Toutes nos croyances sont-elles des préjugés ? Dissertation
Publié le 05/01/2024
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«
Toutes nos croyances sont-elles des préjugés ?
Introduction
Nous disons que nous croyons quelque chose lorsque nous ne pouvons pas en démontrer la vérité.
La croyance est donc une certitude subjective à laquelle manque la dimension d’une vérification
objective.
On peut être tenté de rapprocher cette notion de celle de préjugé, qui désigne une opinion
adoptée sans souci de vérification.
Les croyances seraient-elles toutes des préjugés ? Cela
impliquerait qu’une croyance n’est jamais réfléchie ou argumentée, et qu’un croyant ne se confronte
jamais à la réalité.
Or, même si certaines croyances rentrent effectivement dans ce cadre, on peut
envisager que d’autres soient adoptées après réflexion et parfois en fonction d’une certaine
expérience personnelle.
Le problème serait donc de savoir si, dans ce cas, les croyances sont
vraiment le produit d’un jugement personnel ou bien si cette manière de les comprendre est
seulement une illusion qui cache l’origine réelle de toute croyance.
I : L’éducation et les préjugés
La plupart des préjugés apparaissent, comme l’indique l’étymologie du mot, avant que le jugement
se forme, c’est-à-dire le plus souvent dans l’enfance.
L’origine de ces croyances est facile à
déterminer : elles nous viennent de notre entourage, de nos parents, amis et plus généralement de
la société dans laquelle nous vivons.
Par exemple, si nos parents appartiennent à une certaine classe
sociale, il est possible qu’ils nous transmettent des préjugés de classe, comme: « tous les patrons
sont égoïstes », ou « tous les ouvriers sont fainéants », ou « tous les commerçants sont des voleurs »,
etc.
Le point commun de ces croyances est que nous les admettons sans chercher à les vérifier.
Elles
nous semblent évidentes et nous ne faisons pas attention à ce qui pourrait les remettre en cause.
Par
contre, nous remarquons tout ce qui va dans le même sens, avec l’idée que cela confirme notre
préjugé.
C’est ce phénomène que Descartes décrit dans ses Principes de la philosophie: « Comme
nous avons été enfants avant que d’être hommes et que nous avons jugé tantôt bien et tantôt mal
des choses qui se sont présentées à nos sens lorsque nous n’avions pas encore l’usage entier de
notre raison, plusieurs jugements ainsi précipités nous empêchent de parvenir à la connaissance de
la vérité, et nous préviennent de telle sorte qu’il n’y a point d’apparence que nous puissions nous en
délivrer, si nous n’entreprenons de douter une fois en notre vie de toutes les choses où nous
trouverons le moindre soupçon d’incertitude.
» La raison profonde du caractère négatif des préjugés
est qu’ils sont acquis avant que nous soyons capables de raisonner par nous-mêmes.
C’est ce que
souligne le début de la phrase de Descartes que nous venons de citer.
Le préjugé apparaît ainsi
comme un substitut du jugement réfléchi.
Descartes parle de « jugement précipité », c’est-à-dire
trop rapide.
Nous sommes allés trop vite parce que nous n’avons pas pris le temps (et nous n’avions
pas encore tous les moyens) de réfléchir.
Nous nous sommes arrêtés sur une position que nous ne
pouvions pas examiner sérieusement.
La conclusion de ce passage est que le préjugé nous bloque
intellectuellement.
Il nous « prévient », c’est-à-dire qu’il nous empêche par avance de faire un travail
d’analyse de nos croyances.
Il faut donc s’en délivrer en le mettant en doute.
Toutefois, cela ne
signifie pas que toutes nos croyances enfantines méritent d’être appelées des préjugés.
Descartes
lui-même admet que dans l’enfance nous avons jugé « tantôt bien et tantôt mal ».
Il y avait donc déjà
un début de jugement et il était parfois correct.
D’ailleurs, de nombreuses fausses croyances
disparaissent d’elles-mêmes assez tôt.
Il n’est pas nécessaire d’attendre l’âge adulte pour cesser de
croire au père Noël ou à la petite souris… En revanche, les préjugés raciaux, sociaux ou moraux
peuvent durer indéfiniment et ne sont parfois jamais remis en question.
II : Peut-on justifier une croyance?
Le problème, c’est que toutes nos croyances ne datent pas de l’enfance.
Il existe de nombreux cas de
croyances acquises à l’âge adulte, et qui ne dépendent pas nécessairement de notre éducation.
Ainsi,
lorsque notre parcours personnel nous conduit à fréquenter de nouveaux groupes sociaux, il est
possible que notre éducation ne nous fournisse pas de point de repère pour apprécier cette
situation.
Cela peut arriver aussi lorsque nous changeons de pays et que nous devons vivre dans des
conditions tout à fait différentes de celles que nous avons connues précédemment.
On voit
fréquemment des personnes adultes adopter progressivement les croyances des groupes sociaux
auxquels ils s’intègrent.
Ces nouvelles croyances reposent généralement sur des jugements de
valeur.
Il semble donc qu’il y a bien, au moment où on les adopte, une sorte de jugement.
Cela ne
veut pas dire qu’une croyance adulte soit nécessairement vraie.
Elle n’est pas plus démontrable
qu’un préjugé, sinon ce serait un savoir ou une science.
Mais bien qu’il s’agisse encore d’une
croyance, elle repose sur une démarche personnelle et une adhésion qui comporte une évaluation
rationnelle, au moins en apparence.
Même Descartes admet que, lorsque nous sommes confrontés à
des problèmes pratiques que la science ne nous permet pas de résoudre, il est nécessaire jusqu’à un
certain point de partager les croyances de nos semblables, car il s’agit de choses qui dépassent nos
capacités personnelles.
Mais nous pouvons faire preuve de discernement – c’est-à-dire de jugement
– et ne pas nous précipiter vers les croyances les plus absurdes ou les plus fanatiques.
C’est ce qu’il
explique dans la troisième partie du Discours de la méthode: « La première [règle était de me
gouverner] suivant les opinions les plus....
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