Un homme peut-il renoncer à sa liberté ?
Extrait du document
«
Introduction.
À première vue, la liberté est une valeur pour laquelle les hommes n'ont cessé de se battre, au cours de l'histoire.
Toutefois, Kant faisait déjà remarquer que beaucoup d'hommes qui pourraient être indépendants ne le sont pas
parce qu'ils ne le veulent pas : un livre leur tient lieu d'intelligence, un médecin décide de leur régime, etc.
("Qu'estce que les Lumières ?").
C'est pourquoi l'on peut se demander si l'homme, capable de lutter pour sa liberté, ne serait
pas aussi capable d'y renoncer, et d'y renoncer librement.
Liberté ou sécurité ?
Une liberté épouvantable
Pour que les hommes puissent vouloir vraiment se dépouiller de leur liberté, il faudrait qu'elle entraîne des
inconvénients majeurs.
C'est, en somme, la thèse de Thomas Hobbes.
Pour lui, avant l'instauration de l'État, rien ne
peut limiter le droit absolu qu'a chacun sur toutes choses, sinon sa puissance propre.
Mais, comme tous les hommes
ont à peu près les mêmes capacités, qu'elles soient physiques ou autres (ruses, alliances), et qu'ils désirent
augmenter toujours leur puissance, la liberté indéfinie des hommes à l'état de nature engendre un état de guerre
incessant de tous contre tous.
« L'homme est un loup pour l'homme.
» La liberté naturelle est un cauchemar.
Hobbes passe à juste titre pour l'inventeur du libéralisme politique et de l'idée
moderne de démocratie.
Il conçoit en effet la loi comme une règle extérieure
aux actions individuelles, dont elle garantit simplement la sécurité, et fonde le
pouvoir politique sur le droit de l'individu.
1.
L'état de nature
A.
La guerre de tous contre tous
Hobbes veut être le Galilée de la science politique, par l'application des
principes de la physique à la société.
Il ne considère que les forces en
présence, portées par les individus.
L'état de nature – fiction théorique et non
description historique – représente l'état des forces individuelles en l'absence
de tout pouvoir politique.
Dans cet état, chaque individu poursuit sa conservation, poussé par trois
passions fondamentales : la peur de la mort violente, la soif de pouvoir et la
défiance à l'égard d'autrui (possible agresseur).
Pour assurer sa sécurité,
chacun dispose d'un droit illimité sur toutes choses et tout homme.
C'est le
droit de nature.
Tout est permis, jusqu'au meurtre.
L'état de nature, c'est la guerre.
Mais tous
y sont égaux, car la force est instable : celui qui domine aujourd'hui peut être surpassé demain par une alliance ou
par une ruse.
Rien n'est sûr, la crainte est générale.
B.
Naissance de la raison et sortie de l'état de nature
Mais l'homme, s'il est « un loup pour l'homme » (Léviathan), est un loup intelligent.
L'angoisse de la mort pousse les
hommes à anticiper, à tout faire pour réduire le danger.
Elle est donc la racine de la raison : faculté de calculer,
d'imaginer des moyens, de peser les risques, en vue d'une décision.
Cette rationalité pragmatique conduit l'homme à quitter l'insupportable état de guerre.
D'évidence, la cause en est
le droit illimité de chacun.
Il faut donc y renoncer.
Mais cela n'est efficace que si tout le monde le fait.
Chacun
s'engage donc par contrat avec chacun à renoncer à son droit naturel.
Pour garantir ce contrat (par la menace de
la force), on désigne un tiers, le souverain, à qui l'exercice du droit est confié.
Ainsi le pouvoir politique, qui garantit la paix civile par la loi et le glaive, naît-il d'un acte volontaire, d'un contrat
dicté par la raison.
Il n'est que la condition de coexistence des forces individuelles.
C'est un produit de l'art humain –
non pas une institution naturelle ou divine.
L'homme n'est pas sociable, c'est l'intérêt qui le pousse à s'associer.
2.
Le Léviathan
A.
Absolutisme...
Le contrat fait accéder la multitude inorganisée à l'état de république ; c'est l'unité de tous en une seule personne
artificielle qui les représente" : le « Léviathan » (cf.
la Bible, Job, 41).
Chacun doit se reconnaître auteur de tout ce
que celui-ci fait, concernant la paix et la sécurité commune.
Le droit du souverain est illimité, incontestable.
La sécurité étant le bien suprême, l'État, qui n'existe que pour
l'assurer, a un droit absolu.
L'absolutisme apparaît ainsi comme la conséquence de l'individualisme.
Obéissance est due au Léviathan, qui n'est lié par aucun contrat, mais a été créé pour les garantir tous entre les
individus.
Toute opposition à sa volonté menace l'ordre civil.
Limiter son pouvoir, c'est risquer sa déstabilisation et la.
»
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