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Un critique contemporain, M. André Thérive, écrit : « La littérature dans son ensemble sert à faire mieux connaître l'homme. Au temps des classiques, la vérité générale, l'homme abstrait, suffisait encore. L'homme concret est une conquête de l'époque mod

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INTRODUCTION Pour tout Français, penser au XVIIIe siècle, c'est penser à la Révolution. Et sans doute n'est-il pas illusoire de retrouver presque partout dans la civilisation ou les événements de ce temps, l'aspiration aux libertés, la montée du Tiers-État, la culture de l'irrespect. Mais quand il s'agit seulement de littérature, cette perspective n'est peut-être pas la meilleure. S'il est vrai, comme l'a écrit André Thérive, que « la littérature dans son ensemble sert à faire mieux connaître l'homme », on sera fondé à examiner les écrivains du XVIIIe siècle sur les progrès qu'ils ont assurés à cette connaissance. « Au temps des classiques, écrit le même critique, la vérité générale, l'homme abstrait, suffisait encore. L'homme concret est une conquête de l'époque moderne ». La littérature du XVIIIe siècle peut-elle effectivement être comprise comme une découverte progressive de « l'homme concret » ?

« Un critique contemporain, M.

André Thérive, écrit : « La littérature dans son ensemble sert à faire mieux connaître l'homme.

Au temps des classiques, la vérité générale, l'homme abstrait, suffisait encore. L'homme concret est une conquête de l'époque moderne ».

Vous montrerez comment cette « conquête » a été préparée par les écrivains du XVIIIe siècle. INTRODUCTION Pour tout Français, penser au XVIIIe siècle, c'est penser à la Révolution.

Et sans doute n'est-il pas illusoire de retrouver presque partout dans la civilisation ou les événements de ce temps, l'aspiration aux libertés, la montée du Tiers-État, la culture de l'irrespect.

Mais quand il s'agit seulement de littérature, cette perspective n'est peut-être pas la meilleure.

S'il est vrai, comme l'a écrit André Thérive, que « la littérature dans son ensemble sert à faire mieux connaître l'homme », on sera fondé à examiner les écrivains du XVIIIe siècle sur les progrès qu'ils ont assurés à cette connaissance. « Au temps des classiques, écrit le même critique, la vérité générale, l'homme abstrait, suffisait encore.

L'homme concret est une conquête de l'époque moderne ».

La littérature du XVIIIe siècle peut-elle effectivement être comprise comme une découverte progressive de « l'homme concret » ? I.

PORTÉE RÉELLE DU JUGEMENT Il saute aux yeux que ces mots ne peuvent être pris à la lettre, puisque ni le concret ni l'abstrait ne se conçoivent à l'état pur.

A y regarder de près, « l'homme concret » est une contradiction dans les termes : il n'y a que « des hommes concrets ».

Tant que les cas particuliers restent encadrés dans une idée générale, c'est qu'il reste des éléments abstraits.

Inversement il reste des éléments concrets tant que la « vérité générale » n'a pas été totalement abstraite, c'est-à-dire extraite, comme une quintessence, de l'agglomérat de circonstances où l'expérience réelle nous la montre toujours « prise ».

La glace qui a « pris », et que les Latins appellent « concreta glacies », le béton que les Anglais nomment « concrete », la stalactite que les géologues appellent « concrétion », sont images grossières, mais sources authentiques de notre notion du concret : une présence immédiate, saisissante, indiscrète, qui occupe les sens, et dans laquelle l'esprit doit pratiquer ses coupes et ses prélèvements. Les classiques Abstrait, Harpagon ? Abstraits, Iphis, Onuphre, ou les convives du Repas ridicule ? Il faudrait leur ôter argent, linge, livres, perruque, procès, malaises et humeurs.

Leur vérité serait alors tout à fait « générale », mais elle ne serait plus ! Quant aux personnages de Corneille et de Racine et même aux animaux de La Fontaine, c'est un lieu commun, depuis Taine, de retrouver en eux, agglomérés à la « vérité générale », les gestes, préjugés et préoccupations de tel ou tel secteur de la société, à tel moment de son histoire. Ne cherchons donc pas dans le XVIIIe siècle une création « ex nihilo » de la connaissance concrète de l'homme. Mesurons seulement les progrès qu'il a accomplis dans cette voie par sa philosophie d'abord, puis par les aspects plus proprement littéraires de ses oeuvres. II.

PHILOSOPHIE DE L'HOMME CONCRET On sait quelle fut au XVIIIe siècle la fortune du système de Locke, selon lequel « toutes nos idées viennent des sens », et celle du sensualisme de Condillac.

Mais plus que tel ou tel système, c'est la démarche habituelle de leur pensée qui montre les philosophes du XVIIIe siècle attentifs à l'homme concret. Lorsqu'il veut discuter la pensée dans laquelle Pascal compare le malheur de « l'homme à celui d'un naufragé, Voltaire prend dans son tiroir une lettre qu'il vient précisément de recevoir d'un de ses amis : «Je suis ici comme vous m'y avez laissé..., jouissant d'une santé parfaite, ayant tout ce qui rend la vie agréable...

» Et il continue : « Pour moi, quand je regarde Paris ou Londres...

» Dans toute son oeuvre, il ramènera ainsi chaque problème général au contact de quelques faits précis, vivants, parfois ridicules, jamais indifférents, qui aideront le lecteur à le poser lui-même sur le terrain de sa propre expérience. Rousseau même, dressé contre les philosophes, ne se détacha jamais de la « morale sensitive » ; il continua de chercher sa vérité dans les impressions immédiates par lesquelles, dans telles circonstances, il avait connu le remords, le sentiment du bien, le bonheur d'exister.

Là est la source de sa connaissance de soi et de l'homme ; ses généralisations abstraites y puisent leur force.

On a pu dire que le nouveau « cogito » de toute cette époque était « Je sens, donc je suis » ; penser, c'est toujours en quelque mesure abstraire ; mais « sentir », de quelque façon qu'on l'entende, c'est être lié, c'est être « pris » dans les choses, les êtres ou soi-même : c'est être « concret ». De ces diverses manières de chercher le concret se dégage un thème commun : c'est que chaque homme est pour une grande part formé par les conditions dans lesquelles il vit.

Si le XVIIIe siècle porte tant d'attention aux faits économiques, administratifs et juridiques, c'est qu'il n'y voit pas des circonstances insignifiantes au milieu desquelles l'« homme éternel » resterait intact.

Montesquieu recense les « cas particuliers » où s'exerce la raison législatrice des hommes : il serait, dit-il, insensé de juger une institution en soi, sans connaître la société qu'elle régit, avec son habitat, ses ressources, son climat, sa religion.

Voltaire, dans ses Lettres Philosophiques et ses livres historiques, Diderot dans l'Encyclopédie ne cessent de répéter que le progrès technique modifie les hommes ; ce n'est pas par des leçons morales, mais en demandant l'abrogation de tel règlement ou le progrès de telle industrie qu'ils espèrent favoriser certaines vertus : initiative, dignité, curiosité, sens de l'intérêt commun. Là encore, Rousseau rejoint ses ennemis.

Arts, sciences, argent, commodités matérielles, tout cela lui semble, comme à ses adversaires, déterminant.

C'est pourquoi, à ces agents concrets de corruption il oppose un remède concret : les douces influences de la nature. C'est Diderot sans doute qui porta le plus loin ce souci du concret, à la fois avec une minutie exemplaire dans la. »

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