Un acte gratuit est-il possible ?
Extrait du document
«
APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE
Bien lire le sujet : il ne s'agit pas de rechercher, dans l'expérience, des actes que l'on pourrait qualifier de gratuits,
mais de s'interroger sur l'essence même de la volonté et de la liberté.
Le sujet pose ainsi la question de la
détermination de la volonté : obéit-elle à une loi ou peut-elle se déterminer d'elle-même? Que signifie l'autonomie de
la liberté? L'existence d'un devoir ne contredit-elle pas la possibilité même de la liberté?
Un point de départ à discuter : un acte qui semble n'avoir aucun mobile, l'acte gratuit tel que le décrit par exemple
Gide, peut être analysé : à quel type de détermination obéit-il, ne • dépasse-t-il pas toute détermination possible?
Il s'agira ensuite de ramener, par exemple, cette question au problème classique du libre arbitre et de la liberté
d'indifférence.
Recherche du problème : un acte gratuit suppose une liberté qui ne soit déterminée que par elle-même.
Cette
liberté d'indifférence suppose l'indépendance du vouloir à l'égard de toute détermination, si puissante soit-elle.
Rien ne doit pouvoir porter notre liberté à vouloir ceci plutôt que cela.
Une telle conception de la liberté doit pouvoir
se concilier avec l'idée que le bien est par excellence l'objet de la volonté.
Nous sommes libres et nous devons
vouloir le bien : c'est là tout le paradoxe de la liberté.
Il conviendra alors de dégager les sens possibles de la notion
de liberté : la liberté doit toujours être libre de vouloir le bien.
I.
INTRODUCTION
• Périodiquement la presse informe que vient d'être commis un crime «gratuit» : il n'apparaît tel que parce qu'on
ignore ce qui a poussé le meurtrier à agir, mais il risque bien de perdre sa « gratuité » en cours d'enquête, lorsqu'on
parviendra à en repérer les causes.
Un acte entièrement gratuit est-il néanmoins possible ?
I.
Acte gratuit et liberté radicale
• On peut faire remarquer que la « gratuité » qualifie le plus souvent un comportement socialement peu apprécié :
meurtre (c'est bien le cas pour Lafcadio, dans Les Caves du Vatican de Gide), agression verbale dans une
discussion, colère, etc.
André Gide dans son livre Caves du Vatican imagine l'acte libre par excellence : il s'agit d'un crime gratuit, immotivé
de son héros, Lafcadio, qui d'un compartiment de train, précipite un voyageur dans le vide.
La folie est énigmatique
parce qu'elle nous paraît étrangère, dénuée de sens.
Lafcadio, qui, dans les Caves du Vatican d'André Gide, tue un
homme sans raison, gratuitement, nous semble fou : pas de motifs, pas de sens.
« Qui le verrait, pensait Lafcadio ? Là, tout près de ma main, sous ma main, cette double fermeture que je peux
faire jouer aisément; cette porte, qui cédant tout à coup le laisserait crouler en avant; une petite poussée
suffirait...
on n'entendrait même pas un cri...
Un crime immotivé, quel embarras pour la police ! Ce n'est pas tant des
événements que j'ai curiosité, que de moi-même.
» Et Lafcadio laisse la décision au hasard.
« Si je puis compter
jusqu'à douze, sans me presser, avant de voir dans la campagne quelque feu », l'homme est sauvé; « je commence
une; deux; trois; quatre; (lentement, lentement) cinq ; six ; sept ; huit ; neuf...
Dix, un feu ! » et le crime
s'accomplit.
• Ce qui frappe le spectateur d'un tel acte, c'est qu'il semble sans cause, sans raison : il se manifeste brusquement
et, semble-t-il, indépendamment de toute causalité concevable (c'est pourquoi sa « gratuité » est proche de l'«
absurde »).
• Aussi les théoriciens de l'acte gratuit le considèrent-ils comme l'expression de la liberté la plus radicale, ou la plus
complète de l'homme.
Mais ne peut-on le comprendre autrement ?
II.
Objection classique.
»
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