Un art d'interpréter le futur peut-il être rationnel ?
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«
Discussion :
Le mot « art » est employé dans cet intitulé en son sens ancien, désignant tout savoir- faire humain, toute pratique
produisant un résultat non naturel (artificiel).
Le futur est ce qui sera, avec la part d'imprévisibilité qui s'attache à
tout ce qui n'est pas encore réalisé.
D'où l'expression scolastique de futurs contingents pour désigner les
événements à venir imprévisibles ou difficiles à maîtriser.
On ne peut donc avoir aucune prise sérieuse sur des
événements non advenus et l'avenir ne peut être l'objet que d'une interprétation c'est-à-dire qu'on cherche à
donner une signification aux phénomènes mais qu'elle dépend largement d'un imaginaire individuel ou collectif.
Cependant, l'interprétation étant un des moments fondamentaux de la compréhension, le mouvement qui la suscite
ne peut pas être fondamentalement ignoré.
Suggestion de plan :
Première partie : L'art divinatoire
La divination a occupé une place importante dans la plupart des civilisations antiques L'homme ancien, très curieux
de connaître son avenir, n'hésitait pas à interroger les dieux, soit lui-même, soit par le biais d'un intermédiaire, dans
l'espoir d'une révélation divine.
Il pensait en effet que les divinités connaissaient l'avenir, et qu'elles pouvaient le
révéler aux hommes de différentes façons.
Des « interprètes » scrutaient donc attentivement des phénomènes
naturels susceptibles de traduire la pensée des dieux.
Certains observaient la position et les mouvements des
astres, d'autres analysaient le comportement des animaux, d'autres encore pensaient voir dans les cataclysmes
naturels une expression fortement marquée de la volonté divine.
Certains ont cherché à entrer en contact avec les
divinités en leur posant directement des questions relatives au futur et en recueillant rapidement une réponse.
C'était le cas des oracles.
Des personnes fortement inspirées ont même eu des révélations et les ont retranscrites.
Petit à petit, des catégories de prêtres spécialisés dans l'interprétation des déclarations et des signes divins se sont
donc constituées dans les civilisations orientales, grecque et romaine.
À Rome : les augures, les haruspices et les
prêtres interprètes des livres sibyllins formaient non seulement un des piliers de la religion romaine, mais aussi un des
piliers de l'état et du pouvoir romain en général.
« Si à un instant la roue du monde s'arrêtait et qu'il y eût là une
intelligence calculatrice omnisciente pour mettre à profit cette pause, elle pourrait continuer à calculer l'avenir de
chaque être jusqu'aux temps les plus éloignés et marquer chaque trace où cette roue passera désormais.
»
Nietzsche, Humain, trop humain.
La proposition de Nietzsche est clairement
fabriquée comme un système hypothétique, s'ouvrant sur un « si »,
énumérant toutes sortes d'impossibles : ces impossibles sont la condition
même d'un art d'interpréter le futur, c'est-à-dire la condition d'impossibilité de
celui-ci.
Cette attitude peut facilement être interprétée comme la conséquence d'une
angoisse fondamentale : les hommes naissent sont soumis à toute une série
d'événements, ils n'ont pas de prise sur les événements en question.
La
possibilité de maîtriser le temps est l'évidente compensation à une existence
qu'en termes modernes on ne pourrait alors considérer que comme absurde.
Deuxième partie : Le temps rebelle
« Deux augures ne peuvent se regarder sans rire.
» De divinatione, II, 24
Cicéron.
Cette proposition largement ironique de Cicéron montre que, du
temps même des oracles, un scepticisme prudent s'imposait.
Si deux augures
ne peuvent se regarder sans rire c'est qu'ils sont conscients de jouer une
comédie et que l'authenticité de leurs prédictions est douteuse.
Le caractère douteux de cette anticipation tient à
une contradiction logique intrinsèque, qu'on ne peut pas savoir ce qui par définition n'est pas encore advenu.
Ce qui
n'est pas ne peut pas être.
« Il ne faut pas empiéter sur l'avenir en demandant avant le temps ce qui ne peut venir
qu'avec le temps.
» Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Schopenhauer.
L'objection majeure faite à ces propos
rationnels tenait, à d'autres époques, dans la croyance que la vie des hommes était entièrement déterminée dès
leur naissance et que, quoi qu'ils fassent, le destin inscrit quelque part, conditionnait leur avancée.
On se souvient
de l'ironie saillante de Diderot dans Jacques le fataliste, et de cette répétition lancinante des mots : « C'est écrit làhaut ».
L'ironie de Diderot porte sur la question de la liberté, si tout est déjà écrit là haut, à quoi bon se battre, à.
»
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