Toutes nos idées ne viennent-elles que des sensations ?
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Problématique : D'où nous viennent toutes nos idées ? Il semble que nos idées nous viennent des sens : une idée
est une représentation, la présentation dans l'esprit de quelque chose qui fût présent d'abord aux sens.
Cependant,
peut-on dire que l'idée de liberté ou de beauté nous a d'abord été présentée dans les sens.
Ne faut-il pas d'abord
avoir l'idée de ce qu'est le beau en soi avant de pouvoir produire une belle chose ? Mais cet « en soi » n'est-il pas
une illusion ? N'est-ce pas un au-delà du monde physique, sensible, tout juste bon à alimenter l'imaginaire des
poètes ? D'où le problème : toute idée vient-elle des sens ou peut-il y avoir des idées qui n'aurait pour
origine que l'esprit lui-même ? Comment pareille chose est-elle seulement possible ?
1-
TOUT IDÉE PROVIENT DES SENS (PREMIÈRE HYPOTHÈSE)
a)
L'idée est l'image affaiblie d'une impression
Pour Hume, il est vain de chercher au-delà de l'expérience l'origine de
nos idées : si la philosophie est « un champs de bataille », c'est qu'il lui
manque un ancrage expérimental.
Pour combler cette lacune, Hume
entreprend ainsi dans son Traité de la nature humaine de montrer quelle est
l'origine de toutes nos idées.
Dès l'incipit de son ouvrage (L.
I, ch.1), la
sentence est sans appel : les idées sont des perceptions de l'esprit et elles
ne diffèrent des impressions sensibles que par « le degré de force et de
vivacité avec lequel elles frappent l'esprit et se frayent un chemin dans notre
pensée ou notre conscience ».
Ainsi la différence entre les idées et les
impressions n'est pas une différence de nature mais de degré ; l'idées n'étant
pas radicalement distincte des sensations, on peut donc dire que toute idée
vient des sens : l'impression est première ou originaire (rien ne vient avant),
l'idée en est la copie (elle ne peut avoir pour origine que l'impression).
Mais alors, comment se produit ce passage des sens à l'idée ?
Enjeu : préciser « venir de...
» ; cela signifie-t-il transformation ou seulement
représentation ? N'y a-t-il pas autre chose que les sens qui intervient dans la
production d'une idée ? Car comment expliquer que je puisse avoir l'idée d'une
montagne d'or, d'un centaure alors que celle-ci ne semblent en aucun cas
copier une impression correspondante
b)
Simplicité et complexité
Les idées de montagnes d'or ou de la cité merveilleuse d'une nouvelle
Jérusalem, sont bien sûr en décalage avec les impressions.
Cependant, pour résoudre cette difficulté, Hume émet
une 2nde distinction : il faut faire la différence entre simplicité et complexité.
Une idée est simple lorsque son lien
avec une impression sensible ne fait pas de doute alors que les idées complexes « n'ont jamais eu d'impressions qui
leur correspondent ».
Ces dernières peuvent être des apparences d'idées : pour les distinguer des idées simples, il
suffit d'interroger leur lien avec une éventuelle origine sensible.
Toute idée complexe peut être décomposée en idées
simples
Ainsi toute idée vient des sens au sens où 1) idée simple = image affaiblie impressions 2) idée complexe =
combinaison et association d'idées simples.
Transition :
Une idée simple ou complexe a une impressions pour origine : impressions et idées ont un lien si
étroit que c'est lui qui va permettre à Hume de discriminer, parmi nos idées, celles qui peuvent prétendre au statut
de connaissance.
Le mérité de H = la connaissance est circonscrite aux limites des impressions : on ne connaît que
ce que l'on sent.
Mais, les sens, en toute rigueur, nous livrent du multiple, du changeant : je vois tel chose sous un
angle, elle m'apparaît différente sous un autre.
Or, l'idée n'est-elle pas ce qui ne connaît aucune variation ?
Problème : qu'aucune de nos idées ne précède les sens et que toutes commencent avec
eux, ne suffit pas à prouver qu'elles en dérivent en totalité.
2-
TOUTE IDÉE NE VIENT PAS DES SENS (CRITIQUE)
a)
Les sens ont affaire au multiple et au changeant
L'idée = unité intelligible.
Voir l'allégorie de la caverne : les sens ne nous livre que des ombres et l'esprit la
réalité.
Cette thèse est illustrée par tous les dialogues de Platon : on y voit Socrate demander qu'est-ce que la
vertu, la beauté, l'amour...
; à chaque fois, les réponses de ses interlocuteurs finissent, suite aux questions de
Socrate, par révéler des contradictions ; la raison en est qu'ils répondent en fonction de leurs sens.
Ex : Hippias
définit le beau comme tel ou tel bel objet, Menon donne à Socrate un « essaim de vertu » au lieu de définir l'idée de
beau, de vertu.
Ainsi, les sens n'ont affaire qu'à de la multiplicité et non à l'unité, ce par quoi les divers objets
tiennent leur beauté ou leur vertu ; les sens ne peuvent nous amener à saisir l'intelligibilité de l'être : il faut, pour
connaître les choses en elles-mêmes, dans leur essence, saisir quelle en est l'idée et donc, « envoyer promener le
corps » (Phédon, 66).
Les idées sont objets de contemplation intellectuelle ou vision de l'esprit.
On retrouve chez Descartes une perspective similaire : l'auteur des Méditation voit dans les sens quelque
chose de toujours douteux, incertain comparé à l'évidence (clarté et distinction) de la pensée..
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