Tout peut-il s'acheter ?
Extrait du document
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Problématique:
On peut acheter des marchandises ou des services.
Mais, l'échange économique introduit une réciprocité matérielle qui ne
prend pas en compte la valeur affective ou morale de ce qui est échangé, sont donc exclues toutes les valeurs dont
l'authenticité est ailleurs: valeur esthétique, sentimentale, qui n'ont pas de prix.
L'argent est le moyen grâce auquel les hommes échangent des biens matériels et immatériels .
Plus on possède
d'argent plus il est facile de satisfaire besoins les plus essentiels et désirs les plus futiles.
Toutefois, si l'argent permet de
tout acheter, les objets comme les hommes, cela ne conduit-il pas à une situation parfaitement immorale dans laquelle les
moins riches ne sont plus que des objets au service des besoins, des désirs, des ambitions de celui qui possède la fortune
? Qu'en est-il alors de la justice, du respect de la personne humaine, de l'égalité devant la loi ?
L'argent est un moyen qui facilite les échanges de biens et de services.
Plus on possède d'argent plus il est facile de
s'approprier ce dont on a besoin, ce dont on a envie.
Le pouvoir de l'argent est en principe illimité.
Tout du moins si l'on
s'en tient au domaine des biens et des services.
Cependant, même concernant ce domaine, n'y a-t-il pas lieu de se
demander s'il est juste de penser que l'argent peut tout acheter?
Envisagez la situation d'un homme très riche pouvant, en principe, acheter tout ce que bon lui semble : appartements,
usines, armes nucléaires, musées.
Cet homme-là, non seulement remet en cause la puissance de l'État garant de la paix
et de la sécurité, mais en plus prive les autres hommes de la possession de biens appartenant à la culture, et à tous.
Or,
c'est encore la société dans son ensemble qui permet à un Crésus de devenir ce qu'il est par le pouvoir et le prestige
qu'elle accorde à l'argent.
En conséquence, et même concernant les biens et les services, il n'est pas possible de penser
que l'argent peut tout acheter.
Elle concerne les personnes.
Il vous est facile de montrer que si l'argent permet d'acheter les âmes, les consciences, les
corps, voire même les organes, il ne reste plus rien de la morale, des droits de l'homme et du citoyen, du respect de la
personne humaine.
Qui possède l'argent peut faire de quiconque un esclave, le transformer en simple objet de ses désirs.
C'est la raison pour laquelle la loi limite le pouvoir de l'argent.
Dans une perspective morale, Kant dira que la personne est ce qui se distingue de la
chose, comme la fin se distingue des moyens.
Tout être dont l'existence ne dépend
pas de la libre volonté, mais de la nature, n'a qu'une valeur relative, c'est-à-dire en
rapport avec autre chose que lui-même.
Les êtres naturels sont des choses.
Les êtres
raisonnables, c'est-à-dire capables d'agissements libres, sont des personnes, c'est-àdire des fins en soi.
Ils ne peuvent servir simplement comme moyens, et par suite
limitent notre libre activité, puisqu'ils sont l'objet d'un inconditionnel respect.
La
personne est une fin objective, dont l'existence même est une fin en soi, qui ne peut
être remplacée par aucune autre.
Étant fin en soi, on lui doit un absolu respect.
La
personne humaine est la seule valeur absolue existante, il n'y en a pas d'autres sur le
plan pratique.
L'impératif catégorique pour toute volonté humaine repose donc sur le
principe que : "La nature raisonnable existe comme fin en soi." C'est ainsi que nous
devons nous représenter notre propre existence ainsi que celle d'autrui, et ce principe
doit sous-tendre toutes nos actions.
La moralité, soit l'usage de la raison dans le
domaine pratique, repose par conséquent sur la maxime suivante : "Agis de telle sorte
que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout
autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un
moyen."
Si l'argent peut tout acheter, cela signifie que tous les fondements de la société sont
niés.
Cela signifie qu'il met au-dessus des lois juridiques, morales, celui qui le possède.
Cela signifie enfin que la notion de personne humaine n'a plus aucun sens puisqu'il
suffit de payer pour contraindre quiconque à abandonner son corps, à se plier à une
volonté, à renoncer à sa vertu.
En ce sens, l'argent, dès lors qu'il peut tout acheter, conduit à une nouvelle forme de
barbarie, laquelle consiste à réduire autrui à n'être qu'une chose sans liberté, sans dignité ; chose qui est au service de
celui qui est assez riche pour réaliser ses désirs, aussi déraisonnables soient-ils.
C'est la raison pour laquelle Marx, dans
Ébauche d'une critique de l'économie politique a pu écrire : "(...) l'argent est la perversion générale des individualités qu'il
change en leur contraire, en leur attribuant des qualités qui ne sont pas le moins du monde les leurs.
Il apparaît alors
comme la puissance corruptrice de l'individu, des liens sociaux, etc., qui passent pour être essentiels.
Il transforme la
fidélité en infidélité, l'amour en haine, la haine en amour, la vertu en vice, le vice en vertu, le valet en maître, le maître en
valet, la bêtise en intelligence, l'intelligence en bêtise."
"L'argent est un cristal qui se forme spontanément dans les échanges par lesquels les divers produits du travail sont
en fait égalisés entre eux et par cela même transformés en marchandises." Marx, Le Capital, I,
L'invention de la monnaie est considérée par tous les économistes comme un progrès dans les échanges entre les
hommes.
En effet, le troc est un moyen rudimentaire permettant d'échanger des objets en fonction des besoins d'un
groupe d'hommes.
Mais il n'assure pas une égalité parfaite entre les biens échangés.
Avec l'argent, de simples objets, les biens,
deviennent des marchandises, elles reçoivent une valeur qui n'est plus liée aux besoins mais au travail qu'a demandé
leur fabrication..
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