Toute inégalité est-elle une injustice ?
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La justice, est-ce l'égalité ? Et si oui, quel genre d'égalité ? Égalité absolue, égalité des chances (si on peut
l'atteindre) ? Égalité devant la loi ou matérielle ? Qui décide du juste, de l'égal ? Quel est le statut de celui qui
décide, est-ce que ce statut ne remet pas en cause l'égalité ? Existe-t-il une inégalité qui ne soit pas une injustice
? L'inégalité naturelle ou physique peut-elle être considérée comme injuste ? Pour qu'il y ait injustice, il faut qu'il y
ait un coupable.
Ceux qui nient l'injustice sociale sont souvent ceux qui cherchent à masquer les responsables de
cette injustice.
Pour ce qui est de l'inégalité naturelle, soit il y a un Dieu, et tout le travail du théologien sera de le
disculper (théodicée), soit il n'y en a pas, et alors l'inégalité naturelle ne saurait être une injustice.
En revanche, le
fait de ne pas chercher à compenser cette inégalité au niveau politique peut être considéré comme injuste.
Quel
doit être le rôle de l'État ou des lois dans le traitement des inégalités ? Une inégalité décidée par la justice peut-elle
être injuste (idée d'une justice imparfaite) ? Références utiles : Aristote, Éthique à Nicomaque ; John Rawls, Théorie
de la justice.
Éclaircissements :
A.
Qu'est-ce que l'égalité ?
- Il ne faut pas confondre égalité et identité.
Les individus sont tous différents, par définition, sinon ils ne seraient
pas des individus.
La différence entre les individus n'est pas la même chose que l'inégalité entre les hommes.
Dire
que les hommes sont égaux, ce n'est donc pas dire qu'ils sont identiques, mais c'est affirmer qu'en tant qu'hommes
ils doivent être traités de la même façon.
- L'égalité n'est donc pas un fait, mais un idéal.
Ceci étant posé, la difficulté demeure : quel contenu donner à cette
exigence d'égalité ? Il faut distinguer entre différents types d'égalité.
B.
Les différents types d'égalité :
- On distingue l'égalité des droits (ou égalité civique et politique) de l'égalité des conditions (ou égalité sociale).
L'égalité des droits repose sur l'idée que les hommes ont une égale dignité, une égale valeur morale, quelles que
soient par ailleurs leurs différences (de race, de sexe, de religion, etc.).
Ce type d'égalité n'admet, par principe,
aucune distinction et, de ce point de vue, toute inégalité est une injustice.
L'égalité des conditions porte sur les richesses à la fois matérielles et intellectuelles.
Ces richesses sont-elles
également réparties entre les hommes, et si non doivent-elles l'être ? Toute inégalité, dans ce domaine, est-elle une
injustice ?
- On peut estimer que l'inégalité sociale n'est pas forcément injustice pourvu que soit respectée l'égalité des
chances, ce qui signifie que chacun puisse sans entrave développer ses capacités.
Mais on peut reprocher à une
telle conception de la justice de renverser l'ordre des priorités : pour pouvoir développer ses capacités, et jouir
d'une véritable égalité des chances, il faudrait d'abord pouvoir bénéficier d'une égalité de conditions.
Mais cette
égalité est-elle réalisable concrètement ? Peut-on faire que les hommes soient tous placés dans des conditions
d'égalité ? N'y a-t-il pas, par ailleurs, des inégalités naturelles ?
- A cette dernière objection, on peut faire deux réponses.
La première consiste à dire que les inégalités, même «
naturelles » (de force, de talent, etc.) ne doivent pas pour autant entraîner des inégalités sociales.
C'est la position
que soutient Marx lorsqu'il évoque la société communiste.
La seconde consiste à dire que ces inégalités ne sont pas
des injustices, pourvu qu'elles n'entravent pas la possibilité pour les hommes de jouir de leurs droits et qu'elles
profitent aux plus défavorisés.
Dans cette perspective, qui est celle de John Rawls, par exemple, toute inégalité
n'est pas nécessairement une injustice.
Introduction
La justice se présente d'abord à la lumière de son contraire, l'injustice.
En effet, entre serments trahis, partages
inégaux, punitions injustifiées, on comprend quel peut être un sentiment d'injustice.
Ainsi des inégalités, des excès
de certains sur d'autres, naît le sens de la justice.
Et la justice doit être une réponse raisonnée à ce qui est mal,
puisque la vengeance ne peut résoudre les conflits qui perdurent entre les hommes.
De plus, la justice doit savoir se
pencher sur les inégalités naturelles, dans la mesure où par nature il y aura toujours un homme plus fort capable
d'asservir un homme plus faible.
Dès lors la raison devra s'entretenir sur ce qui est juste, et être capable de
résoudre des conflits de manière impartiale, c'est-à-dire sans porter de jugement à la lumière d'une opinion
subjective.
La justice peut-elle en ce sens s'intégrer en chacun, et paraître pour tous absolument équitable ?
I.
Justice et inégalités naturelles
a.
C'est Platon qui présentera le personnage de Calliclès dans le Gorgias (483 cd).
Calliclès critique les lois
positives qui affirment que « l'égalité est ce qui est beau et juste » ; selon lui, la justice consiste en ce que « le
meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort ».
Ce personnage se fonde sur un droit de la
nature, droit qui s'exprime très bien dans le règne animal (il y a toujours un prédateur et une proie) : « Si le plus fort
domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste ».
b.
On voit par ce qui vient d'être dit qu'un simple état de fait, et non la raison, pousse Calliclès à affirmer une.
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