Tout plaisir est-il un bien?
Extrait du document
«
Remarques sur l'intitulé du sujet
·
Le sujet est de la forme « Tout X est-il Y ? ».
« Tout » = « n'importe quel ».
Donc on veillera à ne pas dire
d'emblée que le plaisir n'est jamais un bien.
présupposé : le plaisir est en général un bien mais il faut savoir si un
plaisir, quel qu'il soit, peut être considéré comme un bien.
Pourquoi ?
·
Car le terme « bien » renvoie à la morale, à une norme, et non simplement à ce qui fait du bien, ce qui est
bon au titre d'agréable.
En distinguant le bien du bon, du simple agrément ou de ce qui suscite le désir sensible, la
question posée amène à interroger la place de la sensibilité au sein du jugement moral : si je juge que ceci est bien
(au sens moral), est-ce parce que ceci est agréable, me procure du plaisir ? Au contraire, ceci est mal parce que
ceci me cause du déplaisir ?
·
Difficulté : si on ne fonde pas la morale sur le sentiment, sur quoi peut-elle reposer ?
·
Réponse : la raison comme ce qui vient s'opposer au relativisme des émotions.
·
Finalement, il s'agit de se demander si on peut rabattre l'éthique sur la physique : peut-on considérer que le
bien se limite à ce qui est utile ?
·
Enjeu : le bonheur : comment se rendre heureux ? Qu'est-ce que le bien suprême ? Est-ce le plaisir, et donc
ce qui relève de la sensibilité, ou bien est-ce la vertu, ce qui relève de la raison ?
Problématique : On admet volontiers que ce qui est bien est ce qui répond à un besoin.
En ce cas, le bien est
aussi ce qui me procure du plaisir : le plaisir marque l'instant où un manque est comblé (au contraire nous souffrons
lorsque nous sommes en manque de quelque chose).
Cependant, le terme « bien » a aussi, en plus de cette
acception « matérielle », un sens éthique : il désigne ce qui est conforme à l'idéal de la moralité.
Or comment le
plaisir pourrait-il alors indiquer cette conformité ? Pour autant que la sensibilité est variable et relative (ce qui me
plaît peut déplaire à un autre et inversement), il semble difficile de lui accorder un tel statut d'indice.
Par
conséquent, il y a deux niveaux à articuler ou au contraire à séparer : l'ordre matériel des besoins et l'ordre rationnel
de la morale.
C'est en accentuant leur compatibilité ou leur radicale hétérogénéité que l'on pourra déterminer si tout
plaisir est un bien : est-ce là ce qu'il nous faut absolument rechercher, ou alors, compte tenu de la nature
intellectuelle du bien, non seulement certains plaisir ne sont-ils pas des maux, mais, le bien ne doit-il pas
de surcroît être radicalement distingué de toute recherche du plaisir ?
1-
TOUT PLAISIR EST UN BIEN :
a)
Le plaisir est la marque du bien
Aristote, Ethique à Nicomaque: « Le bien est ce à quoi toutes les choses
tendent ».
Le bien est la finalité d'une action.
Du coup, nous n'agirions sans
doute pas en sachant qu'une action ne nous apportera aucun bien (car si tel
était le cas, l'action serait vaine, vide de sens).
Le bien est donc ce qui nous
motive : il est attractif, tout comme le plaisir.
En effet, l'expérience nous
montre que nous tendons à fuir la douleur et au contraire, recherchons ce qui
pourra nous procurer du plaisir.
Les stoïciens rapportaient ce double mouvement à l'oïkeiosis, le fait d'être
approprié à soi.
Cette appropriation se traduit par la recherche de ce qui est
utile à la conservation du corps et l'évitement de ce qui peut lui nuire.
Ce qui
est utile se trouve ainsi être agréable, plaisant, alors que ce qui est nuisible
ne l'est pas.
Sur ce point, les stoïciens soulignent que l'utile, l'agréable se
trouve pourvu d'une certaine valeur, d'une positivité.
Or nous nommons bien
ce qui a de la valeur et puisque le bien ne saurait être nuisible (auquel cas, il
ne s'agirait pas d'un bien), il semble donc bien coïncider avec le plaisir : ce qui
m'est agréable est un bien pour la conservation de ma vie et c'est en cela
qu'il me met en mouvement, me fait agir.
Mais alors, comment penser le bien moral dans une telle perspective ? Ne
peut-on dire que le bien, comme norme de conduite, doit être distingué des
penchants ou des impulsions ? Le bien est-il limité à ce qui est utile, à ce qui
favorise mon intégrité physique ?
b)
Le bien est toujours accompagné de plaisir
Pour la tradition empiriste du 17 ème siècle, la morale elle-même repose sur un sentiment¨.
En effet, l'empirisme,
en se basant sur l'expérience afin de limiter au mieux les prétentions de la raison, montre qu'on ne saurait penser le
bien à part de la sensibilité.
Ainsi pour Hutcheson qui inspirera la philosophie de Hume, le bien n'est pas seulement
ce qui est utile, ce qui relève de l'intérêt ; le bien moral est tout simplement ce qui suscite l'approbation.
Exemple :
voyant un homme se montrer charitable envers un autre, j'approuve son action, c'est-à-dire que j'éprouve un
certain plaisir alors que je ne suis pas directement concerné par ce geste bienfaiteur ; au contraire, deux hommes
frappant un seul plus faible, me scandalise, je ne l'approuve pas alors que là non plus, je ne suis pas explicitement
engagé dans cette action.
Dans cette perspective Hume va dire que « bien et mal », « vice et vertu » ne sont pas des distinctions
produites par la raison mais sont fondées sur des impressions senties, « ne sont rien d'autres que des peines et des.
»
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