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Un historien de la littérature française écrit : « La Bruyère, dans ses Caractères, imite bien les grands moralistes classiques, mais il innove par les raffinements et les nouveautés de son style, par le souci du détail concret, par les portraits et la p

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« La Bruyère, remarque Taine, n'apporte aucune vue d'ensemble, ni en morale, ni en psychologie. » Si on le compare aux grands moralistes qui l'ont précédé, on voit que Montaigne, La Rochefoucauld, Pascal ont eu une manière originale de juger la vie; chacun d'eux voit les actions humaines dans une face qu'on n'avait pas encore aperçue. De plus, La Bruyère ne découvre que des vérités de détail. Il tente mille sentiers, il ne fraye pas de route... » Jugement auquel La Bruyère lui-même eût souscrit : « tout est dit et l'on vient trop tard, écrit-il au début de son livre ; sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes ». Mais, après tout, cette modestie est peut-être une habileté : pour donner beaucoup, il ne promet que peu. L'apport de La Bruyère est très riche, en tant qu'observateur de l'homme et de la société, même s'il est vrai que cette observation ne vaut que par le détail. Au point de vue de la forme il est très original, il a vraiment créé un style.

  • Début. — La Bruyère n'apporte pas de vues nouvelles, mais son observation de détail est précieuse. Elle complète admirablement la peinture de l'homme que nous trouvons chez ses grands devanciers : Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld. Son style est très neuf.
  • 1. Son idée de l'homme est celle de la philosophie traditionnelle à son époque. Il dénonce les mêmes vices et les mêmes travers que ses prédécesseurs, mais s'attache au détail.
  • 2. Son innovation consiste dans les portraits. Ceux-ci sont très vivants : ils s'adressent à notre imagination. La Bruyère peint l'homme physique et suggère ainsi le moral.
  • 3. Il s'intéresse à tous les aspects de la vie sociale, la cour, la ville et même la province, le peuple.
  • 4. Son style est très neuf : richesse de son vocabulaire, variété des formes de style, des tours de phrases.
  • Conclusion. — La Bruyère crée un genre nouveau, souvent imité depuis.

 

« L'originalité de La Bruyère. Un historien de la littérature française écrit : « La Bruyère, dans ses Caractères, imite bien les grands moralistes classiques, mais il innove par les raffinements et les nouveautés de son style, par le souci du détail concret, par les portraits et la peinture des mœurs contemporaines.

» Illustrez et commentez, en donnant des exemples. PLAN Début.

— La Bruyère n'apporte pas de vues nouvelles, mais son observation de détail est précieuse.

Elle complète admirablement la peinture de l'homme que nous trouvons chez ses grands devanciers : Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld.

Son style est très neuf. 1.

Son idée de l'homme est celle de la philosophie traditionnelle à son époque.

Il dénonce les mêmes vices et les mêmes travers que ses prédécesseurs, mais s'attache au détail. 2.

Son innovation consiste dans les portraits.

Ceux-ci sont très vivants : ils s'adressent à notre imagination.

La Bruyère peint l'homme physique et suggère ainsi le moral. 3.

Il s'intéresse à tous les aspects de la vie sociale, la cour, la ville et même la province, le peuple. 4.

Son style est très neuf : richesse de son vocabulaire, variété des formes de style, des tours de phrases. Conclusion.

— La Bruyère crée un genre nouveau, souvent imité depuis. DÉVELOPPEMENT « La Bruyère, remarque Taine, n'apporte aucune vue d'ensemble, ni en morale, ni en psychologie.

» Si on le compare aux grands moralistes qui l'ont précédé, on voit que Montaigne, La Rochefoucauld, Pascal ont eu une manière originale de juger la vie; chacun d'eux voit les actions humaines dans une face qu'on n'avait pas encore aperçue.

De plus, La Bruyère ne découvre que des vérités de détail.

Il tente mille sentiers, il ne fraye pas de route...

» Jugement auquel La Bruyère lui-même eût souscrit : « tout est dit et l'on vient trop tard, écrit-il au début de son livre ; sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes ».

Mais, après tout, cette modestie est peut-être une habileté : pour donner beaucoup, il ne promet que peu.

L'apport de La Bruyère est très riche, en tant qu'observateur de l'homme et de la société, même s'il est vrai que cette observation ne vaut que par le détail.

Au point de vue de la forme il est très original, il a vraiment créé un style. Son idée de l'homme est celle de la philosophie traditionnelle à son époque : un peu sévère et désabusée.

Que de réflexions, de portraits nous montrent, comme chez Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld, la frivolité, l'inconstance humaine, les raffinements de l'amour-propre, la mobilité des passions, le jeu de l'intérêt, la laideur de l'égoïsme...

En chrétien, comme Pascal, il déplore la légèreté d'esprit qui éloigne les hommes du seul nécessaire ou leur fait tourner la religion même en vanité et en sottise.

Mais sur tous ces sujets, s'il n'innove pas, quant aux vues profondes, il pénètre fort avant, en curieux psychologue, dans les recoins du cœur humain.

On a pu le comparer aux plus subtils de nos auteurs modernes, pour ces incursions dans ce domaine obscur, « nocturne », de l'âme qu'on appelle l'inconscient.

Cet art de dépister le jeu secret de nos vices, n'est-il pas aussi un art original ? Un Marcel Proust n'éclaire-t-il pas autant, et même plus, que certains philosophes, des régions inexplorées dans l'homme ? (Voir chez La Bruyère : L'homme, Des femmes, Du cœur, Des jugements.) Le détail peut être révélateur et frayer la voie à des découvertes.

Cependant, le plus souvent, le détail, chez La Bruyère, c'est sa façon de voir et sa façon de peindre; il illustre ainsi à sa manière l'œuvre de ses grands devanciers et combien il manquerait à notre littérature du xvne siècle, si nous ne possédions pas, après ces auteurs qui ont jeté de haut leurs regards sur notre nature, cet observateur appliqué, minutieux, approchant sa loupe de cet insecte curieux qu'est l'homme ! La Bruyère, amateur de « petits faits vrais », comme Stendhal et nos romanciers modernes, avait bien tort de croire que « tout est dit » et l'on ne vient jamais trop tard quand on a de bons yeux, une fine sensibilité et des goûts d'artiste, ce qui était son cas. L'innovation principale de La Bruyère est de faire de ses Caractères des portraits, au sens exact de ce mot en peinture.

Il fait voir le dedans en peignant le dehors : Giton le riche, a le teint frais, l'estomac haut, l'œil fixe et assuré; il s'enfonce dans son fauteuil, les jambes croisées,-le chapeau abaissé sur le front...

Un peintre flamand comme Jordaens ou Franz Hais le représenterait ainsi...

Phédon est bilieux, malingre; ses gestes, sa démarche expriment la gêne humiliée, ses propos sentent l'aigreur de son âme.

Voyez-vous Irène, la femme encore belle, mais alourdie par l'âge, qui espère retrouver sa jeunesse en Epidaure ? Regardez le fleuriste planté au milieu de ses tulipes, Diphile parmi ses oiseaux, l'amateur de prunes vous faisant les honneurs de ses fruits.

Vous les avez devant vous, avec leur taille, leur allure, leur ton de voix et jusqu'aux moindres tics de leur personne. En même temps, la société de l'époque nous est peinte en une série de types représentatifs.

Quelles silhouettes de gens de cour (les Pamphile, les Théodecte, les Iphis, les Théognis) ; de financiers (les Chrysippe, les Crésus, les Clitiphon) ! Ce sont les détails bien choisis qui les évoquent : Iphis, le coquet, parle gris, il a la main trop fine et il met du rouge; Pamphile emploie en parlant le pluriel de dignité; Théodecte s'entend de l'antichambre, le crescendo de sa voix annonce le personnage; ce riche avale en une seule bouchée la nourriture de cent familles...

Avec La Bruyère nous entrons dans les salons et nous essuyons les propos des mauvais plaisants, le jargon pédant des Zoïles et des Hermagoras, les rébus d'Acis, le précieux; nous subissons l'intarissable Arrias, qui a tout lu, tout vu, et, par contraste, nous nous faisons une juste idée de cet esprit de conversation, quintessence de la politesse, qui est l'idéal de l'honnête homme.

Avec l'auteur des Caractères nous nous échappons parfois dans la province; nous apercevons la petite ville « qui semble peinte sur le penchant de la colline »...

A peine y a-t-on couché deux nuits qu'on en veut sortir, de peur de ressembler à ceux qui l'habitent.

L'on voit en passant, répandus dans la campagne, fouillant le sol, des animaux mâles et femelles...

ce sont des hommes...

des paysans, plus terreux et plus misérables que ceux des Lenain et de Callot. Enfin La Bruyère innove par les raffinements de son style.

« Son art, dit Taine, est celui d'attirer l'attention.

» « Voulez-vous, a-t-on' dit, faire un inventaire des richesses de notre langue, en voulez-vous connaître tous les tours, tous les mouvements, toutes les figures, toutes les ressources, lisez, relisez La Bruyère.

» Son vocabulaire est, avec celui de Molière et de La Fontaine, l'un des plus riches du xviie siècle. Il adopte quelques archaïsmes, et regrette, en véritable amateur de mots, la perte de tant de vocables hors d'usage.

Il accueille les termes de métier, les mots techniques, qui donnent du relief et de la couleur à ses peintures, et il ne rejette pas le mot trivial.

Son réalisme est parfois extrême (Gnathon).

Mais surtout il excelle à varier les formes : son style est imprévu, piquant : maximes concises, portraits détaillés, silhouettes esquissées, dissertations suivies, petits récits, on trouve toutes ces formes dans les Caractères, toutes les figures de style aussi : antithèses, comparaisons, hyperboles : « il a usé de tous les engins de l'arsenal oratoire »; c'est un musée que son ouvrage. Il sait piquer notre curiosité par des débuts énigmatiques : « Fuyez, retirez-vous, vous n'êtes pas assez loin...

Que dites-vous ? Comment? Je n'y suis pas...

» ou par des conclusions inattendues qui apportent le mot de l'énigme : « il est riche »; « il est pauvre ».

Cela finit par sentir un peu trop le procédé et le travail ; mais ce style brillant, pailleté d'esprit, convenait à son ouvrage, peu original par le fond, si neuf par la forme. Cette satire des mœurs, toute concrète, vive, colorée est vraiment un genre nouveau, souvent imité depuis.

La Bruyère est l'ancêtre de toute une lignée d'essayistes et de romanciers de mœurs depuis Montesquieu, Le Sage, Voltaire, jusqu'à Anatole France ou Marcel Proust.. »

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