. Vous essaierez d'expliquer cette réflexion tout en précisant si elle correspond à votre propre définition du livre. Votre développement sera illustré par des exe
Extrait du document
Green refuse le livre fonctionnel, utilitaire et il le précise bien dans sa « définition » : « une fenêtre par laquelle on s'évade ». Le lecteur ne doit donc pas retrouver la grise et morne réalité quotidienne, mais au contraire il doit oublier les soucis et les méfaits d'un monde de plus en plus agressif ; la technique enlevant progressivement toute personnalité à 1'« homme moderne », le transformant en robot, il lui est nécessaire de s'évader de cet univers.
En quelque sorte, la lecture est encore une des rares issues vers le calme et la joie, qui perce le mur que notre société a édifié avec son but unique : le profit. On pourrait presque dire « mur de la honte », parce que basé sur des intérêts, il nous sépare de toute qualité, en nous plongeant dans les vices et la corruption.
«
« Un livre est une fenêtre par laquelle on s'évade », observe Julien Green dans son Journal.
Vous
essaierez d'expliquer cette réflexion tout en précisant si elle correspond à votre propre définition du livre.
Votre développement sera illustré par des exemples empruntés à vos lectures.
Green refuse le livre fonctionnel, utilitaire et il le précise bien dans sa « définition » : « une fenêtre par laquelle on
s'évade ».
Le lecteur ne doit donc pas retrouver la grise et morne réalité quotidienne, mais au contraire il doit
oublier les soucis et les méfaits d'un monde de plus en plus agressif ; la technique enlevant progressivement toute
personnalité à 1'« homme moderne », le transformant en robot, il lui est nécessaire de s'évader de cet univers.
En quelque sorte, la lecture est encore une des rares issues vers le calme et la joie, qui perce le mur que notre
société a édifié avec son but unique : le profit.
On pourrait presque dire « mur de la honte », parce que basé sur
des intérêts, il nous sépare de toute qualité, en nous plongeant dans les vices et la corruption.
Green est résolument pessimiste dans sa « vision des choses » en attribuant au livre un rôle d'«oublieur», et je
pense qu'il peut avoir d'autres buts.
Il faut d'abord saisir clairement le sens d'« évasion », qui est double.
En effet, l'évasion peut se trouver également
dans la réflexion, la recherche, et elle n'évoque pas forcément cette absence d'« intellectualisation », de raison.
Cette distinction est importante puisqu'on s'aperçoit de la complexité de la lecture et de la définition de l'auteur.
La
lecture doit donc être clairement définie pour pouvoir juger des opinions de Green.
Je distingue en premier lieu la lecture « évasion » au sens propre, qui fait appel uniquement aux sentiments du
lecteur en laissant de côté sa raison et son intelligence.
Ce genre est peut-être nécessaire à beaucoup de
personnes, mais je le trouve assez limité dans ses possibilités.
On peut faire un rapprochement entre cette
littérature du sentiment et le mélodrame ; en effet, ce genre dont les Romantiques usèrent et abusèrent parfois,
offre de nombreuses similitudes avec ce type de lecture : il propose une intrigue lourde, invraisemblable, avec de
grands et bruyants dénouements, qui provoquent l'émotion du spectateur sans en solliciter l'esprit (à l'opposé des
classiques qui considéraient uniquement le théâtre comme lieu de réflexion, d'analyse des passions ou des
caractères).
Comparons maintenant l'origine sociale des lecteurs et des spectateurs : on constate que ce sont des ouvriers, des
gens du
peuple qui venaient voir ces mélodrames, parce qu'ils leur faisaient oublier leurs misères dans l'émotion.
Les lecteurs
de cette littérature d'évasion sont des hommes dégoûtés de leur vie dans la société, et qui oublient de la même
façon leurs soucis, pour les retrouver après.
Je ne pense pas que Green ait voulu
parler uniquement de cette littérature, car elle bannit tout effort personnel, et, ainsi que le mélodrame, elle est
condamnée, comme un « feu de paille », à une disparition aussi rapide que son succès.
L'auteur pourrait être comparé à Rousseau (avec certaines réserves).
Jean-Jacques rejetait tous les livres, sauf un
seul, Robinson Crusoé, qu'il conseille même pour l'éducation dans l'Emile.
Ces deux écrivains se rapprochent par leur
haine de la société et de ses vices ; chez Rousseau elle est plus « maladive » car il rejette même le théâtre, mais
surtout les salons et leur libertinage, réaction des « philosophes » du xviiie siècle contre l'austérité janséniste du
siècle précédent.
Green est moins catégorique, mais il n'en partage pas moins le « fond » de l'idée de Rousseau.
Je me garderai d'embrasser entièrement ce point de vue, étant (je le pense) moins pessimiste que ces deux auteurs.
En effet, le deuxième type de littérature, après ce genre médiocre, offre de nombreuses possibilités
d'épanouissement, et même d'évasion, sans bannir totalement la société et l'effort intellectuel.
Définissons-le
brièvement, afin d'en montrer tous les intérêts.
C'est le livre qui permet une distraction, tout en alliant la recherche
personnelle et l'enrichissement.
Ainsi les essais de Valéry ou de Bergson sont de bons moyens d'évasion grâce à la
réflexion et l'effort intellectuel ; et plus généralement, tous les livres de sciences humaines nous permettent cette
distraction et une meilleure connaissance de nous-même.
Green sous-entend certainement, avec l'évasion « sentimentale », l'évasion par ce genre de livres, par l'«
intelligence ».
Il est intéressant de comparer la fonction actuelle du livre à celle que lui assigne l'auteur ; examinons donc le rôle du
livre dans notre société et les tendances de son évolution.
On remarquera la disqualification de la lecture au profit
des mass média : c'est une des tendances les plus caractéristiques de notre époque.
Le développement du cinéma
et surtout de la télévision et de la radio, s'il ne gêne que relativement peu les journaux, cause un grand dommage
aux livres.
Nous sommes bien placés pour le savoir, car la France est, dit-on, le pays où on lit le moins !
Tout cela résulte d'un fait : progression des bandes dessinées, bannissant l'effort de la lecture, énorme succès de la
pornographie et de l'érotisme dans la littérature : l'homme actuel oublie de plus en plus son esprit, au profit de
sentiments ou d'instincts, que des éditeurs ou des producteurs peu scrupuleux exploitent systématiquement.
Leur
réussite en dit long sur l'importance de ce mal parmi toutes les couches de la société !
Certes ne soyons pas puritains ! La raison froide, le cartésianisme pur ne seront jamais d'agréables distractions ; les
Romantiques et leurs précurseurs l'ont bien senti, et c'est pourquoi ils préconisaient la sensibilité, « le coeur avant
l'esprit», disait Rousseau.
Green peut encore une fois être rapproché de Rousseau (mais il faut être prudent dans la
comparaison !) : il préconise l'évasion par la sensibilité, mais je suis certain qu'il refuserait totalement la littérature
actuelle, dans sa forme exposée ci-dessus, car elle n'est que le reflet d'une société, et elle prétend apporter
l'évasion ! Rien de plus sournois et de plus faux ! Toutes les qualités sont refusées, seuls les vices de notre monde.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- « C'est la raison qui engendre l'amour-propre, et c'est la réflexion qui le fortifie ; c'est elle qui replie l'homme sur lui-même ; c'est elle qui le sépare de tout ce qui le gêne et l'afflige [...]. » Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements d
- Examinez cette définition de SCHOPENHAUER: « Par métaphysique j'entends tout ce qui a la prétention d'être une connaissance dépassant l'expérience, c'est-à-dire les phénomènes donnés, et qui tend à expliquer par quoi la nature est conditionnée dans un se
- « L'humanisme... tend à comprendre et à absorber toutes formes rie vie, à s'expliquer sinon à s'assimiler toutes croyances, même celles qui le repoussent, même celles qui le nient. » D'après ces suggestions d'André Gide (Journal, 14 juin 1926. Pléiade, p
- François Mauriac nous livre cette réflexion, à propos du roman : « Nous devons donner raison à ceux qui prétendent que le roman est le premier des arts. Il l'est, en effet, par son objet qui est l'homme. Mais nous ne pouvons donner tort à ceux qui en par
- Comment les notions mathématiques, dépendant de l'esprit, peuvent-elles expliquer un réel qui n'en dépend pas ? (Pistes de réflexion seulement)