Un individu est-il un monstre en dehors de la société ?
Extrait du document
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En mettant d'emblée l'accent sur l'individu (et non l'homme) et son rapport à la société, le sujet nous invite à
une réflexion sur l'humanité de l'homme.
En d'autres termes, la société fournit-elle la possibilité pour l'individu
d'advenir à son humanité ? La notion de monstre nous permet en effet de questionner à différent niveau cet accès à
l'humanité, puisque le monstrueux est à la fois le barbare, au sens de l'inhumain, et le hors-norme (l'anomalie ou
l'anormal) au sens de ce qui déroge à l'humanité bien comprise.
Ainsi, la réflexion se doit de porter à la fois sur
l'homme en son état asocial (ce que nous ferons avec Hobbes et sa théorie de l'état de nature) et sur la société, en
ce qu'elle pousse l'individu à s'humaniser.
Il s'agira alors de déterminer en quoi cette humanisation est rendue
possible par la société.
I – Hobbes : l'état de nature et l'état civil
La théorie politique de Hobbes, telle qu'elle s'exprime dans le
Léviathan, suggère que l'homme existe naturellement hors des cités, c'est-àdire dans un état de nature, avant de former ce que l'on appelle une société,
c'est-à-dire un regroupement humain hiérarchisé selon des valeurs communes.
Plus précisément, l'état de nature est un état de guerre de tous
contre tous.
Les hommes, seuls et attachés à leur biens, ne s'en remettent
qu'à la force pour assurer leur subsistance.
Or, c'est précisément de ces
conditions extrêmes que va surgir le besoin de s'associer et de former, par
contrat, un État : c'est le contrat social.
Chacun délègue alors ses
prérogatives au souverain, seul capable d'administrer les différents par l'usage
du droit – et non plus de la force – et d'organiser la société.
Ainsi, la société permet d'emblée l'avènement du droit vis-à-vis de la
force, de la paix par rapport à la guerre et pacifie les rapports humains.
Autrement dit, l'homme est un monstre avant son entrée dans la société,
puisque celle-ci impose des bornes à l'exercice de la violence et de la
barbarie.
L'état civil est l'entrée dans la culture, laissant derrière lui l'état de
nature et les monstruosités qui lui était associées.
En dehors de l'Etat, les hommes jouissent d'une liberté absolue.
Mais chacun disposant de la même liberté absolue,
tous sont exposés à subir des autres ce qui leur plaît.
La constitution d'une société civile et d'un État oblige à une
nécessaire limitation de la liberté : il n'en reste que ce qu'il faut pour vivre bien et vivre en paix.
Chacun perd de sa
liberté cette part qui pouvait le rendre redoutable pour autrui.
Dans l'état de nature, chacun jouissait d'un droit
illimité sur toutes choses, mais tous disposant du même droit, nul n'était assuré de ne rien posséder durablement.
L'État garantira la sécurité d'un droit de propriété limité.
Enfin, dans l'état de nature, chacun était exposé à la
menace d'autrui : il pouvait être à tout instant dépouillé de ses biens et tué.
Dans une société civile, seul le pouvoir
de l'État s'arroge ce droit.
Un Etat capable de protéger tous les citoyens de la violence des uns et des autres, de
garantir la sécurité de leurs corps et de leurs biens, de leur assurer la jouissance des fruits de leur travail, de faire
régner la paix, la civilité, le savoir et la sociabilité ne peut être que despotique.
Pour sortir les hommes de l'empire
des passions, de la guerre, de la crainte, de la pauvreté, de la solitude, de l'ignorance et de la férocité, l'État est
une puissance absolue, instituée en vue de la paix et de la sécurité.
"Quiconque a droit à la fin, a droit aux moyens."
Chaque homme ou assemblée investis de la souveraineté sont juges absolus de tous les moyens nécessaires pour
protéger ou garantir cette fin.
"Une doctrine incompatible avec la paix ne peut pas davantage être vraie, que la paix
et la concorde ne peuvent être contraires à la loi de nature." La seule manière d'ériger un État est que tous confient
leur pouvoir et leur force à un seul souverain (homme ou assemblée).
Toutes les volontés doivent être réduites à
une seule volonté.
L'État n'est pas un consensus ou une concorde, mais une unité réelle de tous en une seule et
même personne.
II – Aristote : l'homme est un animal politique
L'idée d'un état de nature renvoie l'homme à sa monstruosité au sens précis de la barbarie de ses actes et de
sa conduite.
Or, il est possible de comprendre la monstruosité en un autre sens.
Faisons appel pour cela à Aristote.
Dans Les politiques, celui-ci nous dit que « l'homme est naturellement un animal politique ».
Cela sous-entend
que l'homme, naturellement disposé, vit toujours déjà dans une cité (polis), au sein des autres hommes.
Ainsi, celui
qui vit reclus, loin des hommes, est-il un monstre puisqu'il n'est pas dans la norme humaine courante.
En effet, le
monstre reste par définition le type de l'anomalie, ou de l'anormal, au sens de ce qui s'écarte de la règle
communément admise.
Aristote le précise, il n'y a que l'être dégradé ou l'être surhumain qui puissent vivre seuls dans la nature.
L'un
subsiste sans loi ni foyer et n'est pas homme, l'autre se trouve au-delà de la condition humaine et de ses aspirations
propres : il est plus qu'un homme, un Dieu.
Les deux types de monstres évoqués sont donc en deçà ou au-delà de la
norme humaine..
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