Toute preuve de la liberté donne-t-elle raison au déterminisme ?
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«
a) Etat de la question.
— 1) Aspects psychologique, moral, métaphysique du problème de la liberté ; 2) distinction
entre fatalisme et déterminisme ; 3) ambiguïté des preuves de la liberté : par exemple, Kant et la troisième
antinomie; Bergson : « toute démonstration de la liberté donne raison au déterminisme » (thèse apparemment
inverse de celle que l'on doit analyser).
b) Point de vue de la thèse à examiner.
— 1) Il n'est question que de la liberté de l'homme ; 2) liberté s'oppose
ici à servitude, ce qui évoque des harmoniques d'ordre moral autant et plus que d'ordre psychologique :
rapprochement avec les grandes doctrines morales telles que le stoïcisme et surtout le spinozisme; 3) intention de
prouver indirectement la liberté en démontrant l'échec de l'intention adverse et le parti que l'on peut tirer de cet
échec pour l'affirmation de la liberté.
c) Intention et attitude de quiconque prétend établir la servitude de l'homme.
— 1) La servitude est la
situation d'un homme qui est ou se sent écrasé par des forces contre lesquelles il ne peut rien.
L'esclave se révolte
un moment, puis il se résigne à son état et fiait par le trouver « naturel » (Voir Rousseau, Contrat social : l'esclave
perd tout dans l'esclavage, « jusqu'au désir d'en sortir ») ; 2) pour prouver la servitude de l'homme, il suffira donc
d'énumérer « les forces qui pèsent sur lui » : lois physiques, lois juridiques, tempérament, habitude, etc.
d) Critique de cette attitude.
— 1) Si l'argumentation de l'adversaire delà liberté a une valeur, celle-ci tient tout entière à l'exactitude et à la précision des analyses où il décrit les différentes formes de la nécessité et explique comment ces forces entravent la libre activité de l'homme ; en d'autres termes, pour prouver la servitude de l'homme, il faut faire oeuvre scientifique ; 2) l'adversaire de la liberté offre ainsi à celui qu'il déclare esclave un moyen de libération, car la connaissance de la nécessité est déjà par elle-même liberté (voir l'Éthique de Spinoza) ; 3) de plus, la connaissance des déterminismes procure à l'homme la possibilité de commander à la nature : il lui suffit de mettre en oeuvre des déterminismes pour se libérer d'autres déterminismes ; il n'y a d'ailleurs d'action humaine efficace qu'à cette condition (c'est la leçon que l'on peut tirer du succès de la science et de ses applications) ; 4) on doit donc prévoir que plus sera rigoureuse l'argumentation déterministe, plus les chances de liberté s'accroîtront. e) D'où vient l'erreur de l'adversaire de la liberté ? 1) Celui-ci postule qu'être libre serait un privilège de nature qui s'exprimerait uniquement par la fantaisie et le caprice : il confond la liberté avec la spontanéité aveugle des tendances ; 2) Il suppose en outre que toute nécessité est le fait ou la manifestation d'une puissance aveugle et capricieuse n'ayant d'autre loi que le hasard : il confond déterminisme avec fatalisme ; 3) ce qui est vrai, c'est que la liberté est une conquête de l'homme qui sait user de sa raison : l'action raisonnable est celle qui ne se propose jamais un but sans prévoir les moyens d'exécution ; or tout moyen, pour mériter ce nom, c'est-à-dire pour être efficace par rapport au but poursuivi, doit nécessairement et par nature être lié à ce but (le moyen est cause) ; ainsi ce chaînon du déterminisme, qui serait un obstacle insurmontable pour une action aveugle ou instinctive, devient un instrument.. »
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