Un homme qui vit sans folie n'est pas aussi sage qu'il croit ?
Extrait du document
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Analyse du sujet :
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il y a trois éléments importants : « vivre sans folie », sage, et croire.
Le sujet paraît s'opposer à la thèse
selon laquelle la sagesse serait de vivre selon la raison, si on admet que la raison est le contraire de la folie.
La question que pose le sujet est donc celle du rapport entre raison et sagesse.
Mais ce n'est pas tout :
vivre sans folie n'est peut être pas la même chose que vivre selon la raison.
En outre, le sujet dit « pas aussi
sage ».
On s'engage donc sur l'idée que quelque folie est nécessaire pour parachever une vie sage, mais pas
que la sagesse exclut la raison.
La question est alors celle du rapport entre raison et folie.
Enfin, si la folie
est requise pour une certaine sagesse, c'est, selon l'énoncé du sujet, soit parce que cette folie viendrait
augmenter la sagesse, en sorte qu'un homme qui admettrait cette folie serait aussi sage qu'il le croit, ou soit
parce que c'est la croyance qui est éliminée, en sorte qu'un tel homme ne se croit pas plus sage qu'il ne l'est
en réalité.
La dernière question à poser est donc celle des rapports entre folie et croyance, folie et sagesse.
La sagesse et la raison : la notion de sagesse renvoie à la notion de sophia ou sapientia, un savoir pratique
qui inclut une connaissance théorique.
La question de la sagesse est celle de l'articulation de ces deux
savoirs, de la raison pratique et de la raison théorique.
L'idée qu'on peut alors défendre, c'est que vivre sans
folie n'est peut être pas vivre selon la raison, et plus précisément, croire qu'on vit selon la raison, c'est ne
pas être raisonnable.
Il faudrait admettre l'idée que l'homme n'étant jamais tout à fait raisonnable ou tout à
fait sage, sa sagesse commence dès lors qu'il se rend compte que la sagesse n'est qu'un idéal.
Vivre sans folie : au sens courant, la folie est non pas l'absence de raison mais la déraison, c'est-à-dire
une raison qui déraille.
Il y a alors un sens négatif de la folie : une maladie.
Mais il y a aussi un sens positif :
la folie comme le dépassement de la raison, comme inspiration, vision etc.
En outre, la folie renvoie au
dépassement du raisonnable, entendu au sens négatif du simple calcul d'intérêt.
Dépasser la raison, si on
entend cette dernière au sens du calcul d'intérêt, c'est entrer dans la folie morale = le don de soi, l'amour, la
générosité...
Problématique
La sagesse doit admettre, à quelque degré que ce soit, une forme de la raison.
La raison est en effet
l'instrument du savoir, lequel est bien nécessaire à la sagesse (qui est savoir théorique et pratique).
Néanmoins, la
raison paraît ne pas suffire, et l'histoire connaît de multiples exemples de raisons à l'oeuvre dans des crimes contre
l'humanité ou des guerres planifiées.
Cette raison instrumentale, qui ignore les fins, paraît plus terrifiante encore dès
lors qu'elle se croit sage.
On peut alors reconnaître l'existence d'une raison folle, d'autant plus folle qu'elle se croit
sage.
Mais si ce peut être folie pour la raison de se croire sage, alors peut être est-ce sagesse qu'elle se croit folle.
En effet, se méfier de sa folie, si ce n'est pas encore être raisonnable, c'est peut être déjà être sage : savoir qu'on
est fou.
Le problème est donc le suivant : quelque raison est nécessaire à la sagesse, mais la raison seule n'y paraît
pas suffire.
Il faut donc admettre une certaine folie, comme irréductibilité à la raison, mais non comme déraison.
Proposition de plan
1.
La sagesse ne peut admettre aucune folie, car elle consiste en une vie selon la raison.
On relève dans cette partie le côté manifestement hasardeux de la thèse posée par le sujet.
En effet, la sagesse
consiste en un savoir, lequel implique la raison tant théorique que pratique.
La sagesse peut en effet être présentée
comme le but de l'activité philosophique, laquelle pose une liaison indefectible entre le vrai et le bien.
La vie bonne
doit reposer sur une action droite, la droiture de l'action devant être évaluée par la raison.
On peut ici penser à la
sagesse stoïcienne : l'homme a en son pouvoir ses représentations, c'est donc bien sur elles qu'il peut faire porter
son effort de sagesse : retenir son assentiment dès lors que la représentation est douteuse, assentir si elle est vrai
et la refuser si elle est fausse.
A partir de cette sagesse des représentations, il convient alors de développer une
sagesse de l'action.Vivre comme un sage, c'est en effet posséder la vertu, laquelle consiste à vivre selon la raison.
Sénèque le remarque dans la Lettre.
95, 7 : la vertu est tout autant science qu'art de la vie.
Apprendre cette
science, la vertu, c'est apprendre à la pratiquer.
D'où l'importance des exercices spirituels et corporels pour
souligner l'articulation théorie et pratique.
Le savoir est un état de l'âme, l'âme est un corps (une certaine “tension”
du souffle, une certaine force de caractère).
Celui qui sait est sage car il a la bonne tension de son âme.
Admettre
donc qu'il faut de la folie pour être sage n'est donc pas en accord avec l'idée d'une vie vertueuse.
–
En outre, Aristote remarque dans l'Ethique à Nicomaque que le propre de l'homme est de posséder la raison, et
que le bonheur consiste à pratiquer et exercer ce que nous possédons en propre, ce qui constitue notre
perfetion (le bonheur et la perfection, ou vertu, du musicien, consiste à jouer de son intrument).
Si c'est donc la
raison qui est l'élément de la vertu et de la sagesse, la folie apparaît alors comme faiblesse.
–
Transition : mais ici, on ne considère la folie que négativement comme déraison, raison défaillante.
En outre, la
raison seule peut également conduire à à des fins mauvaises.
2.
Une sagesse qui se limite à la rationalité est dépourvue de contenu, et peut donc être vicieuse.
–
Dans cette partie, on peut défendre l'idée que la raison ne donne pas de fins à l'action.
La raison est un calcul
de moyens une fois que la fin est donnée, mais la fin elle, doit être choisie avec le coeur.
Comme le remarque
Rousseau dans la Profession de foi du Vicaird Savoyard, les principes de morale nous sont donnés par notre
conscience ou notre coeurs, dans des sentiments partagés par tout homme.
Si les principes de morale
proviennent de notre sensibilité, alors la non sagesse, c'est la raison, ce “monstre froid” qui peut déshumaniser.
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