Toutes les inégalités sont-elles des injustices ?
Extrait du document
«
Anatole France a écrit : « La loi, dans sa souveraine grandeur, interdit aux pauvres comme aux riches de
coucher sous les ponts ».
Or, il est évident qu'une telle définition de l'égalité est niée tous les jours.
Que ce soit le «
quart-monde » ou bien encore le « tiers-monde », il y a toujours des défavorisés qui semblent exclus de ce principe
d'égalité pourtant si important dans nos sociétés modernes.
Ces inégalités auxquelles nous assistons chaque jour
nous choquent et nous dérangent.
L'injustice de la situation est alors difficilement contournable.
De fait, on associe
volontiers égalité et justice.
Et l'on a tendance à unir pareillement les deux notions contraires.
En effet, celles-ci
sont également très liées.
A tel point que le mot latin iniquus signifie aussi bien injuste qu'inégal.
Les inégalités sont ce qui n'est pas conforme à l'égalité.
Mais, on peut distinguer plusieurs sortes d'inégalités :
sociales, physiques, intellectuelles… Les inégalités intellectuelles et physiques ne nous paraissent pas d'emblée
illégitimes, probablement parce qu'elles semblent plus être le fait de la nature que les inégalités sociales, qui
justement apparaissent injustes car contraires à la morale, à la légalité et à l'égalité.
Pour autant, ces inégalités
sont-elles vraiment toutes injustes ?
Tout ce qui n'est pas conforme à l'égalité est-il toujours injuste ?
Pour y répondre, nous verrons tout d'abord que les inégalités sont très souvent injustes et que de les réduire est un
but que les sociétés modernes ont tendance à se fixer ; avant de montrer qu'inégalités et injustices ne vont pas
forcément de pair et qu'il existe des inégalités équitables et donc justes.
Le principe d'égalité est un idéal fondateur de nos sociétés modernes.
Il est énoncé dans la Déclaration
d'indépendance américaine : « tous les hommes sont créés égaux » et cette volonté d'égalité implique aussi
l'égalité des droits devant la loi, idée essentielle pour John Locke : « il y aura les mêmes règlements pour le riche
et pour le pauvre, pour le favori et le courtisan, et pour le bourgeois et le laboureur » (Second traité du
gouvernement civil, § 142) et reprise dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Ainsi, l'égalité et
particulièrement devant la justice, l'« isonomia » grecque, est un principe fondateur de nos sociétés modernes,
inhérent au régime démocratique.
Si l'égalité est si importante, l'égalité des conditions prend dès lors une place tout aussi centrale.
Même si les
libéraux du XVIIIe siècle ne défendent pas d'abord l'idée d'égalité sociale mais uniquement l'idée d'égalité juridique,
les inégalités toujours plus importantes ont poussé l'égalité des conditions à devenir alors un « dogme » des
sociétés modernes.
La question de la justice sociale se pose dans les sociétés où le principe de l'égalité des
conditions est posé comme « dogme » (Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique).
Ainsi, l'égalité
assurée par une égalité juridique est un critère fondateur de nos sociétés modernes et sa transgression bafoue
l'idéal démocratique.
Il apparaît pourtant que le principe, même appliqué dans toute sa rigueur, de l'égalité de tous
les citoyens devant la loi, ne suffit pas, tant s'en faut, à établir, ni même à tendre vers une égalité des conditions,
une égalité sociale et économique.
Dès lors, tout inégalité sociale est perçue comme une injustice.
En effet, comme l'égalité est un principe de base
des sociétés démocratiques, alors celles-ci sont brocardées dès que l'inégalité s'installe.
Or, en plus d'être
contraires à l'essence même du régime démocratique, les inégalités sociales sont immorales.
De fait, il est contraire
à la morale humaine de voir des gens mourir de faim alors que soi-même l'on vit dans l'opulence.
Ainsi, les inégalités
telles que l'on peut les observer encore aujourd'hui, chaque jour, sont profondément injustes.
C'est pour cela que l'on recherche à pallier à ces inégalités à tous prix.
En France, la gratuité, souvent synonyme
français d'égalité, est proposé dans de nombreux services fondamentaux : les services de santé ou bien encore
l'enseignement sont accessibles indifféremment à tous.
En outre, en Allemagne, un système de péréquation
financière est instauré pour que les Länder les plus riches donnent aux plus pauvres, ce particulièrement depuis la
réunification.
Enfin, même aux Etats-Unis, pourtant un des systèmes les plus libéraux aujourd'hui, de tels systèmes
existent.
Ainsi, l'inégalité sociale est bien perçue comme étant une profonde injustice et il s'agit d'y remédier.
Mais, comme de la justice juridique à la justice sociale, le lien ne s'impose pas spontanément, les remèdes proposés
ne satisfont pas l'idéal d'une égalité rigoureuse.
Pour éviter un trop net décalage, on propose l'application stricte du
principe d'égalité.
Parfois à tel point, qu'il est liberticide et finalement, l'égalité trop désirée devient perversement
injuste.
La pensée d'inspiration marxiste et les thèses de Marx lui-même formulent cette contradiction entre égalité
théorique et égalité empirique par l'opposition entre droits formels et droits réels.
Les droits formels sont ceux
reconnus théoriquement par les lois.
Les droits réels quant à eux sont ceux relatifs à la possibilité effective d'exercer
ces fameux droits octroyés théoriquement.
La différence est de taille et dans l'idéal d'une société parfaitement
égalitaire, les deux notions se recoupent, Marx souligne que ce n'est pas le cas.
Ainsi, la loi reconnaît à tous la
pleine jouissance et propriété de ce qu'ils possèdent et leur défense contre des voleurs malavisés est parfaitement.
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