Toute idée vient elle des sens ?
Extrait du document
«
Remarques sur l'intitulé du sujet :
« Toute » invite à s'interroger sur un ensemble : parmi nos idées, n'importe laquelle à-t-elle les
sens pour origine ?
Si ce n'est pas le cas, il faudra donc bien préciser sa réponse : s'agit-t-il de quelques idées
seulement (et lesquelles) ou encore aucune ?
Le sujet invite globalement à s'interroger sur le rôle joué par les sens dans l'élaboration de nos
idées.
Il s'agit ici d'un débat classique et balisé dans l'histoire de la philosophie : l'opposition entre le rationalisme et
l'empirisme
Toutefois, on veillera à ne pas opposer frontalement les auteurs, mais on tâchera de mener une
réflexion conceptuelle en analysant chaque concept et les enjeux de chaque thèse.
Ainsi, il faudra étudier ce que signifie une idée innée, comment se construit le passage de la
sensation à l'idée, c'est-à-dire qu'est-ce que « venir de...
» ...
Problématique : Il semble que nos idées nous viennent des sens : une idée est une représentation, la présentation
dans l'esprit de quelque chose qui fût présent d'abord aux sens.
Cependant, peut-on dire que l'idée de liberté ou de
beauté nous a d'abord été présentée dans les sens.
Ne faut-il pas d'abord avoir l'idée de ce qu'est le beau en soi
avant de pouvoir produire une belle chose ? Mais cet « en soi » n'est-il pas une illusion ? N'est-ce pas un au-delà du
monde physique, sensible, tout juste bon à alimenter l'imaginaire des poètes ? D'où le problème : toute idée vientelle des sens ou peut-il y avoir des idées qui n'aurait pour origine que l'esprit lui-même ? Comment pareille
chose est-elle seulement possible ?
1-
TOUT IDÉE PROVIENT DES SENS
a)
L'idée est l'image affaiblie d'une impression
Pour Hume, il est vain de chercher au-delà de l'expérience l'origine de nos idées : si la philosophie est « un
champs de bataille », c'est qu'il lui manque un ancrage expérimental.
Pour combler cette lacune, Hume entreprend
ainsi dans son Traité de la nature humaine de montrer quelle est l'origine de toutes nos idées.
Dès l'incipit de son
ouvrage (L.
I, ch.1), la sentence est sans appel : les idées sont des perceptions de l'esprit et elles ne diffèrent des
impressions sensibles que par « le degré de force et de vivacité avec lequel elles frappent l'esprit et se frayent un
chemin dans notre pensée ou notre conscience ».
Ainsi la différence entre les idées et les impressions n'est pas une
différence de nature mais de degré ; l'idées n'étant pas radicalement distincte des sensations, on peut donc dire
que toute idée vient des sens : l'impression est première ou originaire (rien ne vient avant), l'idée en est la copie
(elle ne peut avoir pour origine que l'impression).
Mais alors, comment se produit ce passage des sens à l'idée ? Enjeu : préciser « venir de...
» ; cela
signifie-t-il transformation ou seulement représentation ? N'y a-t-il pas autre chose que les sens qui intervient dans
la production d'une idée ? Car comment expliquer que je puisse avoir l'idée d'une montagne d'or, d'un centaure alors
que celle-ci ne semblent en aucun cas copier une impression correspondante
b)
Simplicité et complexité
Les idées de montagnes d'or ou de la cité merveilleuse d'une nouvelle Jérusalem, sont bien sûr en décalage avec les
impressions.
Cependant, pour résoudre cette difficulté, Hume émet une 2 nde distinction : il faut faire la différence
entre simplicité et complexité.
Une idée est simple lorsque son lien avec une impression sensible ne fait pas de doute
alors que les idées complexes « n'ont jamais eu d'impressions qui leur correspondent ».
Ces dernières peuvent être
des apparences d'idées : pour les distinguer des idées simples, il suffit d'interroger leur lien avec une éventuelle
origine sensible.
Toute idée complexe peut être décomposée en idées simples
Ainsi toute idée vient des sens au sens où 1) idée simple = image affaiblie impressions 2) idée complexe =
combinaison et association d'idées simples.
Transition :
Une idée simple ou complexe a une impressions pour origine : impressions et idées ont un lien si
étroit que c'est lui qui va permettre à Hume de discriminer, parmi nos idées, celles qui peuvent prétendre au statut
de connaissance.
Le mérité de H = la connaissance est circonscrite aux limites des impressions : on ne connaît que
ce que l'on sent.
Mais, les sens, en toute rigueur, nous livrent du multiple, du changeant : je vois tel chose sous un
angle, elle m'apparaît différente sous un autre.
Or, l'idée n'est-elle pas ce qui ne connaît aucune variation ?
Problème : qu'aucune de nos idées ne précède les sens et que toutes commencent avec
eux, ne suffit pas à prouver qu'elles en dérivent en totalité.
2-
TOUTE IDÉE NE VIENT PAS DES SENS
a)
Les sens ont affaire au multiple et au changeant
L'idée = unité intelligible.
Voir l'allégorie de la caverne : les sens ne nous livre que des ombres et l'esprit la
réalité.
Cette thèse est illustrée par tous les dialogues de Platon : on y voit Socrate demander qu'est-ce que la
vertu, la beauté, l'amour...
; à chaque fois, les réponses de ses interlocuteurs finissent, suite aux questions de
Socrate, par révéler des contradictions ; la raison en est qu'ils répondent en fonction de leurs sens.
Ex : Hippias
définit le beau comme tel ou tel bel objet, Menon donne à Socrate un « essaim de vertu » au lieu de définir l'idée de
beau, de vertu.
Ainsi, les sens n'ont affaire qu'à de la multiplicité et non à l'unité, ce par quoi les divers objets.
»
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